Ouganda
Une ouverture politique en trompe-l’oeil
A l’issue de trois jours de débats, la majorité des représentants du «Mouvement de Résistance Nationale» qui dirige l’Ouganda depuis la prise de pouvoir de Yoweri Museveni en 1986 ont accepté le principe d’une libéralisation des partis politiques dans le cadre de pouvoirs présidentiels accrus. Une innovation en trompe l’œil qui en réalité conforte la main mise absolue du président Museveni sur ce pays activement impliqué dans la guerre au Soudan et en République Démocratique du Congo.
De notre correspondant à Kampala
Comme à chaque fois que le président Museveni convoque le «Comité Exécutif National», l’organe suprême du «Mouvement» au pouvoir, ce fut une grand-messe. Tous ceux qui bénéficient des prébendes de l’Etat étaient là : trois mille personnes environs. Tous, -sauf trois– ont acclamé l’ensemble des propositions du président Museveni, qui s’est ainsi servie une nouvelle fois du «Mouvement» comme d’une caisse d’enregistrement. Lundi dernier, le Comité exécutif National n’a fait qu’avaliser les souhaits présidentiels.
En apparence, c’est du «donnant-donnant» : d’une part les partis politiques pourraient obtenir à l’issue d’un référendum la liberté de fonctionner. D’autre part le président Museveni obtient que la constitution du pays soit amendée afin de lui permettre de se représenter aux prochaines élections présidentielles en 2006 avec des pouvoirs accrus.
Le président ougandais motive sa proposition de libérer l’activité des partis politiques en invoquant la pression des bailleurs de fonds et le fait qu’une minorité d’Ougandais refusent toujours de le soutenir, lui et son mouvement. Yoweri Museveni invoque également les attentes de la jeunesse et les faiblesses internes du mouvement au pouvoir.
Jusqu’à présent, les partis politiques ougandais sont confinés dans leurs bureaux nationaux. Ils n’ont ni le droit de se réunir, ni celui de recruter des membres, ni même celui de soutenir des candidats aux élections. «Nous ne croyons pas que les conditions matérielles nécessaires pour la formation de partis politiques sains comme le sont les partis politiques en Europe existent en Ouganda» rappelle Museveni. Le «Mouvement de Résistance National» (NRM), au pouvoir depuis 1986, leur reproche de s’être constitués sur des clivages ethniques et religieux déstabilisateurs pour la jeune nation ougandaise. Il faudra beaucoup de temps à ces partis politiques disqualifiés et misérables pour retrouver une audience nationale.
Le désir de se maintenir au pouvoir
La proposition d’offrir plus de liberté aux partis politiques n’est d’ailleurs pas motivée par une soudaine reconnaissance des vertus du multipartisme. «Chaque fois que nous allons à des élections des éléments dans les vieux partis politiques persuadent environ 20% de notre population de ne pas voter pour nous» se désole le président Museveni. «La question est dès lors : comment s’en débarrasser ?», ajoute-t-il.
Déjà chef de l’Etat, président du «Mouvement» au pouvoir, et à la tête du Front pour la Défense du Peuple Ougandais (UPDF), Yoweri Museveni a obtenu que les pouvoirs du Parlement et des juges –les seuls qui résistent parfois timidement aux décisions présidentielles– soient amoindris.
Le Parlement est particulièrement dans la ligne de mire du président Museveni. Museveni veut ainsi amender l’article 118 de la constitution ougandaise qui offre au parlement ougandais les pouvoirs de censurer un ministre. Ce pouvoir ne devrait plus appartenir qu’au chef de l’État.
Selon les vœux du président, le parlement ne pourra plus non plus s’opposer à la nomination d’un ministre sauf en cas de crime. Il ne pourra plus adopter de loi sans le consentement express de la présidence. Le Parlement ne devrait plus avoir la possibilité de s’opposer à la prise en charge de l’administration d’un département (district) par la présidence si «la loi où l’ordre» y sont menacés. Enfin, suprême coup de ciseaux : «En cas de paralysie entre le président et le Parlement, la Constitution doit permettre au Président soit de dissoudre le Parlement soit que le Parlement et le Président démissionnent», demande Museveni. Pour s’assurer que ce nouveau modèle lilliputien de Parlement sera véritablement impuissant, Museveni propose en outre de faire disparaître l’obligation qui était faite aux candidats parlementaires d’avoir un niveau d’étude minimum. Désormais, même les analphabètes pourront être élus, selon les vœux du président Museveni.
Sur le plan économique, Museveni a en outre obtenu le feu vert de son « Mouvement » pour que l’Étatqui jusqu’à présent ne peut acquérir des terres que dans l’intérêt public, puisse désormais en acquérir «pour satisfaire des intérêts privés». Une nouveauté constitutionnelle qui serait particulièrement lourdes de conséquences au regard notamment des pratiques passées de la présidence ougandaise qui a notamment dé classifié une foret entière pour satisfaire les intérêts d’une entreprise sucrière.
«Derrière ses promesses de libéralisation politique et de fédéralisme, Museveni cache mal son désir de se maintenir au pouvoir», dénonce Yacine Olum, professeur de sciences politiques à l’Université de Makerere.
