Burundi
Le président Buyoya passe le relais à un Hutu
Le président du Burundi, Pierre Buyoya, un Tutsi, vient de laisser son fauteuil présidentiel à un Hutu, Domitien Ndayizeye, ouvrant ainsi la voix à des élections démocratiques dans un an et demi. Le Burundi est en guerre depuis que le premier président élu du pays, un Hutu, a été assassiné par des militaires Tutsi, c’était en 1993. Depuis, les Tutsi, qui comme au Rwanda voisin ne constitue pas plus de 15 % de la population, sont parvenus à reconquérir et à conserver le pouvoir au prix d’une guerre qui a déjà fait plus de 300 000 morts.
De notre correspondant régional
C’est en grande partie grâce à la médiation de l’ancien président d’Afrique du Sud, Nelson Mandela, que le président Buyoya, un Tutsi, a laissé symboliquement son fauteuil mercredi à Domitien Ndayizeye, un Hutu de 49 ans. Membre du Front pour la Démocratie au Burundi (FRODEBU), le parti qui avait gagné les élections de 1993, le président Ndayizeye aura 18 mois pour convaincre les groupes rebelles Hutu de rejoindre le processus de paix et pour organiser des élections démocratiques.
«Je jure de chercher le bien de tous les Burundais, de combattre le génocide et l'exclusion et de faire respecter les droits de l'Homme», a-t-il déclaré lors de sa prestation de serment. L’actuel processus de paix a été signé le 28 août 2000 à Arusha en Tanzanie en l’absence des principaux chefs rebelles. Il a instauré une période de transition de trois ans durant laquelle les pouvoirs sont savamment dosés entre une minorité Tutsi qui dirige effectivement le pays et une majorité hutu avide de renouer avec un processus démocratique. Le président Buyoya avait déjà quitté pacifiquement le pouvoir après avoir perdu les élections en 1993. Il l’avait repris, trois ans plus tard, à la demande de l’armée, dominée par des tutsi.
Jusqu’à présent, aucun président Hutu n’est parvenu à rester plus que quelques mois au pouvoir au Burundi. L’armée n’a en effet jamais accepter de voir un civil empiéter sur son pouvoir.
Domitien Ndayizeye aura donc la tache délicate de rassurer cette armée et plus généralement les Tutsi qui l’a considère comme un rempart contre les Hutu. Il est secondé dans cet objectif par un vice-président Tutsi, Alphonse Marie Kadege, proche des colonels et des hommes d’affaires qui tiennent le véritable pouvoir au Burundi. La signature du vice-président sera indispensable sur tous les documents en provenance de la présidence concernant les questions de sécurité et la réorganisation de l'armée, pour que ces textes deviennent effectifs.
Pour Le Front pour la Défense de la Démocratie (FDD), l’un des deux groupes qui a refusé de rejoindre le processus de paix, le président Domitien n’est donc qu’un pantin. «Ce changement ne signifie rien. Il n’y a pas de différence entre Buyoya et Domitien. Le système reste le même. C’est le même gouvernement» confie à l’agence britannique Reuters, Gelase Ndabirabe, le porte-parole du FDD. Gelase Ndabirabe demande aux chefs d’État de la région de faire pression sur le gouvernement burundais pour qu’il respecte les modalités d’un cessez le feu signé en décembre dernier et qui n’a jamais été respecté.
Un second groupe rebelle hutu, celui des Forces pour la Libération Nationale (FNL), essentiellement actif autour de Bujumbura et qui a lui refusé, malgré les fortes pressions internationales, de signer un cessez le feu, dénonce également la transition inaugurée aujourd’hui. «Nous n’avons pas été inclus dans le processus de paix d’Arusha. Nous ne sommes donc pas concernés par ce qui découle d’Arusha», déclare à Reuters Pasteur Habimana, le porte parole du FNL. «Nous avons pris les armes pour combattre un système de terreur, un système de mensonges et ce system est toujours là», ajoute-t-il.
Le plus important reste à faire
Les combats se sont intensifiés au Burundi au fur et à mesure que la passation du pouvoir présidentiel se rapprochait souligne Human Rights Watch. «La situation est telle qu’au lieu de susciter l’espoir, la transition attise les peurs», estime Alison Des Forges, Senior Advisor à la Division Afrique de cette organisation des Droits de l’homme basée aux Etats Unis. «Les civils sont résignés et ne peuvent qu’espérer qu’ils échapperont à cette violence aveugle qui est le fait tant du gouvernement que des rebelles», dénonce-t-il.
Mais la communauté internationale se veut optimiste. Le fait que le président Buyoya ait respecté ses engagements en acceptant de quitter le pouvoir devrait permettre à la transition de se poursuivre et rapproche donc le Burundi de la paix. «Il y a une chance à saisir, il faut continuer à exhorter les rebelles, leur dire que l'avenir est dans le processus de paix, dans le dialogue, que ce ne sont pas les armes qui vont assurer la réconciliation», a souligné Louis Michel le ministre des Affaires étrangères de Belgique, en marge de la cérémonie d’investiture.
Une centaine de militaires sud Africain sont d’ailleurs arrivés dimanche dernier au Burundi afin de contrôler l’application du cessez le feu entre les rebelles du FDD et l’armée. Ils sont les premiers éléments d’une force de 3 500 hommes, qui inclura des soldats mozambicains et éthiopiens.
Aux yeux de la population, le plus important reste à faire : Il s’agit d’obliger tous ceux qui ont des armes à se replier sur des positions préétablies afin de permettre la constitution d’une véritable armée nationale qui ne soit pas à la solde de quelques hommes d’affaires Tutsi.
