Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

Maroc

Attaques terroristes meurtrières à Casablanca

Une série d’explosions criminelles ont frappé la capitale économique du Maroc vendredi soir. Elles n’ont pas été revendiquées, mais Al Qaïda a aussitôt été pointée du doigt.
De notre correspondante au Maroc

Le bilan s’est alourdi ce samedi à Casablanca : on parle désormais d’une quarantaine de morts et d’une centaine de blessés, suite à la série d’attaques à la bombe concentrées dans le centre historique la nuit dernière. C’est aux environs de 22 heures que la première explosion s’est produite dans le quartier des consulats, suivie de plusieurs autres, dans le même périmètre, ainsi qu’en périphérie proche. Sept bombes auraient explosé en tout, portées par des kamikazes ou des voitures piégées. On a alors assisté à des scènes de panique dans les rues, tandis que les petits commerçants baissaient en hâte leurs rideaux de fer et que les habitants se précipitaient sur leurs téléphones portables pour essayer d’en savoir plus.

Les cibles visées et la quasi simultanéité de ces attaques ont très vite été mises en relation avec le triple attentat-suicide de Ryad en début de semaine. Etaient visés un hôtel de classe internationale, un club espagnol, le cercle de l’alliance israélite et le consulat de Belgique, ces trois derniers lieux étant géographiquement très proches. Certaines sources indiquent, par ailleurs, que des explosions se seraient aussi produites sur la Corniche, le lieu prisé des noctambules à Casablanca.

Une cellule de crise a très vite été mise en place, vendredi soir, alors que le roi se trouvait dans la région de Fès et de Meknès, en raison des festivités organisées à l’occasion de la naissance du prince héritier. A minuit, le ministre de l’Intérieur, Mustafa Sahel, est intervenu à la télévision, pour dénoncer ces «attentats contre la démocratie et la stabilité du Maroc» et mettre en cause «une organisation terroriste internationale». Il y a quelques mois, trois Saoudiens et six Marocains ont, en effet été condamnés au Maroc, accusés d’appartenir à une cellule dormante d’Al Qaïda qui préparait des attentats contre des navires américains basés dans le détroit de Gibraltar.

La signature du terrorisme international

En février, la diffusion d’une cassette attribuée à Ben Laden citait le Maroc parmi «les pays arabes apostats» qu’il fallait frapper. Si le gouvernement semblait avoir pris ces menaces au sérieux, en multipliant les arrestations parmi les milieux islamistes radicaux et en votant des lois sécuritaires restrictives, les Marocains, eux, pensaient dans leur grande majorité que leur pays était un pays stable et tolérant où le terrorisme ne frapperait pas. Certains s’étaient même offusqués des mises en garde de l’Allemagne, de la Belgique ou même de la France, appelant à la «vigilance» leurs ressortissants en voyage ou en poste au Maroc.

L’effet de surprise a donc été total ce vendredi soir. La ville de Casablanca s’est réveillée hébétée par ces informations, les badauds venus aux nouvelles sont tenus à distance des sites touchés, qui ont été sécurisés. Le consulat américain avait, quant à lui, été sécurisé dès l’annonce des premières attaques, tandis que des hélicoptères survolaient la ville. Une nouvelle explosion a, par ailleurs, été entendue ce matin à 6 heures. Des témoins affirment qu’elle s’est produite à l’hôtel El Farah, déjà touché la veille.

Le roi Mohamed VI devrait se rendre à Casablanca dans la journée. Un communiqué officiel indiquait ce samedi matin que dix kamikazes avaient trouvé la mort au cours de ces opérations et que trois suspects ont été arrêtés. De source non confirmée, ils seraient Marocains.

Le Maroc découvre donc ses terroristes sur son propre sol et le tour de vis sécuritaire, amorcé depuis environ six mois, devrait logiquement se confirmer dans les jours qui viennent. Si Mustafa Ramid, le chef du parti islamiste entré en force au Parlement à l’occasion des législatives de septembre dernier a immédiatement condamné de «crime terroriste», ainsi que «ceux qui l’ont perpétré et ceux qui l’ont commandité», les fondamentalistes sur lesquels peuvent s’appuyer des organisations terroristes internationales se verront probablement serrés de près par les autorités.

Depuis plusieurs mois, ceux qu’on appelle ici «les Afghans», en raison de leur mise austère se font de moins en moins discrets, en particulier dans les quartiers populaires de Casablanca. Rappelons que des centaines de Marocains s’étaient engagés en Afghanistan aux côtés des Talibans dans les années 80 et qu’ils sont progressivement revenus au Maroc, via la Syrie, le plus souvent. Il serait, bien évidemment, hâtif et simpliste de les pointer du doigt quelques heures après les attaques de Casablanca qui n’ont pas été revendiquées. Pour l’instant l’heure est à la déploration dans une ville en état de choc.

Ecouter également :
Benjamin Stora, professeur d'histoire du Maghreb à l'Institut des Langues Orientales de Paris au micro d'Alain Renon (17/05/2003, 4'58)



par Isabelle  Broz

Article publié le 17/05/2003