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Congo démocratique

Menace d’une catastrophe humanitaire

Les combats dans l’est du pays retardent l’installation effective des organes de la transition à Kinshasa et le travail de la commission de pacification de l’Ituri. La multiplicité des groupes armés et les intérêts divergents compliquent aussi les négociations de paix dans le nord-est du pays et aggravent les risques de catastrophe humanitaire.
«La situation humanitaire est très préoccupante dans l’est de la République démocratique du Congo», déclare le ministre congolais des Droits humains, Ntumba Luaba, lors d’une conférence de presse à Paris, le 17 mai. Alors que l’installation des organes de la transition est en discussion, les combats dans l’Ituri font rage pour le contrôle de la capitale régionale, Bunia. Cette instabilité militaire entraîne une dégradation de la situation humanitaire. Des milliers de personnes ont fui leurs résidences pour trouver refuge dans des camps ou dans les forêts. Selon, le Programme alimentaire mondial (PAM), au moins 50 000 personnes sont réfugiées au nord du Kivu. La localité de Beni est soumise à l’arrivée constante de personnes fuyant Bunia tout comme celle Mambasa, à l’est du Kivu. Selon Christiane Berthiaume, porte-parole du PAM, 9 000 personnes y vivraient dans des «conditions très précaires».

Pour prévenir les dangers d’une aggravation de la situation dans l’est de la RDC, le PAM a lancé un appel de fonds de 36 millions de dollars pour les six prochains mois. Deux autres camps, près de l’aéroport de Bunia et de la base de la MONUC, abritent déjà 2 500 familles soit environ 40 000 personnes, a constaté l’UNICEF qui s’inquiète des risques «croissants de malnutrition». Gianfranco Rutigliano déplore aussi que les techniciens de son organisation, pour des raisons sécuritaires n’aient pas «accès à la population, dans Bunia et ses environs pour dispenser les services de base, et la population, pour les mêmes raisons n’a pas accès à nous». Plus de 200 000 personnes sont candidats au départ et fuient par tous les moyens les grands centres urbains. La ville de Bunia par exemple ressemble «à une ville fantôme vidée de toute vie», déclare le ministre des Droits humains, Ntumba Luaba.

Les populations jetées sur les routes font face à toutes sortes de danger et sont livrées aux exactions des milices armées qui prolifèrent dans le nord-est de la République démocratique du Congo. Les batailles pour le contrôle de Bunia mettent en scène plusieurs groupes armés qui ne sont pas seulement constitués en fonction des appartenances ethniques, comme de nombreux observateurs l’avaient annoncé au début des affrontements. Il apparaît aujourd’hui, que les affrontements sont essentiellement le fait de nouveaux groupes armés soutenus par le Rwanda et l’Ouganda pour le contrôle et le maintien de certaines filières d’approvisionnement au Congo. Les activités de ces groupes armés dépassent les rivalités ethniques entre Hemas et Lendus et trouvent également leur source dans la volonté des différents groupes à apparaître comme une force politique importante dans la riche province de l’Ituri.

Retour forcé

Le rapport de forces entre les groupes armés est perpétuellement contesté par les uns et les autres, poussant les habitants de Bunia a quitté la ville. Mais régner sur une ville dépouillée de son âme apparaît comme un échec mal vécu par l’Union des patriotes congolais (UPC), le groupe armé le plus actif dans la région et qui a pris Bunia, le 12 mai dernier. L’UPC s’est aussi emparée d’une radio locale associative CANDIP, à partir de laquelle elle demande aux populations civiles de regagner leurs demeures à Bunia, faute de quoi «elles seraient considérées comme des ennemis». L’UPC menace de constituer un groupe militaire dont la mission serait de déloger les réfugiés des camps pour les ramener en ville. Ces déclarations ont suscité beaucoup d’indignation des organisations humanitaires et des organes de l’ONU qui appellent les différents chefs de guerre à la raison. «Le retour des populations déplacées dans leurs foyers ne saurait se faire que sur une base volontaire conformément au droit international humanitaire», a précisé un communiqué de la MONUC.

Le gouvernement congolais qui a dépêché sur place en Ituri, le ministre Ntumba Luaba, veut toujours croire en l’accord de Dar Es-Salaam signé par tous les protagonistes qui prévoit l’installation d’une administration de transition et d’une assemblée intérimaire de pacification. Pour ce faire Ntumba Luaba préconise un cantonnement des différents groupes armés. Il a rencontré séparément les différents groupes pour recueillir leurs souhaits en vue d’une «reconnaissance» des différentes positions. Mais pour un réel respect des diverses positions, la redéfinition de la mission de la MONUC préoccupe le gouvernement de Kinshasa. «Les populations civiles ont vraiment l’impression que sa mission est de passer après les combats pour compter le nombre de morts», déplore le ministre congolais des Droits humains. Kinshasa attend des Nations unies qu’elles confient à la MONUC une réelle mission de protection des populations civiles.

L’idée de la protection directe des populations, qui obligerait à un respect strict des différentes positions et aussi au respect des accords de cessez-le-feu, émise par la France a été saluée par le gouvernement de Kinshasa. La France a soumis cette idée à l’appréciation de l’Union européenne. La force de paix de l’UE qui serait placée sous mandat de l’ONU comprendrait entre 1 000 et 2 000 hommes. (La MONUC compte 700 hommes en Ituri). La réponse de l’UE est attendue dans une dizaines de jours. La Belgique qui soutient l’initiative promet une aide logistique sans envoi de soldats. Le Conseil de sécurité a aussi invité les Etats membres de participer à une «opération militaire d’urgence en Ituri». Indépendamment de cette démarche une mission militaire française s’est rendue dans l’est de la RDC pour évaluer les besoins. Selon des sources diplomatiques, les Etats-Unis apporteraient leur soutien à toute initiative en faveur du retour de la paix en Ituri, même si l’opération est conduite par la France. La paix en Ituri contribuera peut-être au réchauffement des relations France-Etats-Unis.



par Didier  Samson

Article publié le 28/05/2003