A écouter :
Domitien Ndayizeye
Il répond aux questions de Christophe Boisbouvier sur son futur poste de président du Burundi (30/04/2003).
Pierre Buyoya
Il est l'invité de Christophe Boisbouvier (28/04/2003).
C’est en grande partie grâce à la médiation de l’ancien président d’Afrique du Sud, Nelson Mandela, que le président Buyoya, un Tutsi, a laissé symboliquement son fauteuil mercredi à Domitien Ndayizeye, un Hutu de 49 ans. Membre du Front pour la Démocratie au Burundi (FRODEBU), le parti qui avait gagné les élections de 1993, le président Ndayizeye aura 18 mois pour convaincre les groupes rebelles Hutu de rejoindre le processus de paix et pour organiser des élections démocratiques.
«Je jure de chercher le bien de tous les Burundais, de combattre le génocide et l'exclusion et de faire respecter les droits de l'Homme», a-t-il déclaré lors de sa prestation de serment. L’actuel processus de paix a été signé le 28 août 2000 à Arusha en Tanzanie en l’absence des principaux chefs rebelles. Il a instauré une période de transition de trois ans durant laquelle les pouvoirs sont savamment dosés entre une minorité Tutsi qui dirige effectivement le pays et une majorité hutu avide de renouer avec un processus démocratique. Le président Buyoya avait déjà quitté pacifiquement le pouvoir après avoir perdu les élections en 1993. Il l’avait repris, trois ans plus tard, à la demande de l’armée, dominée par des tutsi.
Jusqu’à présent, aucun président Hutu n’est parvenu à rester plus que quelques mois au pouvoir au Burundi. L’armée n’a en effet jamais accepter de voir un civil empiéter sur son pouvoir.
Domitien Ndayizeye aura donc la tache délicate de rassurer cette armée et plus généralement les Tutsi qui l’a considère comme un rempart contre les Hutu. Il est secondé dans cet objectif par un vice-président Tutsi, Alphonse Marie Kadege, proche des colonels et des hommes d’affaires qui tiennent le véritable pouvoir au Burundi. La signature du vice-président sera indispensable sur tous les documents en provenance de la présidence concernant les questions de sécurité et la réorganisation de l'armée, pour que ces textes deviennent effectifs.
Pour Le Front pour la Défense de la Démocratie (FDD), l’un des deux groupes qui a refusé de rejoindre le processus de paix, le président Domitien n’est donc qu’un pantin. «Ce changement ne signifie rien. Il n’y a pas de différence entre Buyoya et Domitien. Le système reste le même. C’est le même gouvernement» confie à l’agence britannique Reuters, Gelase Ndabirabe, le porte-parole du FDD. Gelase Ndabirabe demande aux chefs d’État de la région de faire pression sur le gouvernement burundais pour qu’il respecte les modalités d’un cessez le feu signé en décembre dernier et qui n’a jamais été respecté.
Un second groupe rebelle hutu, celui des Forces pour la Libération Nationale (FNL), essentiellement actif autour de Bujumbura et qui a lui refusé, malgré les fortes pressions internationales, de signer un cessez le feu, dénonce également la transition inaugurée aujourd’hui. «Nous n’avons pas été inclus dans le processus de paix d’Arusha. Nous ne sommes donc pas concernés par ce qui découle d’Arusha», déclare à Reuters Pasteur Habimana, le porte parole du FNL. «Nous avons pris les armes pour combattre un système de terreur, un système de mensonges et ce system est toujours là», ajoute-t-il.
Le plus important reste à faire
Les combats se sont intensifiés au Burundi au fur et à mesure que la passation du pouvoir présidentiel se rapprochait souligne Human Rights Watch. «La situation est telle qu’au lieu de susciter l’espoir, la transition attise les peurs», estime Alison Des Forges, Senior Advisor à la Division Afrique de cette organisation des Droits de l’homme basée aux Etats Unis. «Les civils sont résignés et ne peuvent qu’espérer qu’ils échapperont à cette violence aveugle qui est le fait tant du gouvernement que des rebelles», dénonce-t-il.
Mais la communauté internationale se veut optimiste. Le fait que le président Buyoya ait respecté ses engagements en acceptant de quitter le pouvoir devrait permettre à la transition de se poursuivre et rapproche donc le Burundi de la paix. «Il y a une chance à saisir, il faut continuer à exhorter les rebelles, leur dire que l'avenir est dans le processus de paix, dans le dialogue, que ce ne sont pas les armes qui vont assurer la réconciliation», a souligné Louis Michel le ministre des Affaires étrangères de Belgique, en marge de la cérémonie d’investiture.
Une centaine de militaires sud Africain sont d’ailleurs arrivés dimanche dernier au Burundi afin de contrôler l’application du cessez le feu entre les rebelles du FDD et l’armée. Ils sont les premiers éléments d’une force de 3 500 hommes, qui inclura des soldats mozambicains et éthiopiens.
Aux yeux de la population, le plus important reste à faire : Il s’agit d’obliger tous ceux qui ont des armes à se replier sur des positions préétablies afin de permettre la constitution d’une véritable armée nationale qui ne soit pas à la solde de quelques hommes d’affaires Tutsi.
A écouter :
Domitien Ndayizeye
Il répond aux questions de Christophe Boisbouvier sur son futur poste de président du Burundi (30/04/2003).
Pierre Buyoya
Il est l'invité de Christophe Boisbouvier (28/04/2003).
par Gabriel Kahn
Article publié le 30/04/2003