Maroc
Un journaliste en grève de la faim illimitée
C’est au huitième jour de sa grève de la faim qu’Ali Lmrabet, directeur de deux hebdomadaires satiriques, a comparu le 13 mai devant le tribunal de première instance de Rabat, accusé «d’outrage au roi».
De notre correspondante au Maroc.
«Le journalisme, c’est sa passion, si on lui en enlève le droit, il en mourra». Ahmed Benjelloun, l’un des deux avocats d’Ali Lmrabet a signifié en ces termes les risques que court le journaliste qui ne voit plus aujourd’hui que cette ultime mise en danger pour protester contre les multiples tracasseries dont il est l’objet. Accusé «d’outrage au roi, d’atteinte aux institutions sacrées du pays et à l’intégrité territoriale», les plus graves accusations jamais portées à l’encontre d’un journaliste marocain, Ali Lmrabet risque cinq ans de prison ferme et 100 000 dirhams d’amende (10 000 €). Des peines très lourdes auxquelles le procureur a ajouté une «peine accessoire» : l’interdiction définitive des deux journaux qu’il dirige. Lors de l’audience du 13 mai, le procureur du roi a, en outre, requis l’incarcération immédiate du prévenu, au titre de l’article 400 du code pénal qui autorise, dès l’audience, l’arrestation et l’emprisonnement des accusés contre qui sont retenues des charges particulièrement lourdes.
La cour n’a cependant pas suivi cette requête, ce qui n’a pas empêché les policiers de tenter d’arrêter Ali Lmrabet, alors que la cour avait quitté la salle d’audience. Cet «incident» de trente minutes a aussitôt été interprété par ceux qui soutiennent le directeur de l’hebdomadaire satirique «Demain magazine» comme une preuve que l’issue du procès était décidée d’avance, ce qui a conduit Ali Lmrabet à étendre sa grève de la faim pour protester contre ce procès «politique» qui lui est fait. Le journaliste avait, en effet, entamé cette grève le 6 mai pour protester à la fois contre l’interdiction de quitter le territoire marocain qui lui avait été signifiée le 17 avril dernier à l’aéroport de Rabat, alors qu’il comptait se rendre à Paris invité par la presse satirique française, et contre la défection de son imprimeur, convoqué à trois reprises dans un commissariat de Casablanca, à propos de Demain magazine et de Doumane, son pendant arabophone.
«Harcelé»
Aujourd’hui, Ali Lmrabet se dit «prêt à aller jusqu’au bout» pour retrouver sa liberté de circulation et d’expression : «On m’a condamné à mort par avance, je n’ai plus que ma vie à mettre en jeu pour retrouver mes droits, j’irai jusqu’au bout, je ne céderai pas». Le bras-de-fer que le journaliste vient d’engager avec les autorités marocaines a été motivé par des caricatures, photomontages et articles parus récemment dans ses publications satiriques : la reprise d’une interview du républicain marocain Abdellah Zaâzaâ, publiée initialement en Espagne et un article concernant le budget du palais royal, entre autres. «Harcelé» par les autorités, Ali Lmrabet a décidé d’observer une grève de la faim début mai, lorsque son imprimeur, installé à Casablanca, l’a averti qu’il ne souhaitait plus imprimer ses deux hebdomadaires. Joint par RFI, ce dernier a expliqué qu’il ne s’agissait que «d’un préavis à l’amiable», motivé par les convocations policières qui lui ont fait entrevoir un procès à son encontre et qu’il souhaite éviter. L’imprimeur n’entend pas, à l’heure actuelle, céder au «chantage» de son client, alors même que, légalement, il ne serait responsable de ce qu’il imprime que si le directeur de publication était défaillant, ce qui n’est pas le cas.
Si le jugement du procès du 13 mai a été remis en délibéré au 21 mai, la situation est néanmoins urgente, dans la mesure où, le 12 mai, un médecin avait déjà constaté la «dégradation physique» d’Ali Lmrabet. Outre les soutiens internationaux dont bénéficie le journaliste, un comité de soutien marocain se met en place, constitué de l’AMDH (Association Marocaine des Droits Humains), de militants de la société civile et de journalistes. Rongée par des rancœurs et des réactions individualistes, la profession a cependant du mal à trouver une unité dans un pays où l’autocensure est encore largement pratiquée. Le comité souhaite cependant rappeler qu’il en va de la liberté de la presse et en profite pour demander que soit revu un code de la presse restrictif et d’autant plus dangereux qu’il s’appuie sur des notions mal définies, comme les informations «pouvant troubler l’ordre public».
Sommé de s’expliquer au tribunal sur le sens de telle ou telle caricature publiée dans Demain magazine ou dans Doumane, Ali Lmrabet ne peut que répondre à ses juges que c’est à eux de lui expliquer pourquoi il se trouve jugé aujourd’hui. Ses avocats dénoncent, eux, des poursuites «arbitraires et abusives», tout en soulignant la situation peu enviable dans laquelle se trouvent les magistrats, qui doivent «juger une affaire qui concerne le roi, tout en rendant la justice en son nom». Une «désinvolture inacceptable» qui fait dire à Ali Lmrabet, affaibli : «on peut s’attendre à une mauvaise surprise le 21 mai».
