Francophonie
Droits de l’Homme : le pari francophone
En tenant, du 25 au 28 avril à Brazzaville, une grande conférence sur la question des droits de l’Homme, la Francophonie entend affirmer sa vocation d’organisation porteuse des valeurs de démocratie et de paix, dans un contexte international très menaçant.
C’est la première grande réunion sur le thème de la démocratie et des droits de l’Homme organisée par la Francophonie depuis son sommet de Beyrouth, en octobre 2002. L’occasion officielle aura été fournie par la tenue d’une Conférence des structures gouvernementales chargées des droits de l’homme, devant aboutir à la création d’un réseau francophone de ces instances. L’objectif en la matière est de parvenir à consolider et dynamiser l’action menée au niveau des Etats en faveur des droits de l’homme, sachant que cette action peut prendre des formes diverses et s’appuyer sur des relais administratifs de différentes natures (ministères de la justice ou ministères des droits de l’homme de plein exercice, ou encore ministères délégués, commissariats ou délégations ad hoc…) qu’il s’agit d’examiner.
On souhaite aussi favoriser l’échange et la confrontation des expériences, ainsi qu’une plus grande ouverture au partenariat avec les autres institutions et les acteurs non gouvernementaux. Comme toujours l’exercice est délicat, s’agissant d’entités gouvernementales qui doivent faire la preuve de leur crédibilité et de leur réel engagement en faveur des droits de l’Homme. La Francophonie entend ici jouer la carte du réalisme, en encourageant une prise de conscience et en s’appuyant sur quelques expériences qui pourraient servir d’exemples.
Mais l’ambition va au-delà : il s’agit d’approfondir la réflexion sur le rôle que peut jouer l’instance francophone dans une dimension où elle entend bien faire œuvre de promoteur. Ceci spécialement à une période où la question des droits de l’Homme est confrontée à la fois à la multiplication des conflits et à la dérive terroriste, deux phénomènes qui mettent en péril les fragiles acquis de la décennie écoulée.
Une plus grande implication de la Francophonie dans la vie politique
L’approche francophone en matière de droits de l’Homme est ancienne et a montré une certaine homogénéité. Dès le début des années 90, l’accent a été mis sur la coopération juridique et judiciaire, incluant un volet de promotion des droits humains, qui permettait d’apporter un soutien aux institutions et structures spécialisées (tels les barreaux francophones, les cours constitutionnelles ou cours de cassation) en élargissant par cercles concentriques à d’autres institutions de droit, comme les médiateurs, ou plus récemment les instances de régulation de la communication. La dimension «droits de l’homme et démocratie» a connu cependant un net renforcement ces dernières années avec la mise à contribution toujours plus large des chercheurs et des acteurs de la société civile. Chaque fois cependant, la démarche, pilotée au sein de l’organisation francophone par la Délégation aux droits de l’homme et à la démocratie, a suivi un schéma globalement similaire : outre les appuis ponctuels auprès d’une instance ou d’une autre, on a essayé de favoriser l’échange et la concertation, spécialement par la mise en place de réseaux réunissant par spécialité ces différents acteurs, de grandes réunions étant périodiquement organisées pour encourager le brassage des idées et la mobilisation de structures qui restent ordinairement assez isolées.
On rappellera que cette évolution progressive a été encouragée et redimensionnée avec la plus grande implication de la Francophonie sur le terrain politique, où il s’agissait à la fois d’accompagner les mutations en cours de la vie politique au sein des Etats membres, et de faire entendre une voix francophone sur les grands dossiers internationaux. Un facteur décisif a été la création de l’organisation internationale de la Francophonie et de la fonction de secrétaire général de cette instance, avec l’avènement (au moins depuis le sommet de Hanoï en 1997) de sommets francophones qui illustraient cette nouvelle ambition. La désignation, en octobre dernier, d’Abdou Diouf comme nouveau chef de file de la Francophonie, dans le contexte d’un sommet très «politique» en raison des enjeux internationaux, devrait permettre d’accomplir de nouveaux pas dans cette voie.
Ce que deviennent les droits de l’Homme dans les situations de conflits
Plusieurs ambitions étaient affichées par l’organisation francophone dans la préparation de la conférence de Brazzaville. Il s’agissait notamment de proposer un bilan dans la prise en compte par les Etats de la défense et du respect des droits de l’homme, en particulier depuis la Conférence mondiale sur les droits de l’Homme de 1993. Un constat s’impose : les Etats francophones ont encore des efforts à accomplir pour réaliser les objectifs fixés à la conférence de Vienne, ne serait-ce qu’en matière de ratification des grandes décisions internationales et de mise en conformité de leur propres instruments juridiques. Plus difficile à circonscrire, mais déterminante, est aussi la volonté politique manifestée sur ce terrain par les pays concernés, dont témoignerait, entre autres, la production, encore faible, de rapports nationaux sur la question des droits de l’Homme, dont il s’agit d’encourager la mise en œuvre.
La conférence devait aussi examiner ce que devient la question des droits de l’homme dans les situations de conflits qui marquent une rupture de l’Etat de droit.
Comment dans ce cas sauvegarder les droits élémentaires, voire en adapter la formulation aux états de crise qui justifient toutes sortes de mesures d’exception ? Etats de crise qui témoignent généralement d’une faible culture préalable des droits de l’homme et de tout un ensemble de dysfonctionnements de la démocratie, et qui reposent le problème de la diffusion des valeurs de paix et de démocratie auprès des populations et des acteurs politiques. Une réflexion doit aussi être menée sur la place des droits de l’homme dans les scénarios de sorties de crise et de rétablissement de la paix qui donnent lieu à des formules empiriques (amnisties ou commissions «vérité et réconciliation») d’apaisement des tensions.
