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Guerre en Irak

Les Américains doivent gérer une hostilité grandissante

Tandis que la coalition américano-britannique tente de réorganiser politiquement et économiquement l’Irak, ses soldats font face sur le terrain à de plus en plus de manifestations d’hostilité. A Bagdad ,comme dans le sud du pays ou bien au Kurdistan, des Irakiens osent dénoncer publiquement l’occupation de leur territoire, s’exposant parfois à des ripostes meurtrières.
La spirale de la violence n’est pas brisée à Mossoul, la troisième ville du pays. Dans le sillage de la libération de la ville par les combattants kurdes vendredi, des combats avaient éclaté entre les Arabes et les minorités kurdes. Cette ville pétrolière avait alors vécu pendant quarante-huit heures de violentes scènes de pillage et d’intenses règlements de comptes. Une quinzaine de personnes avaient été tués, avant qu’un semblant de calme ne revienne dimanche. Un répit de courte durée puisque l’hôpital Al-Zahrawy devait à nouveau soigner mardi plusieurs dizaines de blessés par balles. Mais à la différence des jours précédents, ils avaient cette fois été victimes de tirs américains.

Ce sont en effet des marines qui ont ouvert le feu mardi sur la foule à Mossoul. Selon le directeur adjoint de l’hôpital, ils auraient tué 15 personnes et en auraient blessé une trentaine d’autres. Cette fusillade s’est produite au moment où de nombreux manifestants prenaient à parti le nouveau gouverneur de la ville, Mashan al-Joubouri. Ce dernier était en train de prononcer un discours favorable aux Américains sur la place du Gouvernement, située dans le centre de la ville. «Des blessés ont raconté que la foule était là pour écouter le gouverneur. Il disait qu’il fallait coopérer avec les Etats-Unis. La foule l’a traité de menteur, ils ont lancé des objets contre lui, retourné sa voiture qui a explosé. Les blessés racontent que le gouverneur a demandé aux Américains de tirer», avait expliqué le docteur Saïd Altah, un des médecins de l’hôpital, quelques heures après la fusillade.

Cette version a été démentie par un porte-parole des militaires américains présents à Mossoul. Il a expliqué que plusieurs centaines de personnes s’étaient massées devant un bâtiment gouvernemental de Mossoul protégé par des soldats américains. Essuyant des tirs, ces derniers auraient alors riposté. Une version similaire a été donnée ce mercredi à la suite d’une nouvelle fusillade qui s’est produite au même endroit. «Les soldats de la coalition ont effectivement tiré, les tirs ont été mortels et plusieurs Irakiens ont été tués. Nous pensons que leur nombre est d’environ sept, et nous pensons qu’il y a également des blessés», a déclaré jeudi le général Vince Brooks depuis le QG des forces américaines au Qatar. Il a ajouté qu’il s’agissait clairement d’une attaque, des irakiens armés tentant de pénétrer dans ce bâtiment.

Tikrit encore sous le choc

Les fusillades meurtrières de Mossoul interviennent dans un climat d’hostilité croissante à l’égard des Américains. Un peu partout dans le pays se déroulent des manifestations dénonçant l’occupation militaire de l’Irak ou bien la manière dont la coalition entend reconstruire le pays. Environ 20 000 personnes ont ainsi protesté mardi à Nassiriyah, une ville du sud irakien, contre une réunion qui se tenait non loin de là et à laquelle participaient quelque quatre-vingt représentants de l’opposition irakienne. Placée sous l’égide des Etats-Unis, cette réunion a notamment provoqué l’ire de religieux chiites qui estiment que «seule la hawza (l’école religieuse) à Najaf est l’unique représentant du peuple irakien».

Les raisons du mécontentement de certains habitants tiennent également aux mauvaises conditions dans lesquels ils doivent vivre depuis le début de l’intervention militaire de la coalition. Privés d’eau, d’électricité et trouvant difficilement de quoi se nourrir, beaucoup reprochent aux soldats de la coalition de ne pas rétablir assez rapidement une certaine normalité dans le pays. L’absence de sécurité représente également un motif de protestation. Ainsi, plusieurs centaines de personnes venues crier leur colère plusieurs jours de suite au bas de l’hôtel Palestine qui abrite à Bagdad de nombreux journalistes étrangers et le centre opérationnel militaire américain. Une manifestation jugée un peu trop médiatique par les soldats américains qui ont tenté mardi d’empêcher les journalistes présents sur les lieux de la couvrir.

Paradoxalement, la ville de Tikrit, le fief de Saddam Hussein, semble connaître une situation plutôt calme. Elle est tombée lundi aux mains des soldats américains sans offrir de résistance. La bataille acharnée que s’attendaient à devoir livrer les soldats n’a pas eu lieu et ils ont pu facilement prendre le contrôle de la ville. Les intenses bombardements qui avaient eu lieu au cours des jours précédents semblent avoir fait fuir les derniers soldats de la garde de Saddam Hussein. Et sa population donne l’impression d’être encore sous le choc de l’occupation rapide de la ville par les soldats américains.



par Olivier  Bras

Article publié le 16/04/2003