Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

Madagascar

Les ravages du cyclone Manou sur la côte orientale

La région de Vatomandry sur la côte est de Madagascar a été durement frappée jeudi et vendredi par le cyclone tropical Manou. En plein mois de mai, le phénomène est assez exceptionnel. Selon les autorités locales, au moins une dizaine de personne aurait trouvé la mort et 90% de la population est sinistrée.
De notre envoyé spécial à Vatomandry

Vu du ciel, Vatomandry ressemble à une étrange mosaïque. Des carrés sombres, les restes des maisons endommagées ou totalement détruites. Des arbres couchés en travers des routes en terre rectilignes. Et des milliers de taches de couleurs : étalé sur le sol, c’est le linge qui sèche au soleil. Le beau temps est revenu dans la région, au lendemain du passage du cyclone tropical Manou. Les 10 000 habitants de cette localité sont dehors. Ils n’ont plus vraiment de maisons dignes de ce nom. «90% de la population est sinistrée», explique Andriamahamisoa Radamonandrasana, le préfet de région.

Manou s’est abattu là, dans la nuit de jeudi à vendredi. Quelques jours plus tôt, quand il était encore loin dans l’océan Indien, il ne s’agissait que d’une tempête tropicale modérée. Et puis brusquement, il s’est intensifié pour devenir un cyclone. Subitement aussi, il a modifié sa direction d’Est en Ouest pour s’arrêter sur la région de Vatomandry. Pendant une dizaine d’heures, des rafales de vent dépassant les 180 kilomètres heure ont accompagné des pluies diluviennes. Puis, le cyclone a rebroussé chemin, aux larges des côtes malgaches. Derrière lui, il laisse «un paysage de désolation», comme le décrit un habitant de Vatomandry, qui ajoute : «à en croire les plus âgés, on n’avait pas connu ça depuis 1928». Pourtant, comme toute la côte est de Madagascar, cette région est régulièrement touchée par les tempêtes tropicales et autres cyclones. Les habitants savent donc généralement quelles précautions observer, d’autant que les services météo diffusent systématiquement des messages d’alerte préventifs.

Habitations trop légères

La gravité des dégâts causés par Manou tient au fait que la plupart des maisons sont construites dans des matériaux légers, des planches en bois, des tôles, parfois même des bambous ou des roseaux. Seuls les bâtiments en dur ont à peu près résisté. C’est là, dans les écoles, les églises, les dispensaires, qu’ont trouvé refuge les milliers de sans-abris. Et puis il y a ceux qui n’ont pas eu cette chance. Dans les campagnes, les autorités locales déplorent au moins une dizaine de morts et de disparus, emportés par les eaux. Ce bilan est encore provisoire, tant les informations sont difficiles à collecter dans les zones reculées. A l’hôpital de Vatomandry, Narisoa Andriamanana se désole : «Il y a bien quelques blessés qui arrivent. Malheureusement, on ne peut pas les soigner, car le bloc opératoire est endommagé. Et le stock de médicaments est inutilisable». Et puis, de toutes les manières, il n’y a plus l’eau courante ni l’électricité, ni d’ailleurs le téléphone. Et les routes sont coupées. Vatomandry n’est quasiment accessible que par les airs, ce qui, pour l’heure, complique passablement l’acheminement des secours.

«Nous avons besoin de tentes, de bâches, pour l’hébergement», explique Guy, un fonctionnaire de l’Education nationale. «Il faut aussi des médicaments d’urgence pour éviter les épidémies. Et puis aussi des produits alimentaires, faute de quoi, on risque la famine…» Tous le déplorent : Manou a ravagé les zones agricoles, les rizières, les champs de manioc, de café…, alors que la production était bonne cette année. Armand Randrianalison est le maire d’Ilaka Atsinanana, une commune rurale située à vingt kilomètres au sud de Vatomandry. Il ajoute à la liste, les dégâts causés parmi le bétail. Dans ses mains, le compte-rendu de la situation dans sa commune, qu’il est venu remettre au préfet. Il lui a fallu plusieurs heures pour rejoindre Vatomandry.

De son côté, le Premier ministre Jacques Sylla n’a mis qu’une heure en hélicoptère pour rallier la capitale Antananarivo à Vatomandry. Une visite-éclair en compagnie de membres du gouvernement, des représentants de la Banque mondiale et du PNUD et de journalistes. Objectif : mesurer l’ampleur des dégâts et évaluer les besoins urgents des sinistrés. Tout en promettant aux habitants une aide rapide de la part des autorités, le chef du gouvernement reconnaît quand même que les plaies du cyclone seront longues à cicatriser. «Le cyclone a été terrible», constate Jacques Sylla, «et il faudra sans doute des années pour que la ville se redresse complètement».

A Vatomandry, résonnent quelques coups de marteau. Les habitants commencent à rafistoler ce qui reste de leurs maisons, à refixer les tôles sur les toits. On étale les effets personnels pour qu’ils sèchent au soleil. Et les enfants jouent déjà avec toutes les noix de coco que le cyclone a dispersées dans les rues boueuses.



par Olivier  Péguy

Article publié le 11/05/2003