Tous ces chantiers doivent permettre à la Francophonie de réaffirmer l’option, dégagée au moins depuis la conférence de Bamako de novembre 2000, en faveur d’un mécanisme permanent francophone d’observation et d’évaluation des pratiques de la démocratie, des droits et des libertés. Tous les acteurs associés à la constitution de ce mécanisme devaient se retrouver à Brazzaville pour tenter d’avancer dans sa mise en place effective.
On souhaite aussi favoriser l’échange et la confrontation des expériences, ainsi qu’une plus grande ouverture au partenariat avec les autres institutions et les acteurs non gouvernementaux. Comme toujours l’exercice est délicat, s’agissant d’entités gouvernementales qui doivent faire la preuve de leur crédibilité et de leur réel engagement en faveur des droits de l’Homme. La Francophonie entend ici jouer la carte du réalisme, en encourageant une prise de conscience et en s’appuyant sur quelques expériences qui pourraient servir d’exemples.
Mais l’ambition va au-delà : il s’agit d’approfondir la réflexion sur le rôle que peut jouer l’instance francophone dans une dimension où elle entend bien faire œuvre de promoteur. Ceci spécialement à une période où la question des droits de l’Homme est confrontée à la fois à la multiplication des conflits et à la dérive terroriste, deux phénomènes qui mettent en péril les fragiles acquis de la décennie écoulée.
Une plus grande implication de la Francophonie dans la vie politique
L’approche francophone en matière de droits de l’Homme est ancienne et a montré une certaine homogénéité. Dès le début des années 90, l’accent a été mis sur la coopération juridique et judiciaire, incluant un volet de promotion des droits humains, qui permettait d’apporter un soutien aux institutions et structures spécialisées (tels les barreaux francophones, les cours constitutionnelles ou cours de cassation) en élargissant par cercles concentriques à d’autres institutions de droit, comme les médiateurs, ou plus récemment les instances de régulation de la communication. La dimension «droits de l’homme et démocratie» a connu cependant un net renforcement ces dernières années avec la mise à contribution toujours plus large des chercheurs et des acteurs de la société civile. Chaque fois cependant, la démarche, pilotée au sein de l’organisation francophone par la Délégation aux droits de l’homme et à la démocratie, a suivi un schéma globalement similaire : outre les appuis ponctuels auprès d’une instance ou d’une autre, on a essayé de favoriser l’échange et la concertation, spécialement par la mise en place de réseaux réunissant par spécialité ces différents acteurs, de grandes réunions étant périodiquement organisées pour encourager le brassage des idées et la mobilisation de structures qui restent ordinairement assez isolées.
On rappellera que cette évolution progressive a été encouragée et redimensionnée avec la plus grande implication de la Francophonie sur le terrain politique, où il s’agissait à la fois d’accompagner les mutations en cours de la vie politique au sein des Etats membres, et de faire entendre une voix francophone sur les grands dossiers internationaux. Un facteur décisif a été la création de l’organisation internationale de la Francophonie et de la fonction de secrétaire général de cette instance, avec l’avènement (au moins depuis le sommet de Hanoï en 1997) de sommets francophones qui illustraient cette nouvelle ambition. La désignation, en octobre dernier, d’Abdou Diouf comme nouveau chef de file de la Francophonie, dans le contexte d’un sommet très «politique» en raison des enjeux internationaux, devrait permettre d’accomplir de nouveaux pas dans cette voie.
Ce que deviennent les droits de l’Homme dans les situations de conflits
Plusieurs ambitions étaient affichées par l’organisation francophone dans la préparation de la conférence de Brazzaville. Il s’agissait notamment de proposer un bilan dans la prise en compte par les Etats de la défense et du respect des droits de l’homme, en particulier depuis la Conférence mondiale sur les droits de l’Homme de 1993. Un constat s’impose : les Etats francophones ont encore des efforts à accomplir pour réaliser les objectifs fixés à la conférence de Vienne, ne serait-ce qu’en matière de ratification des grandes décisions internationales et de mise en conformité de leur propres instruments juridiques. Plus difficile à circonscrire, mais déterminante, est aussi la volonté politique manifestée sur ce terrain par les pays concernés, dont témoignerait, entre autres, la production, encore faible, de rapports nationaux sur la question des droits de l’Homme, dont il s’agit d’encourager la mise en œuvre.
La conférence devait aussi examiner ce que devient la question des droits de l’homme dans les situations de conflits qui marquent une rupture de l’Etat de droit.
Comment dans ce cas sauvegarder les droits élémentaires, voire en adapter la formulation aux états de crise qui justifient toutes sortes de mesures d’exception ? Etats de crise qui témoignent généralement d’une faible culture préalable des droits de l’homme et de tout un ensemble de dysfonctionnements de la démocratie, et qui reposent le problème de la diffusion des valeurs de paix et de démocratie auprès des populations et des acteurs politiques. Une réflexion doit aussi être menée sur la place des droits de l’homme dans les scénarios de sorties de crise et de rétablissement de la paix qui donnent lieu à des formules empiriques (amnisties ou commissions «vérité et réconciliation») d’apaisement des tensions.
Tous ces chantiers doivent permettre à la Francophonie de réaffirmer l’option, dégagée au moins depuis la conférence de Bamako de novembre 2000, en faveur d’un mécanisme permanent francophone d’observation et d’évaluation des pratiques de la démocratie, des droits et des libertés. Tous les acteurs associés à la constitution de ce mécanisme devaient se retrouver à Brazzaville pour tenter d’avancer dans sa mise en place effective.
par Thierry Perret
Article publié le 22/04/2003