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Epidémie

La Chine sportive en quarantaine

L’équipe chinoise de tennis de table est arrivée cette semaine à Paris pour participer, à partir de lundi prochain, aux championnats du monde de la discipline. C’est un événement, car depuis quelque temps la Chine sportive est persona non grata, soumise à une véritable quarantaine. Elle n’est pas la seule. D’autres pays d’Asie, ainsi que le Canada, sont soumis au même régime d’absence forcée. Pneumonie atypique oblige.
Le SRAS, en langage décrypté «syndrome respiratoire aigu sévère», ou encore pneumonie atypique, continue de faire des ravages. Au moins six cents morts depuis le début de l’année et de nouveaux cas avérés chaque jour. S’il est un domaine d’activité particulièrement affecté par ce terrifiant virus qui fait de chaque Chinois un porteur potentiel, c’est bien celui du sport. Les athlètes de ce pays sont devenus infréquentables. Chez eux, ils sont, pour la plupart, réduits à l’inactivité, les installations sportives étant fermées pour une période indéterminée. Personne, de toute façon, ne veut s’y rendre.

La Coupe du monde féminine de football qui devait s’y dérouler fin septembre-début octobre a été délocalisée dans un pays qui n’est pas encore déterminé. Les championnats du monde cyclistes sur piste prévus à Shenzhen auront lieu à Stuttgart, en Allemagne. Quant au championnat du monde féminin de hockey sur glace il n’aura lieu ni à Pékin, ni ailleurs. Annulé ! La liste des manifestations sportives déplacées, reportées ou annulées s’allongent chaque semaine. Les équipes anglaises d’Everton et d’Aston Villa qui avaient programmé une tournée en Chine y ont renoncé. L’équipe du Portugal qui, elle, était attendue au mois de juin au Japon n’ira pas. Pressenti pour la remplacer, le Nigeria, après bien des hésitations, a finalement dit non.

La peur engendre la peur

Une véritable panique s’est installée dans le camp des sportifs. A échéance plus lointaine, la ville d’Athènes a tiré la sonnette d’alarme. Les Jeux Olympiques sont dans quinze mois, mais les organisateurs se réfugient derrière l’OMS. Surtout pas de risques. Ils ont annulé des manifestations et des contacts avec des personnes qui viennent des régions présumées à «haut risque». Chacun avance désormais à visage masqué. Tant que le virus n’aura pas été complètement identifié, maîtrisé puis anéanti, le doute continuera d’encourager les attitudes les plus restrictives. Jamais, sans doute, dans l’histoire du sport moderne, un tel phénomène ne s’était développé. Jamais, pour une raison autre que la guerre, autant de compétitions n’avaient pu se dérouler faute de concurrents. Le syndrome est devenu obsession, phobie, plus encore : repoussoir.

La Chine sportive et quelques autres pays de la région sont condamnés à vivre en reclus. Dans l’isolement le plus total. Loin de ceux qui considèrent que tout sportif chinois est un contaminateur potentiel. Tant que la pneumonie atypique n’aura pas été éradiquée, le doute continuera de peser sur l’opportunité de tel ou tel déplacement, de tel ou tel match. Y compris les Jeux Olympiques de 2008, dont on sait qu’ils doivent se tenir à Pékin. La peur engendre la peur. Les maladies du corps se transforment parfois en maladies de l’esprit.



par Gérard  Dreyfus

Article publié le 14/05/2003