Argentine
Deux projets pour le second tour
Le duel entre Carlos Menem et Néstor Kirchner, le 18 mai, représente bien plus qu’un affrontement entre deux hommes issus d’un même parti.
De notre correspondant à Buenos Aires
Pour le premier ballottage de leur histoire, les Argentins auront à choisir, le 18 mai, entre Carlos Menem et Néstor Kirchner, les deux candidats arrivés en tête du premier tour de la présidentielle, le 27 avril, avec, respectivement, 24,3% et 22 % des voix. Tous deux sont issus du Parti justicialiste (péroniste) et, si l’on considère la position marginale du troisième prétendant se réclamant du général Juan Perón, Adolfo Rodríguez Saá, ces sont les péronistes de plus de poids dans l’appareil qui s’affronteront.
Le scrutin annoncé comme le plus ouvert depuis le rétablissement de la démocratie, il y a vingt ans, n’aurait donc fait que confirmer la prééminence de la formation qui domine la vie politique depuis 1945 ? Ce serait une erreur de le penser. D’abord, parce que les messages adressés par l’électorat le 27 avril sont beaucoup plus variés que cela. Ensuite, parce que le duel du 18 avril, par-delà l’opposition d’hommes, de styles et de générations, sera l’occasion d’un choix entre deux projets.
Au premier tour, la participation a atteint 80%, pourcentage habituel pour les grandes élections dans ce pays. Plus significatif encore, près de 98% des suffrages sont allés à l’un ou l’autre des dix-huit postulants. Le vote blanc ou nul ne dépasse pas 2%: c’est le chiffre le plus bas depuis 1946. A comparer avec les législatives d’octobre 2001, qui avaient en quelque sorte annoncé la crise de décembre de la même année: à l’époque, 41% des électeurs inscrits avaient refusé de choisir parmi les candidats. C’est un tournant: on ne peut plus parler de divorce entre la société et la classe politique.
Libéralisme à l’américaine ou capitalisme à l’européenne ?
Mais les Argentins ne votent plus comme avant. Fini le temps des grands rassemblements derrière une homme ou un mouvement qui permettaient de se passer de second tour. La crise des partis a diversifié l’offre politique. En ce sens, les trois candidats qui se réclamaient du péronisme, Menem, Kirchner et Rodríguez Saá, représentent bien des projets différents, libéral pour le premier, de centre gauche pour le second, nationaliste pour le troisième.
De fait, on peut dresser une nouvelle photographie du paysage politique, avec une droite composée de deux grandes familles, péroniste avec Menem, d’origine radicale avec López Murphy, comme il y a, ou il y a eu traditionnellement, deux grandes familles dans la droite française. La gauche aussi est divisée en deux courants, non pas socialiste et communiste, mais d’inspiration péroniste avec Kirchner, d’ascendance radicale avec Elisa Carrió.
Si l’on fait les comptes, l’on verra que le total des voix obtenues par la droite le 27 avril est supérieur a celui de la gauche. Pourtant, Kirchner a plus de chances de l’emporter au second tour. En partie, parce qu’a droite les inimitiés sont plus fortes qu’a gauche. L’on prévoit ainsi que les voix obtenues par López Murphy (17%), se répartiront entre les deux candidats, avec un avantage pour Menem. Il devrait en être de même avec les 14% de Rodríguez Saá. Mais la grande majorité des électeurs qui ont choisi Carrió, un peu plus de 14%, et ceux, a peine 6%, qui ont voté à gauche, devraient se reporter sur l’adversaire de l’ancien président.
Si l’on ajoute que Menem est défavorisé par son âge (72 ans, contre 53 pour son rival), qu’il suscite un fort rejet dans de larges secteurs de la société et que Kirchner, actuel gouverneur de la province de Santa Cruz, est un homme neuf au niveau national, on ne peut nier que ce dernier semble mieux parti.
Mais les électeurs se décideront après une campagne de trois semaines, qui permettra d’opposer deux projets. Menem, c’est le choix d’un libéralisme à l’américaine, d’une économie plus ouverte, d’une accélération de l’accord de libre-échange des Amériques. Kirchner propose un capitalisme à l’européenne, une plus grande protection des entreprises nationales, l’approfondissement du Mercosur.
Le premier a été appliqué dans les années quatre-vingt dix, avec plus de bonheur qu’on ne veut le reconnaître aujourd’hui, même s’il a dérapé sur la fin. Le second, curieusement, n’a jamais été essayé en Argentine. C’est sans doute sa plus grande faiblesse. La force de Kirchner, c’est qu’il comptera pour le défendre avec Roberto Lavagna, l’actuel ministre de l’Économie, dont il a annoncé qu’il resterait en fonctions en cas de victoire. Or Lavagna est l’homme politique le plus populaire du pays. Et pour cause: en un an, il a remis l’économie en état de marche et sorti l’Argentine de la crise.
