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Epidémie

Pekin fait feu de tout bois contre le Sras

Après de longs mois de silence total sur l’épidémie, le gouvernement chinois est maintenant lancé dans une guerre totale contre l’épidémie de Sras, la pneumonie atypique. Déjà plus de 250 décès et 5 000 personnes contaminées dans tout le pays par le virus.
De note correspondant à Pékin

Pékin compte les morts, jour après jour, au rythme des bilans annoncés par les médias. La capitale chinoise est devenue le plus grand foyer chinois, avec 3700 cas avérés ou possibles, et 130 morts, et c’est là aussi que les mesures de lutte contre la maladie sont les plus drastiques. Alors que tous les lieux de loisir et toutes les écoles et lycées restent fermés, plus de 23 000 Pékinois ont été mis en quarantaine et 118 cliniques et hôpitaux sont interdits d’allées et venues. Des mesures qui semblent commencer à avoir de l’effet, puisque le nombre de nouveaux cas quotidien est en diminution. Mais l’inquiétude aujourd’hui, c’est le manque de tracabilité des malades. Officiellement, on ignore d’où viennent et comment ont été infectés les deux-tiers des patients porteurs du Sras.

Ce problème d’organisation renforce les craintes de voir le virus se propager aux campagnes, où les mesures sanitaires et de propagande seront beaucoup plus lentes à mettre en place que dans les grandes villes. Une équipe de l’OMS travaille actuellement à temps plein à Pékin pour tenter de dresser une image complète de la propagation du virus, mais selon l’aveu d’un des experts mondiaux de la santé «ce sera très long, car le pays est très vaste». Une équipe de l’OMS est en mission dans la province du Hebei, voisine de Pékin, et deux autres missions iront bientôt dans le Henan (centre) et le Guangxi (sud), pour vérifier les mesures prises localement.

La dame de fer de la Santé

Les campagnes chinoises sont»notre plus grande préoccupation» selon le ministère chinois de la Santé. Le premier ministre Wen Jiabao s’est rendu en personne dimanche dans la province du Shanxi (centre nord), affichant la volonté de l’équipe dirigeante de traiter la crise à l’échelle de tout le pays. «La prévention dans des provinces comme celle-ci est la priorité absolue du gouvernement», a déclaré Wen Jiabao à cette occasion, ajoutant que «l’épidémie n’est pas entièrement contrôlée», et que «le virus risque bien de continuer à se propager». Le gouvernement central vient d’allouer près de 100 millions d’euros supplémentaires afin d’améliorer l’infrastructure sanitaire nationale et les centres de traitement ruraux.

Ce qui s’ajoute aux quelque 200 millions d’euros déboursés pour mettre en place un réseau national de prévention des maladies et de contrôle sanitaire. Des efforts colossaux, sans équivalent dans l’histoire chinoise par le passé. Il s’agit de combler à la hâte les lacunes du système actuel, dans lequel les hôpitaux du pays sont indépendants les uns des autres, ne communiquent aucun chiffre, et où les autorités locales sont souvent accusées «d’oublier» de rapporter les mauvaises nouvelles. Wu Yi, nouveau ministre de la Santé connue sous le nom de «dame de fer» a promis de faire punir personnellement les responsables de dissimulation. Les mesures répressives n’ont pas tardé. Un mois après le limogeage de son prédécesseur Zhang Wenkang, saqué pour sa mauvaise gestion de la crise, ce sont 120 cadres locaux qui ont été «punis», selon le Quotidien du Peuple, pour avoir dissimulé la réalité de la situation dans leur juridiction. On rapporte aussi l’arrestation de disséminateurs de rumeurs sur internet. D’autre part, 27 personnes ont été arrêtées après des émeutes dans plusieurs régions, déclenchées par des villageois furieux de voir des camps de quarantaine de citadins installés à côté de chez eux. Non loin de Tianjin, 2 000 villageois ont ainsi brûlé un lycée qui devait servir de camp, et ils ont lapidé le siège du gouvernement central.

Pour l’appareil d’Etat, la campagne anti-Sras apparaît comme une formidable occasion de renforcer le contrôle idéologique. Dans la tradition maoïste, une campagne intensive de propagande déferle sur le pays. A travers cette propagande, le parti et le gouvernement sont présentés comme les sauveurs du peuple chinois. La pneumonie atypique est à la une de tous les journaux. La télévision et la radio en parlent toutes les quarts-d’heure dans des flashes spéciaux. Partout dans les rues de la capitale, des slogans sont imprimés sur de grandes banderoles rouges: on peut y lire par exemple «Tous ensemble, nous vaincrons la pneumonie atypique pour édifier le socialisme aux couleurs de la Chine». Les médias ont reçu la consigne officielle de présenter une image «positive» de la lutte campagne-Sras, et «d’amener le peuple «à agir en harmonie avec les décisions du parti».

Toutes les informations sont toujours contrôlées, et soumises à la censure. Pas d’enquête de fond donc dans la presse nationale, mais plutôt des rapports enthousiastes sur les mesures prises par les autorités. Les médecins qui traitent les malades du Sras sont célébrés comme des héros rouges, ou des anges blancs selon les cas. Des infirmières décédées des suites du virus ont même été officiellement nommées héroïnes de la Révolution socialiste. En jouant la transparence, le gouvernement du président Hu Jintao offre à l’étranger une image d’intégrité, et à ses citoyens l’image d’un dirigeant qui se soucie de son peuple. Reste à savoir si cet élan se poursuivra après la crise sanitaire.



par Abel  Segrétin

Article publié le 13/05/2003