Politique française
Le congrès du PS : synthèse improbable
Tout les trois ans, les socialistes cherchent la «synthèse» entre leurs différents courants à l’occasion de leur congrès. Celui qui s’ouvre à Dijon n’échappera pas à la règle. Mais, fidèles à leurs divisions, la tendance restera centrifuge et l’on peut s’attendre à un service minimum en matière de solidarité militante parmi les différents courants. D’autant que la grand messe dijonnaise ne clôturera pas le remue-méninge socialiste triennal. Les débats se poursuivront au sein des fédérations qui désigneront formellement leurs premiers secrétaires fédéraux, le 22 mai. Ces derniers viendront compléter les travaux de Dijon en envoyant au «parlement» du parti, le Conseil national, le tiers de ses représentants.
Incontestablement, le premier secrétaire sortant François Hollande est sorti renforcé de la consultation des militants, préparatoire au congrès de Dijon qui s’ouvre pour trois jours ce 16 mai. A l’issue du vote organisé début mai dans les sections, sa motion (la A) a emporté l’adhésion de plus de 61% des socialistes. Deux motions concurrentes, la C et la E, plus radicales et plus critiques, conduites respectivement par Montebourg-Peillon et Emmanuelli, ont enregistré un score significatif d’un peu plus de 16% chacune. En revanche, avec un score de 1%, la B (Utopia), qui proposait d’en revenir à un socialisme de rupture avec le capitalisme, est laminée ; et la D, représentée par Marc Dolez et soutenue par la puissante fédération du Nord-Pas-de-Calais, héritière d’une classe ouvrière malmenée, ne franchit pas le seuil des 5%. Ce qui, théoriquement, lui barre la voie à une représentation au sein des instances nationales du parti. Sauf qu’en son fief, charbonnier est encore maître chez lui, et le Parti socialiste français pourra difficilement faire l’économie du turbulent militant nordiste, Marc Dolez, qui enregistre localement… 40% des suffrages des militants ! D’où la nécessité, sinon de s’entendre, du moins tenter de le faire.
Cette situation apparemment singulière de la fédération socialiste du Nord-Pas-de-Calais, avec une très forte légitimité interne au département et une quasi inexistence nationale, illustre parfaitement le dilemme qui s’offre périodiquement au Parti socialiste et le contraint tout les trois ans à rechercher un minimum de consensus sous forme du plus petit dénominateur commun entre les diverses motions en présence et d’en opérer la fameuse «synthèse». C’est ainsi que depuis une quinzaine de jours, alors que les syndicats entraînent l’opinion publique dans la rue, les socialistes, eux, font preuve d’une considérable activité interne. C’est une affaire de famille, cruelle, dans laquelle la question est de savoir jusqu’à quel point on peut trahir son frère sans mettre l’essentiel en péril. L’objectif est de se prémunir contre une dangereuse situation de monopole, pour la motion majoritaire ; ne pas être écarté des instances de décisions nationales, pour les motions qui n’ont enregistré qu’un score «résiduel» ; déstabiliser les «éléphants» par le jeu des alliances, lorsqu’on n’en est pas un.
Encore une fois le cas du Nord est exemplaire. Sur le plan arithmétique, D + C + E = 60% des quelque 8 000 militants de la fédération, soit une inversion proportionnelle parfaite avec les résultats enregistrés sur le plan national. De la même manière, C + E font un ticket gagnant dans nombre de départements. Ce qui ouvre des perspectives dans un climat où le moindre froncement de sourcils prend valeur de signal politique fort et les observateurs estiment qu’à l’issue du processus de désignation des «premiers fédéraux», une vingtaine de «fédés» (sur 102) pourrait être dirigée par des opposants aux «Hollandais».
Un François Hollande autoritaire ?
La motion A est plutôt bien élue et ses partisans, François Hollande en tête, seraient donc tentés de faire l’économie de la synthèse si elle s’avérait trop compliquée à réaliser. Celui-ci dispose en effet d’une légitimité renforcée par un taux de participation record, de plus de 70%, lors du vote des sections. De plus, depuis la débâcle du 21 avril 2002, la formation annonce un recrutement d’environ 20 000 adhérents supplémentaires et le constat est impitoyable pour les perdants : le parti et ses jeunes recrues ont, pour les deux tiers, choisi l’unité, au sein du troupeau des «éléphants». Ceux qui se sont exprimés et l’ont rejoint de fraîche date ont majoritairement conforté un parti d’alternance et privilégié plutôt la conquête du pouvoir que le laboratoire d’idées. Pourtant, François Hollande est quand même moins bien élu qu’il y a trois ans. Certes Lionel Jospin était alors Premier ministre, et il n’y avait que trois motions en concurrence, mais avec un taux de participation des deux-tiers, la sienne avait recueilli les trois-quarts des suffrages (74,28%). Elle «perd plus de 10 points alors qu’elle réunit presque tous les anciens ministres, 90% des premiers secrétaires fédéraux et 90% des parlementaires» (ceux qui n’ont pas été engloutis par la grande vague de droite), déclare Vincent Peillon (motion C). Ce cru serait même l’un des pires pour la majorité sortante depuis le congrès constitutif, à Epinay-sur-Seine en 1971.
En tout état de cause, les «Hollandais» sont rassurés après avoir eu une grosse peur de voir se poursuivre en interne, et contre eux, le processus d’éclatement qui a affecté la gauche lors du premier tour des présidentielles, l’année dernière. Finalement, «la lecture de la division du 21 avril a été plus forte que celle de la rénovation», estime le député parisien Christophe Cambadélis. Alors, synthèse ou pas, les «Hollandais» domineront les travaux du congrès de Dijon.
