Congo démocratique
Cessez-le-feu précaire en Ituri
Le cessez-le-feu consacre le maintien à Bunia de l’Union des patriotes congolais, l’UPC à dominante hema, et de son adversaire lendu, le Front de résistance patriotique de l’Ituri (FRPI),branche armée des Forces nationalistes et intégrationistes (FNI). Les autres factions rebelles rongent leurs freins. Des logisticiens français sont attendus sur place pour un état des lieux, dans la perspective d’une intervention militaire. Avant de décider, Paris demande un consensus national et régional, difficile à trouver si l’on en juge par l’assassinat de deux observateurs onusiens, témoins des combats féroces pour la mainmise sur l’Ituri.
Selon la Mission des Nations unies au Congo (Monuc), il est plus réaliste de parler de «cessations des hostilités» que de cessez-le-feu à Bunia où dimanche, l’UPC et le FRPI se sont partagés la ville. «Les deux parties ont convenu de la présence simultanée de leurs états-majors à l’intérieur de la ville de Bunia», explique un communiqué de la Monuc qui précise que les deux chefs d’état-major, Floribert Kisembo pour l’UPC et Mathieu Ngudjolo pour le FRPI, «engagent leur responsabilité dans leurs zones respectives». Cet arrangement éclaire l’accord signé vendredi à Dar-Es-Salam par les cinq factions congolaises qui se disputent l’Ituri. Outre l’arrêt des combats, le document de Dar-Es-Salam prévoit en effet le cantonnement des troupes adverses et la démilitarisation de Bunia, deux perspectives rebutantes pour les belligérants. Pour les inciter à mettre l’arme au pied, la Monuc a joué sur une clause qui indique que les forces en présence resteront cantonnées «dans leur propre siège» où elles devront assurer maintien de la paix. De fait, l’accord de dimanche satisfait donc la revendication de l’UPC sur Bunia, «son propre siège». Mais pour faire bonne mesure, il consacre aussi le FRPI.
Le document signé vendredi à Dar-Es-Salam «devant» et «à l’invitation» du président Kabila se présente comme un «Acte d’engagement pour la relance du processus de pacification de l’Ituri». «Les parties réitèrent leur engagement à respecter l’accord de cessation des hostilités signé le 18 mars 2003 à Bunia.» Ce dernier engageait six groupes armés, appuyés sur diverses communautés locales et plus ou moins alignés sur Kinshasa. Cette fois, il implique donc aussi l’UPC de Thomas Lubanga, qui vient de quitter le giron ougandais pour se tourner vers le RCD-Goma et son allié rwandais. L’objectif de la Monuc est de poursuivre l’installation de l’administration intérimaire organisée en Ituri par la «Commission de pacification de l’Ituri». Jusqu’à présent, l’entreprise n’intéressait pas du tout l’UPC qui revendique entre 12 000 et 15 000 hommes et qui a saisi l’occasion du retrait des troupes ougandaises de Bunia, le 7 mai dernier, pour mettre la main sur le chef-lieu convoité par où passent les marchandises extraites du sol ou des forêts de l’Ituri.
D’un cessez-le-feu à l’autre
Le 18 mars dernier, l’accord de Bunia réunissaient déjà la plupart des petites factions en guerre en Ituri. La principale, le RCD-K-ML du Nande Mbusa Nyamwisi a largement perdu la main en Ituri avec justement la scission de son ancien bras droit, Thomas Lubanga, le chef de l’UPC. Mbusa Nyamwisi n’avait d’ailleurs pas attendu l’issue du conflit dans cette partie du Congo pour rallier Kinshasa où les accords de Sun City lui ont accordé une place non négligeable dans la répartition des fauteuils de la transition. Jusqu’à preuve du contraire, il reste fort de ses fiefs de Beni et Butembo. Autre signataire du 18 mars, le FNI, l’aile politique du FRPI qui se partage donc Bunia avec l’UPC. Le Front est formé essentiellement de combattants lendu qui répondent au commandant Justin Gopa Lobo. C’est à lui que l’armée ougandaise avait accordé ses faveurs, début mars, lorsqu’elle avait chassé l’UPC de Bunia.