Pour le premier ballottage de leur histoire, les Argentins auront à choisir, le 18 mai, entre Carlos Menem et Néstor Kirchner, les deux candidats arrivés en tête du premier tour de la présidentielle, le 27 avril, avec, respectivement, 24,3% et 22 % des voix. Tous deux sont issus du Parti justicialiste (péroniste) et, si l’on considère la position marginale du troisième prétendant se réclamant du général Juan Perón, Adolfo Rodríguez Saá, ces sont les péronistes de plus de poids dans l’appareil qui s’affronteront.
Le scrutin annoncé comme le plus ouvert depuis le rétablissement de la démocratie, il y a vingt ans, n’aurait donc fait que confirmer la prééminence de la formation qui domine la vie politique depuis 1945 ? Ce serait une erreur de le penser. D’abord, parce que les messages adressés par l’électorat le 27 avril sont beaucoup plus variés que cela. Ensuite, parce que le duel du 18 avril, par-delà l’opposition d’hommes, de styles et de générations, sera l’occasion d’un choix entre deux projets.
Au premier tour, la participation a atteint 80%, pourcentage habituel pour les grandes élections dans ce pays. Plus significatif encore, près de 98% des suffrages sont allés à l’un ou l’autre des dix-huit postulants. Le vote blanc ou nul ne dépasse pas 2%: c’est le chiffre le plus bas depuis 1946. A comparer avec les législatives d’octobre 2001, qui avaient en quelque sorte annoncé la crise de décembre de la même année: à l’époque, 41% des électeurs inscrits avaient refusé de choisir parmi les candidats. C’est un tournant: on ne peut plus parler de divorce entre la société et la classe politique.
Libéralisme à l’américaine ou capitalisme à l’européenne ?
Mais les Argentins ne votent plus comme avant. Fini le temps des grands rassemblements derrière une homme ou un mouvement qui permettaient de se passer de second tour. La crise des partis a diversifié l’offre politique. En ce sens, les trois candidats qui se réclamaient du péronisme, Menem, Kirchner et Rodríguez Saá, représentent bien des projets différents, libéral pour le premier, de centre gauche pour le second, nationaliste pour le troisième.
De fait, on peut dresser une nouvelle photographie du paysage politique, avec une droite composée de deux grandes familles, péroniste avec Menem, d’origine radicale avec López Murphy, comme il y a, ou il y a eu traditionnellement, deux grandes familles dans la droite française. La gauche aussi est divisée en deux courants, non pas socialiste et communiste, mais d’inspiration péroniste avec Kirchner, d’ascendance radicale avec Elisa Carrió.
Si l’on fait les comptes, l’on verra que le total des voix obtenues par la droite le 27 avril est supérieur a celui de la gauche. Pourtant, Kirchner a plus de chances de l’emporter au second tour. En partie, parce qu’a droite les inimitiés sont plus fortes qu’a gauche. L’on prévoit ainsi que les voix obtenues par López Murphy (17%), se répartiront entre les deux candidats, avec un avantage pour Menem. Il devrait en être de même avec les 14% de Rodríguez Saá. Mais la grande majorité des électeurs qui ont choisi Carrió, un peu plus de 14%, et ceux, a peine 6%, qui ont voté à gauche, devraient se reporter sur l’adversaire de l’ancien président.
Si l’on ajoute que Menem est défavorisé par son âge (72 ans, contre 53 pour son rival), qu’il suscite un fort rejet dans de larges secteurs de la société et que Kirchner, actuel gouverneur de la province de Santa Cruz, est un homme neuf au niveau national, on ne peut nier que ce dernier semble mieux parti.
Mais les électeurs se décideront après une campagne de trois semaines, qui permettra d’opposer deux projets. Menem, c’est le choix d’un libéralisme à l’américaine, d’une économie plus ouverte, d’une accélération de l’accord de libre-échange des Amériques. Kirchner propose un capitalisme à l’européenne, une plus grande protection des entreprises nationales, l’approfondissement du Mercosur.
Le premier a été appliqué dans les années quatre-vingt dix, avec plus de bonheur qu’on ne veut le reconnaître aujourd’hui, même s’il a dérapé sur la fin. Le second, curieusement, n’a jamais été essayé en Argentine. C’est sans doute sa plus grande faiblesse. La force de Kirchner, c’est qu’il comptera pour le défendre avec Roberto Lavagna, l’actuel ministre de l’Économie, dont il a annoncé qu’il resterait en fonctions en cas de victoire. Or Lavagna est l’homme politique le plus populaire du pays. Et pour cause: en un an, il a remis l’économie en état de marche et sorti l’Argentine de la crise.
par Jean-Louis Buchet
Article publié le 01/05/2003