A la veille de l’ouverture, les déclarations à l’égard des courants minoritaires semblaient davantage marquées par la condescendance que la disposition à faire des concessions pour produire une unité de façade. Bref, il flotte autour de cette affaire une impression que le chef de file pourrait se transformer en chef de bande et qu’il ne souhaite plus coller à sa caricature de personnage captif d’un parti turbulent et écartelé entre toutes ses tendances, obligé de produire du consensus mou, pathétique. Un François Hollande autoritaire ? Futur candidat de son parti à la présidentielle de 2007 peut-être ? Il ne lui resterait plus qu’à se protéger de ses amis, devenus concurrents. Et à présenter un programme de substitution de nature à séduire les citoyens français. D’ici là, il y aura eu un autre congrès du Parti socialiste français, en 2006.
Cette situation apparemment singulière de la fédération socialiste du Nord-Pas-de-Calais, avec une très forte légitimité interne au département et une quasi inexistence nationale, illustre parfaitement le dilemme qui s’offre périodiquement au Parti socialiste et le contraint tout les trois ans à rechercher un minimum de consensus sous forme du plus petit dénominateur commun entre les diverses motions en présence et d’en opérer la fameuse «synthèse». C’est ainsi que depuis une quinzaine de jours, alors que les syndicats entraînent l’opinion publique dans la rue, les socialistes, eux, font preuve d’une considérable activité interne. C’est une affaire de famille, cruelle, dans laquelle la question est de savoir jusqu’à quel point on peut trahir son frère sans mettre l’essentiel en péril. L’objectif est de se prémunir contre une dangereuse situation de monopole, pour la motion majoritaire ; ne pas être écarté des instances de décisions nationales, pour les motions qui n’ont enregistré qu’un score «résiduel» ; déstabiliser les «éléphants» par le jeu des alliances, lorsqu’on n’en est pas un.
Encore une fois le cas du Nord est exemplaire. Sur le plan arithmétique, D + C + E = 60% des quelque 8 000 militants de la fédération, soit une inversion proportionnelle parfaite avec les résultats enregistrés sur le plan national. De la même manière, C + E font un ticket gagnant dans nombre de départements. Ce qui ouvre des perspectives dans un climat où le moindre froncement de sourcils prend valeur de signal politique fort et les observateurs estiment qu’à l’issue du processus de désignation des «premiers fédéraux», une vingtaine de «fédés» (sur 102) pourrait être dirigée par des opposants aux «Hollandais».
Un François Hollande autoritaire ?
La motion A est plutôt bien élue et ses partisans, François Hollande en tête, seraient donc tentés de faire l’économie de la synthèse si elle s’avérait trop compliquée à réaliser. Celui-ci dispose en effet d’une légitimité renforcée par un taux de participation record, de plus de 70%, lors du vote des sections. De plus, depuis la débâcle du 21 avril 2002, la formation annonce un recrutement d’environ 20 000 adhérents supplémentaires et le constat est impitoyable pour les perdants : le parti et ses jeunes recrues ont, pour les deux tiers, choisi l’unité, au sein du troupeau des «éléphants». Ceux qui se sont exprimés et l’ont rejoint de fraîche date ont majoritairement conforté un parti d’alternance et privilégié plutôt la conquête du pouvoir que le laboratoire d’idées. Pourtant, François Hollande est quand même moins bien élu qu’il y a trois ans. Certes Lionel Jospin était alors Premier ministre, et il n’y avait que trois motions en concurrence, mais avec un taux de participation des deux-tiers, la sienne avait recueilli les trois-quarts des suffrages (74,28%). Elle «perd plus de 10 points alors qu’elle réunit presque tous les anciens ministres, 90% des premiers secrétaires fédéraux et 90% des parlementaires» (ceux qui n’ont pas été engloutis par la grande vague de droite), déclare Vincent Peillon (motion C). Ce cru serait même l’un des pires pour la majorité sortante depuis le congrès constitutif, à Epinay-sur-Seine en 1971.
En tout état de cause, les «Hollandais» sont rassurés après avoir eu une grosse peur de voir se poursuivre en interne, et contre eux, le processus d’éclatement qui a affecté la gauche lors du premier tour des présidentielles, l’année dernière. Finalement, «la lecture de la division du 21 avril a été plus forte que celle de la rénovation», estime le député parisien Christophe Cambadélis. Alors, synthèse ou pas, les «Hollandais» domineront les travaux du congrès de Dijon.
A la veille de l’ouverture, les déclarations à l’égard des courants minoritaires semblaient davantage marquées par la condescendance que la disposition à faire des concessions pour produire une unité de façade. Bref, il flotte autour de cette affaire une impression que le chef de file pourrait se transformer en chef de bande et qu’il ne souhaite plus coller à sa caricature de personnage captif d’un parti turbulent et écartelé entre toutes ses tendances, obligé de produire du consensus mou, pathétique. Un François Hollande autoritaire ? Futur candidat de son parti à la présidentielle de 2007 peut-être ? Il ne lui resterait plus qu’à se protéger de ses amis, devenus concurrents. Et à présenter un programme de substitution de nature à séduire les citoyens français. D’ici là, il y aura eu un autre congrès du Parti socialiste français, en 2006.
par Georges Abou
Article publié le 16/05/2003