Des Hema aussi avaient accepté le cessez-le-feu du 18 mars, sous la houlette du Parti pour l’unité et la sauvegarde de l’intégrité du Congo (PUSIC) conduit par Kaawa Mandro Mpanga. Le PUSIC avait rompu avec l’UPC au moment de sa mise à l’écart de Bunia. Il paraît avoir changé d’avis avec le retour de Lubanga dans la ville. Enfin, le Front populaire pour la démocratie au Congo (FPDC), qui recrute dans la communauté alur, a lui aussi signé le 18 mars. Les mêmes se sont retrouvés à Dar-Es-Salam le 16 mai, avec l’UPC donc et avec une autre petite faction, les Forces armées pour le Congo, le FAPC, dirigé par un rwandophone du Masisi, Jérome Kakawavu Bakonde. La plupart de ces factions demandent à intégrer les Forces armées congolaises du régime Kabila. Elles fustigent l’UPC comme un fauteur de guerre activé par Kigali. En attendant la démilitarisation et le déploiement d’une force internationale promise à Bunia, des enfants-soldats règnent sur la ville, d’autres continuent à sévir dans les campagnes.
Si l’on en juge par leurs multiples chassés-croisés sanglants en Ituri depuis 1998, les rebelles congolais comme leurs alliés extérieurs peinent à supporter tout ordre qui ne leur soit pas profitable. Deux observateurs de l’Onu, un Jordanien et un Nigérian ont «été sauvagement assassiné» en Ituri. Leurs collègues de la Monuc ont retrouvé dimanche les corps des deux hommes, disparus depuis le 14 mai. L’enquête fera peut-être la lumière sur les motifs du crime. A lui seul, il en dit long sur le respect voué aux casques bleus par ceux que le désordre arrange. Certains chefs de micro-factions n’hésitent pas à dire que pour renvoyer les témoins internationaux à New York, il suffit «d’en tuer un ou deux».
A Dar-Es-Salam, les signataires ont, bon gré mal gré, joint leurs voix à celles de Kinshasa et de Kampala en faveur du déploiement d’une force internationale en Ituri. Kigali estime de son côté qu’une force française serait mal venue. Paris a dépêché sur place une mission de reconnaissance. Une douzaine de logisticiens de l’infanterie de marine vont étudier les contraintes techniques d’une intervention militaire «très complexe et nécessitant des centaines de rotations d’avions gros porteurs et d’avions de transport tactiques, entre cent et deux cents» en raison de l’isolement de l’Ituri, selon le ministère français de la Défense. Mais surtout, Paris demande l’aval de Kigali et de Kampala pour venir. Une demande qui met Kigali en porte à faux, à deux pas du banc des accusés, si la situation ne s’améliore pas en Ituri. La France exige aussi un «mandat clair» du Conseil de sécurité, avec une date de départ incluse dans la résolution. L’Afrique du Sud se déclare prête à envoyer un régiment aux côtés de troupes françaises. Pour Pretoria, c’est l’ensemble du dispositif de la transition vers la paix qui est remis en cause en Ituri.
Le document signé vendredi à Dar-Es-Salam «devant» et «à l’invitation» du président Kabila se présente comme un «Acte d’engagement pour la relance du processus de pacification de l’Ituri». «Les parties réitèrent leur engagement à respecter l’accord de cessation des hostilités signé le 18 mars 2003 à Bunia.» Ce dernier engageait six groupes armés, appuyés sur diverses communautés locales et plus ou moins alignés sur Kinshasa. Cette fois, il implique donc aussi l’UPC de Thomas Lubanga, qui vient de quitter le giron ougandais pour se tourner vers le RCD-Goma et son allié rwandais. L’objectif de la Monuc est de poursuivre l’installation de l’administration intérimaire organisée en Ituri par la «Commission de pacification de l’Ituri». Jusqu’à présent, l’entreprise n’intéressait pas du tout l’UPC qui revendique entre 12 000 et 15 000 hommes et qui a saisi l’occasion du retrait des troupes ougandaises de Bunia, le 7 mai dernier, pour mettre la main sur le chef-lieu convoité par où passent les marchandises extraites du sol ou des forêts de l’Ituri.