«Le journalisme, c’est sa passion, si on lui en enlève le droit, il en mourra». Ahmed Benjelloun, l’un des deux avocats d’Ali Lmrabet a signifié en ces termes les risques que court le journaliste qui ne voit plus aujourd’hui que cette ultime mise en danger pour protester contre les multiples tracasseries dont il est l’objet. Accusé «d’outrage au roi, d’atteinte aux institutions sacrées du pays et à l’intégrité territoriale», les plus graves accusations jamais portées à l’encontre d’un journaliste marocain, Ali Lmrabet risque cinq ans de prison ferme et 100 000 dirhams d’amende (10 000 €). Des peines très lourdes auxquelles le procureur a ajouté une «peine accessoire» : l’interdiction définitive des deux journaux qu’il dirige. Lors de l’audience du 13 mai, le procureur du roi a, en outre, requis l’incarcération immédiate du prévenu, au titre de l’article 400 du code pénal qui autorise, dès l’audience, l’arrestation et l’emprisonnement des accusés contre qui sont retenues des charges particulièrement lourdes.
La cour n’a cependant pas suivi cette requête, ce qui n’a pas empêché les policiers de tenter d’arrêter Ali Lmrabet, alors que la cour avait quitté la salle d’audience. Cet «incident» de trente minutes a aussitôt été interprété par ceux qui soutiennent le directeur de l’hebdomadaire satirique «Demain magazine» comme une preuve que l’issue du procès était décidée d’avance, ce qui a conduit Ali Lmrabet à étendre sa grève de la faim pour protester contre ce procès «politique» qui lui est fait. Le journaliste avait, en effet, entamé cette grève le 6 mai pour protester à la fois contre l’interdiction de quitter le territoire marocain qui lui avait été signifiée le 17 avril dernier à l’aéroport de Rabat, alors qu’il comptait se rendre à Paris invité par la presse satirique française, et contre la défection de son imprimeur, convoqué à trois reprises dans un commissariat de Casablanca, à propos de Demain magazine et de Doumane, son pendant arabophone.
«Harcelé»
Aujourd’hui, Ali Lmrabet se dit «prêt à aller jusqu’au bout» pour retrouver sa liberté de circulation et d’expression : «On m’a condamné à mort par avance, je n’ai plus que ma vie à mettre en jeu pour retrouver mes droits, j’irai jusqu’au bout, je ne céderai pas». Le bras-de-fer que le journaliste vient d’engager avec les autorités marocaines a été motivé par des caricatures, photomontages et articles parus récemment dans ses publications satiriques : la reprise d’une interview du républicain marocain Abdellah Zaâzaâ, publiée initialement en Espagne et un article concernant le budget du palais royal, entre autres. «Harcelé» par les autorités, Ali Lmrabet a décidé d’observer une grève de la faim début mai, lorsque son imprimeur, installé à Casablanca, l’a averti qu’il ne souhaitait plus imprimer ses deux hebdomadaires. Joint par RFI, ce dernier a expliqué qu’il ne s’agissait que «d’un préavis à l’amiable», motivé par les convocations policières qui lui ont fait entrevoir un procès à son encontre et qu’il souhaite éviter. L’imprimeur n’entend pas, à l’heure actuelle, céder au «chantage» de son client, alors même que, légalement, il ne serait responsable de ce qu’il imprime que si le directeur de publication était défaillant, ce qui n’est pas le cas.
Si le jugement du procès du 13 mai a été remis en délibéré au 21 mai, la situation est néanmoins urgente, dans la mesure où, le 12 mai, un médecin avait déjà constaté la «dégradation physique» d’Ali Lmrabet. Outre les soutiens internationaux dont bénéficie le journaliste, un comité de soutien marocain se met en place, constitué de l’AMDH (Association Marocaine des Droits Humains), de militants de la société civile et de journalistes. Rongée par des rancœurs et des réactions individualistes, la profession a cependant du mal à trouver une unité dans un pays où l’autocensure est encore largement pratiquée. Le comité souhaite cependant rappeler qu’il en va de la liberté de la presse et en profite pour demander que soit revu un code de la presse restrictif et d’autant plus dangereux qu’il s’appuie sur des notions mal définies, comme les informations «pouvant troubler l’ordre public».
Sommé de s’expliquer au tribunal sur le sens de telle ou telle caricature publiée dans Demain magazine ou dans Doumane, Ali Lmrabet ne peut que répondre à ses juges que c’est à eux de lui expliquer pourquoi il se trouve jugé aujourd’hui. Ses avocats dénoncent, eux, des poursuites «arbitraires et abusives», tout en soulignant la situation peu enviable dans laquelle se trouvent les magistrats, qui doivent «juger une affaire qui concerne le roi, tout en rendant la justice en son nom». Une «désinvolture inacceptable» qui fait dire à Ali Lmrabet, affaibli : «on peut s’attendre à une mauvaise surprise le 21 mai».
par Isabelle Broz
Article publié le 14/05/2003