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Congo démocratique

Casques blancs français pour l’Ituri

La France a répondu la première à l’Onu qui appelle au déploiement rapide d’une force internationale d’au moins mille hommes dans l’Ituri. Le Canada pense pouvoir contribuer. Le Rwanda, ses alliés congolais et ceux de l’Ouganda rejettent l’idée d’une présence militaire française dans la région. Mais à New York, l’ONU étudie déjà les modalités d’envoi d’un nouveau contingent qui devrait recevoir un mandat autorisant le recours à la force. A Bunia, chef-lieu de l’Ituri, la Monuc tente d’organiser une rencontre entre les belligérants. Ces derniers sont également représentés dans les discussions régionales auxquelles participent le président congolais Joseph Kabila, dans la capitale tanzanienne Dar-es-Salam, où est attendu également le président ougandais Yoweri Museveni.
Pour l’Onu, le temps presse en Ituri où le sang a déjà coulé à plusieurs reprises. La guerre des chefs de guerre locaux, hema ou lendu, n’est sûrement pas terminée avec la victoire de l’Union des patriotes congolais, l’UPC de Thomas Lubanga, le 12 mai, à Bunia, le chef-lieu de la riche province que se disputent les alliés congolais du Rwanda et de l’Ouganda. La crédibilité de l’Onu est en jeu. Les quelque 4 000 casques bleus n’ont ni le mandat, ni les moyens de maintenir la paix contre la volonté des belligérants de Bunia. L’Onu a besoin d’une nouvelle force internationale de 1 000 hommes au moins. Des casques blancs bien entraînés et solidement équipés, mais surtout, des soldats autorisés à faire usage de leurs armes et capables de le faire à bon escient. Ce n’est pas le cas des «unités de garde» onusiennes dont les six cents éléments, uruguayens en majorité, sont déployés à Bunia.

Paris est disposé à envoyer un bataillon en Ituri, à condition que la nouvelle force au Congo soit effectivement multinationale et doté d’un mandat circonstancié. Ottawa étudie pour sa part «quelle contribution nous pourrons faire si les Français décident de s’engager ou demandent une contribution», explique le ministre canadien des Affaires étrangères qui renvoie à son collègue de la Défense «le soin de préciser notre capacité». Mais déjà, la France et l’Onu étudient de concert «les modalités pratiques d’une force internationale , ad hoc et temporaire, qui viendrait en appui de la Monuc». Au moment où les institutions de transition doivent prendre forme et titulaires à Kinshasa, la Monuc éprouve en effet le besoin pressant d’un gendarme en Ituri où son impotence est manifeste vis-à-vis des belligérants de Bunia.

L’UPC et son adversaire du Parti pour l’unité et la sauvegarde de l’intégrité du Congo, le Pasic, échappent doublement à l’autorité de la Monuc. Les casques bleus onusiens sont en effet chargés d’un volet désarmement des groupes armés présents au Congo inapplicable, faute de mandat adéquat, lorsque les belligérants concernés ne sont pas volontaires. En outre, l’UPC et le Pasic n’ont signé aucun des accords qui de Lusaka (1999) à Sun City (2003) associent la Monuc au règlement du conflit au Congo. L’un comme l’autre sont nés après. Tout étant négociable au Congo, et notamment une place au soleil de la transition, des tentatives de conciliation sont en cours, à Bunia entre chefs de guerre et à Dar-es-Salam, en Tanzanie, entre Congolais, mais aussi dans un cadre régional. L’Ougandais Museveni pourrait d’ailleurs trouver à Dar-es-Salam un terrain d’entente avec le Congolais Kabila, où le vainqueur du moment à Bunia, l’UPC a depuis peu abandonné Kampala pour rejoindre le camp rwandais aux côtés du Rassemblement congolais pour la démocratie, le RCD-Goma qui élargit grandement son fief avec l’Ituri.

L'Onu veut pouvoir utiliser la force

En juillet 1999, l’accord signé à Lusaka impliquait le régime Kabila (père), ses alliés parmi lesquels l’Angola et le Zimbabwe, mais aussi ses rebelles du RCD et du Mouvement de libération du Congo (MLC) ainsi que leurs parrains, le Rwanda et l’Ouganda. L’accord confiait à l’ONU la délicate mission de gérer la question des groupes armés invoqués par les uns et les autres pour entrer en guerre au Congo, à savoir les rebelles angolais, ougandais et rwandais, auxquels s’ajoutaient différents groupes de milices tribales dites Mayi Mayi(Maï Maï). L’Unita rentrée dans le giron angolais avec la mort de Savimbi, les rebelles ougandais réduits à néant ou presque, selon Kampala, restent les rebelles rwandais, les miliciens et militaires du défunt régime Habyarimana, soucieux d’éviter le Tribunal pénal international sur le Rwanda et peu pressés de rentrer au pays. La Monuc a mandat de les désarmer et de les démobiliser avant un éventuel rapatriement, le tout sans pouvoir recourir à la force et donc sans résultat jusqu’à présent. Même chose dans l’Ituri, où cette fois, l’Onu demande une nouvelle force d’intervention dotée du droit de faire usage de ses armes, et cela pas seulement en situation de légitime défense.

Le Rwanda trouve «malvenu», pour ne pas dire louche, le retour de troupes françaises dans la région. En 1994, l’opération française Turquoise au Rwanda avait ancré sa logistique en terre congolaise, où affluaient les soldats et les dignitaires du régime du génocide. Paris a militairement soutenu les adversaires de l’actuel président du Rwanda, le général Paul Kagame. Au Congo, ajoute un représentant du RCD, «nul n’ignore le soutien de la France au président Joseph Kabila, à son gouvernement et aux milices lendu qui bénéficient de l’appui en matériel, en hommes et en idéologie du gouvernement de Kinshasa». Le chef du MLC, Jean-Pierre Bemba pense lui aussi que l’arrivée de troupes françaises contribuerait «à aggraver la situation» en Ituri où il prêche pour une «force mixte congolaise composée du RCD, du gouvernement de Kinshasa et du MLC». En revanche, du côté des Mayi Mayi, qui opèrent au Kivu, dans le voisinage des soldats perdus du génocide rwandais, l’arrivée d’un contingent français est attendue comme une bouée de sauvetage.



par Monique  Mas

Article publié le 15/05/2003