Derrière la vague promesse d’une libéralisation des partis politiques se révèle ainsi l’ambition politique d’un chef d’État qui entend jouir pleinement d’une emprise toujours accrue sur la destiné de son pays. Car de toutes les façons le terrain est faussé. Les partis politiques en Ouganda sont en loques tandis que le président Museveni est de plus en plus clairement l’unique centre de décision du pays.
Comme à chaque fois que le président Museveni convoque le «Comité Exécutif National», l’organe suprême du «Mouvement» au pouvoir, ce fut une grand-messe. Tous ceux qui bénéficient des prébendes de l’Etat étaient là : trois mille personnes environs. Tous, -sauf trois– ont acclamé l’ensemble des propositions du président Museveni, qui s’est ainsi servie une nouvelle fois du «Mouvement» comme d’une caisse d’enregistrement. Lundi dernier, le Comité exécutif National n’a fait qu’avaliser les souhaits présidentiels.
En apparence, c’est du «donnant-donnant» : d’une part les partis politiques pourraient obtenir à l’issue d’un référendum la liberté de fonctionner. D’autre part le président Museveni obtient que la constitution du pays soit amendée afin de lui permettre de se représenter aux prochaines élections présidentielles en 2006 avec des pouvoirs accrus.
Le président ougandais motive sa proposition de libérer l’activité des partis politiques en invoquant la pression des bailleurs de fonds et le fait qu’une minorité d’Ougandais refusent toujours de le soutenir, lui et son mouvement. Yoweri Museveni invoque également les attentes de la jeunesse et les faiblesses internes du mouvement au pouvoir.
Jusqu’à présent, les partis politiques ougandais sont confinés dans leurs bureaux nationaux. Ils n’ont ni le droit de se réunir, ni celui de recruter des membres, ni même celui de soutenir des candidats aux élections. «Nous ne croyons pas que les conditions matérielles nécessaires pour la formation de partis politiques sains comme le sont les partis politiques en Europe existent en Ouganda» rappelle Museveni. Le «Mouvement de Résistance National» (NRM), au pouvoir depuis 1986, leur reproche de s’être constitués sur des clivages ethniques et religieux déstabilisateurs pour la jeune nation ougandaise. Il faudra beaucoup de temps à ces partis politiques disqualifiés et misérables pour retrouver une audience nationale.
Le désir de se maintenir au pouvoir
La proposition d’offrir plus de liberté aux partis politiques n’est d’ailleurs pas motivée par une soudaine reconnaissance des vertus du multipartisme. «Chaque fois que nous allons à des élections des éléments dans les vieux partis politiques persuadent environ 20% de notre population de ne pas voter pour nous» se désole le président Museveni. «La question est dès lors : comment s’en débarrasser ?», ajoute-t-il.
Déjà chef de l’Etat, président du «Mouvement» au pouvoir, et à la tête du Front pour la Défense du Peuple Ougandais (UPDF), Yoweri Museveni a obtenu que les pouvoirs du Parlement et des juges –les seuls qui résistent parfois timidement aux décisions présidentielles– soient amoindris.
Le Parlement est particulièrement dans la ligne de mire du président Museveni. Museveni veut ainsi amender l’article 118 de la constitution ougandaise qui offre au parlement ougandais les pouvoirs de censurer un ministre. Ce pouvoir ne devrait plus appartenir qu’au chef de l’État.
Selon les vœux du président, le parlement ne pourra plus non plus s’opposer à la nomination d’un ministre sauf en cas de crime. Il ne pourra plus adopter de loi sans le consentement express de la présidence. Le Parlement ne devrait plus avoir la possibilité de s’opposer à la prise en charge de l’administration d’un département (district) par la présidence si «la loi où l’ordre» y sont menacés. Enfin, suprême coup de ciseaux : «En cas de paralysie entre le président et le Parlement, la Constitution doit permettre au Président soit de dissoudre le Parlement soit que le Parlement et le Président démissionnent», demande Museveni. Pour s’assurer que ce nouveau modèle lilliputien de Parlement sera véritablement impuissant, Museveni propose en outre de faire disparaître l’obligation qui était faite aux candidats parlementaires d’avoir un niveau d’étude minimum. Désormais, même les analphabètes pourront être élus, selon les vœux du président Museveni.
Sur le plan économique, Museveni a en outre obtenu le feu vert de son « Mouvement » pour que l’Étatqui jusqu’à présent ne peut acquérir des terres que dans l’intérêt public, puisse désormais en acquérir «pour satisfaire des intérêts privés». Une nouveauté constitutionnelle qui serait particulièrement lourdes de conséquences au regard notamment des pratiques passées de la présidence ougandaise qui a notamment dé classifié une foret entière pour satisfaire les intérêts d’une entreprise sucrière.
«Derrière ses promesses de libéralisation politique et de fédéralisme, Museveni cache mal son désir de se maintenir au pouvoir», dénonce Yacine Olum, professeur de sciences politiques à l’Université de Makerere.
Derrière la vague promesse d’une libéralisation des partis politiques se révèle ainsi l’ambition politique d’un chef d’État qui entend jouir pleinement d’une emprise toujours accrue sur la destiné de son pays. Car de toutes les façons le terrain est faussé. Les partis politiques en Ouganda sont en loques tandis que le président Museveni est de plus en plus clairement l’unique centre de décision du pays.
par Gabriel Kahn
Article publié le 02/04/2003