D’un cessez-le-feu à l’autre
Le 18 mars dernier, l’accord de Bunia réunissaient déjà la plupart des petites factions en guerre en Ituri. La principale, le RCD-K-ML du Nande Mbusa Nyamwisi a largement perdu la main en Ituri avec justement la scission de son ancien bras droit, Thomas Lubanga, le chef de l’UPC. Mbusa Nyamwisi n’avait d’ailleurs pas attendu l’issue du conflit dans cette partie du Congo pour rallier Kinshasa où les accords de Sun City lui ont accordé une place non négligeable dans la répartition des fauteuils de la transition. Jusqu’à preuve du contraire, il reste fort de ses fiefs de Beni et Butembo. Autre signataire du 18 mars, le FNI, l’aile politique du FRPI qui se partage donc Bunia avec l’UPC. Le Front est formé essentiellement de combattants lendu qui répondent au commandant Justin Gopa Lobo. C’est à lui que l’armée ougandaise avait accordé ses faveurs, début mars, lorsqu’elle avait chassé l’UPC de Bunia.
Des Hema aussi avaient accepté le cessez-le-feu du 18 mars, sous la houlette du Parti pour l’unité et la sauvegarde de l’intégrité du Congo (PUSIC) conduit par Kaawa Mandro Mpanga. Le PUSIC avait rompu avec l’UPC au moment de sa mise à l’écart de Bunia. Il paraît avoir changé d’avis avec le retour de Lubanga dans la ville. Enfin, le Front populaire pour la démocratie au Congo (FPDC), qui recrute dans la communauté alur, a lui aussi signé le 18 mars. Les mêmes se sont retrouvés à Dar-Es-Salam le 16 mai, avec l’UPC donc et avec une autre petite faction, les Forces armées pour le Congo, le FAPC, dirigé par un rwandophone du Masisi, Jérome Kakawavu Bakonde. La plupart de ces factions demandent à intégrer les Forces armées congolaises du régime Kabila. Elles fustigent l’UPC comme un fauteur de guerre activé par Kigali. En attendant la démilitarisation et le déploiement d’une force internationale promise à Bunia, des enfants-soldats règnent sur la ville, d’autres continuent à sévir dans les campagnes.
Si l’on en juge par leurs multiples chassés-croisés sanglants en Ituri depuis 1998, les rebelles congolais comme leurs alliés extérieurs peinent à supporter tout ordre qui ne leur soit pas profitable. Deux observateurs de l’Onu, un Jordanien et un Nigérian ont «été sauvagement assassiné» en Ituri. Leurs collègues de la Monuc ont retrouvé dimanche les corps des deux hommes, disparus depuis le 14 mai. L’enquête fera peut-être la lumière sur les motifs du crime. A lui seul, il en dit long sur le respect voué aux casques bleus par ceux que le désordre arrange. Certains chefs de micro-factions n’hésitent pas à dire que pour renvoyer les témoins internationaux à New York, il suffit «d’en tuer un ou deux».
A Dar-Es-Salam, les signataires ont, bon gré mal gré, joint leurs voix à celles de Kinshasa et de Kampala en faveur du déploiement d’une force internationale en Ituri. Kigali estime de son côté qu’une force française serait mal venue. Paris a dépêché sur place une mission de reconnaissance. Une douzaine de logisticiens de l’infanterie de marine vont étudier les contraintes techniques d’une intervention militaire «très complexe et nécessitant des centaines de rotations d’avions gros porteurs et d’avions de transport tactiques, entre cent et deux cents» en raison de l’isolement de l’Ituri, selon le ministère français de la Défense. Mais surtout, Paris demande l’aval de Kigali et de Kampala pour venir. Une demande qui met Kigali en porte à faux, à deux pas du banc des accusés, si la situation ne s’améliore pas en Ituri. La France exige aussi un «mandat clair» du Conseil de sécurité, avec une date de départ incluse dans la résolution. L’Afrique du Sud se déclare prête à envoyer un régiment aux côtés de troupes françaises. Pour Pretoria, c’est l’ensemble du dispositif de la transition vers la paix qui est remis en cause en Ituri.
par Monique Mas
Article publié le 19/05/2003