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Irak

Paris, Londres et Berlin se rallient à la résolution américaine

La France, l’Allemagne et la Russie ont voté au Conseil de sécurité des Nations unies la résolution proposée par Washington et soutenue par Londres et Madrid sur la gestion de l’après-guerre en Irak. Cette décision a été rendue possible après que les Etats-Unis ont accepté d’apporter plusieurs amendements à leur projet initial, acceptant notamment un rôle plus important pour les Nations unies dans la reconstruction politique du pays. Cette résolution devrait obtenir l’appui d’au moins 14 des 15 membres du Conseil de sécurité, la Syrie pouvant en effet s’abstenir.
Après plus de deux semaines d’intenses négociations, les Etats-Unis sont enfin parvenus à obtenir un large soutien des membres du Conseil de sécurité à leur projet de résolution sur l’après-guerre en Irak. Certes Washington a fait de nombreuses concessions et a revu sa copie pas moins de quatre fois, mais le clan de la paix qui regroupe Français, Russes et Allemands, a également voulu jouer la carte de l’apaisement en se tournant résolument vers l’avenir et en remisant au placard les querelles qui ont précédé le déclenchement, sans l’aval des Nations unies de la guerre en Irak. «Même si ce texte n’est pas parfait, il prend en compte nos préoccupations», a ainsi souligné mercredi, le chef de la diplomatie française Dominique de Villepin qui recevait ses homologues russe et allemand. Les trois hommes, qui ont insisté sur leur volonté de «faire preuve de responsabilité», ont toutefois précisé que cette bonne volonté ne devait nullement être comprise comme une légitimation a posteriori de l’invasion américano-britannique de l’Irak.

Les trois pays du clan de la paix estiment que le texte américain prend désormais en compte leurs préoccupations, notamment sur le rôle des Nations unies qu’ils veulent «central». La résolution prévoit en effet que le secrétaire général de l’ONU, Kofi Annan, nomme un représentant spécial –et non plus un simple coordinateur– qui sera chargé de travailler avec les puissances occupantes «pour faciliter la mise en place d’un gouvernement représentatif et internationalement reconnu». «Au départ on ne parlait que d’un coordonnateur, de quelqu’un qui avait vocation à regarder, sur le côté, les choses se faire. Là, il a un rôle politique, un rôle indépendant», s’est ainsi félicité Dominique de Villepin. «Je crois que nous pouvons dire que l’ONU est de retour», a-t-il ajouté.

La résolution américaine permettra la levée immédiate des sanctions économiques imposées au régime de Bagdad depuis 1990, au lendemain de l’invasion par les forces de Saddam Hussein du Koweït. Elle autorisera ainsi les Etats-Unis et la Grande-Bretagne, en tant que forces occupantes, à utiliser les revenus du pétrole irakien, qui seront placés dans un Fonds de développement administré par la banque centrale irakienne sous leur supervision, pour financer la reconstruction du pays et subvenir aux besoins humanitaires de la population. Washington qui souhaitait mettre un terme dans les quatre mois au programme pétrole contre nourriture –duquel dépendent les deux tiers des Irakiens pour leur alimentation– a en outre accepté que le programme soit encore prolongé six mois durant, ce qui permet à l’ONU de continuer à jouer un rôle de premier plan en Irak en attendant que la situation humanitaire se stabilise.

Mandat flou pour les inspecteurs

Le texte américain propose également un compromis quant à la durée du mandat des forces d’occupation. Alors que la première mouture proposée par la Maison Blanche stipulait que la présence américano-britannique se prolongerait «jusqu’à ce qu’un gouvernement internationalement reconnu et représentatif soit établi par le peuple irakien», la dernière version du texte fixe une date butoir en précisant que le Conseil de sécurité «réexaminera l’application de cette résolution dans les douze mois suivant son adoption et considérera les mesures qui pourraient être nécessaires». Washington et Londres sont donc assurés d’administrer au moins pour un an l’Irak.

La résolution sur l’après-guerre en Irak, qui doit être votée ce jeudi, préserve en outre un cadre légal pour les inspecteurs en désarmement de l’ONU ainsi qu’un fonds de financement pour les dix ans à venir. Elle entretient toutefois le flou quant à leur mandat. Les Etats-Unis, qui ont à maintes reprises clairement indiqué qu’ils n’autoriseraient pas les experts des Nations unies à poursuivre leurs recherches d’armes de destruction massive, ont réussi à imposer leur point de vue. La résolution reconnaît en effet que les forces américano-britanniques sont désormais seules responsables des inspections et se borne à les encourager à tenir le Conseil de sécurité informé du progrès de leur recherches. Elle stipule en outre que le Conseil devra « réexaminer les mandats» de la Cocovinu (la Commission de contrôle, de vérification et d’investigation des Nations unies) et de l’AIEA (l’Agence internationale de l’énergie atomique).

Cette concession du camp de la paix à un rôle non encore défini des inspecteurs n’est pas négligeable puisqu’elle représente un changement d’attitude radical. Après la chute du régime de Bagdad, les difficultés rencontrées par Washington et Londres à prouver l’existence d’armes de destructions massive en Irak avait provoqué une levée de boucliers, les pays opposés à la guerre, la Russie en tête, réclamant notamment un retour immédiat des inspecteurs de l’ONU. Aujourd’hui, Moscou se satisfait des négociations actuellement en cours entre Washington et l’AIEA pour un éventuel retour de ses experts. Dans ce contexte et alors que les résolutions votées jusqu’à présent aux Nations unies subordonnaient la levée des sanctions contre l’Irak à la destruction des ses armes prohibées, l’accord de principe donné à la résolution américaine constitue une concession de taille.



par Mounia  Daoudi

Article publié le 22/05/2003