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Congo démocratique

Hémas et Lendus se pourchassent à Bunia

Depuis le retrait des troupes ougandaises de l'est de la République démocratique du Congo, une guerre interethnique fait rage pour le contrôle de Bunia, le chef lieu de la province de l'Ituri. Les milices de l'ethnie Héma ont repris le contrôle de la ville au détriment de l'ethnie rivale Lendu.
Les scènes de massacres et des tueries planifiées qui se déroulent actuellement dans l'est de la République démocratique du Congo «pourraient s'apparenter à un génocide» a fait remarquer Carla del Ponte, procureur du Tribunal pénal international. Selon de nombreux observateurs et des organisations humanitaires, plusieurs centaines de corps jonchent les rues de la ville alors que plusieurs milliers de personnes ont pris la fuite. La puissance de feu des milices de l'ethnie Héma a mis en déroute les unités de l'ethnie Lendu , appuyées par quelques détachements de policiers envoyés par le gouvernement de Kinshasa. Les Hémas, qui ont constitué une branche armée, l'Union des patriotes congolais (UPC), sont minoritaires dans la région de l'Ituri. L'UPC est alliée au RCD (Rassemblement du peuple congolais), le plus important mouvement rebelle du Congo, lui-même soutenu par le Rwanda.

En face, les milices de l'ethnie Lendu moins structurées et organisées, avaient pris la place des forces d'occuaption ougandaises. Ces dernières, 6 000 au total, se sont retirées selon le plan de paix de Lusaka et les accords de Sun City au moment où la transition politique s'installe dans la capitale congolaise. Mais Kinshasa est à plus de 2 000 km de Bunia et l'installation des organes de la transition dans cette région n'ont été qu'une succession d'improvisation et d'opportunisme de toutes les parties impliquées dans le conflit congolais. Selon de nombreuses organisations humanitaires, le retrait des troupes de Kampala s'est accompagné de distribution d'armes aux miliciens lendus, les mêmes qui avaient massacrés les Hémas au début du mois d'avril, à Drodro.

Depuis le retrait des troupes ougandaises les combats avaient débuté le 7 mai dernier pour le contrôle de la métropole régionale, Bunia. La présence de la Mission des Nations unies pour le Congo (MONUC) n'a jamais été dissuasive, ni pour les uns ni pour les autres. Les casques bleus uruguayens de la MONUC, 625 au total n'ont pu assurer le maintien de la paix face aux 25 000 à 30 000 combattants tribaux de la région. selon un dirigeant de la MONUC cité par le quotidien français le Monde, «Rien n'a été préparé sérieusement à Bunia. C'est de l'amateurisme criminel. On n'a pas donné à la MONUC, malgré ses 580 millions de dollars de budget, suffisamment d'hommes pour assurer le passage de témoin». Ce haut-fonctionnaire s'en prend ainsi aux méthodes de l'ONU qui ne règle les problèmes qu'a posteriori.

Renforcer la MONUC

En effet, il n'est pas besoin de commander des études spéciales avant de se méfier de la culture du chaos que les forces d'occupation rwandaises et ougandaises laisseraient derrière elles, après leur départ. Par ailleurs, dans cette région de l'est du Congo, les ethnies Lundu et Héma ont toujours été en lutte pour le contrôle des richesses naturelles et des terres arables.

Leurs oppositions légendaires ont tour à tour servi les intérêts de l'Ouganda et du Rwanda, qui s'appuyaient sur les forces rebelles du MLC (Mouvement de libération du Congo) et du RCD. L'apparition de la rébellion conduite par Laurent-Désiré Kabila en 1997 et la chute du régime Mobutu ont changé la nature des rivalités dans cette région du Congo devenue l'objet de toutes les convoitises. Le pillage des ressources avaient déjà été dénoncé par la communauté internationale, mais le manque de sanctions n'a fait que changer les moyens, la fin restant toujours la même.

Mais pour l'heure, l'instabilité et l'insécurité restent les fléaux à combattre en priorité. Pour Namanga Ngongi, administrateur de la MONUC, les populations ont surtout besoin «d'une administration civile et d'une force de police efficaces». Ces déclarations font suite à des demandes pressantes pour que le Conseil de sécurité de l'ONU augmente les effectifs de la MONUC.

Jean-Pierre Guéhénno, les responsable des opérations de paix de l'ONU a lui-même réclamé le 7 mai au Conseil de sécurité, l'augmentation des effectifs de la MONUC par la constitution d'une «coalition des bonnes volontés» pour mettre fin aux violences en RDC. Mais l'ambassadeur des Etats-Unis à l'ONU, Richard Williamson a rétorqué que le renforcement des troupes avait déjà été approuvé en décembre 2002 et que sur les 8 700 personnes prévues seules 4 314 ont effectivement été déployées.

En revanche, contrairement aux réserves émises par les Etats-Unis, la France salue cette initiative et se dit prête à envoyer sur place un bataillon français. «Nous sommes actuellement en train d'étudier les modalités pratiques d'une participation à une force internationale, ad hoc et temporaire, qui viendrait en appui de la MONUC» a indiqué le ministère français des affaires étrangères.

Mais pour les dirigeants des milices hémas «la présence de la France aggraverait la situation». Ils estiment que la France a un parti pris en faveur du gouvernement de Kinshasa qui, selon eux, «arment les milices lendus». Crespin Kabasele, un des responsables du RCD propose plutôt, l'envoi dans la province de l'Ituri, sous mandat de l'ONU, d'une «force mixte qui serait composée d'éléments de l'armée du gouvernement de Kinshasa, du RCD et du MLC». Cette solution, si elle est acceptée, ouvrirait la voie à des négociations séparées, en dehors des cadres de Lusaka et de Sun City, ce qui ne fait renforcer l'idée du morcellement de la République démocratique du Congo.



par Didier  Samson

Article publié le 15/05/2003