Indonésie
Loi martiale à Aceh
Les négociations entre le gouvernement indonésien et le Gam, le mouvement séparatiste acehnais, ont échoué. Ses discussions, qui ont eu lieu à Tokyo, étaient considérées comme la dernière chance de sauver un processus de paix destiné à mettre fin au plus vieux conflit d’Asie du sud-est.
De notre correspondant à Djakarta
Loi martiale à Aceh. La mesure, décrétée dimanche soir par la présidente Megawati Sukarnoputri, est le point départ d’une vaste offensive militaire indonésienne. Elle est aussi le point final du processus de paix entre l’Etat indonésien et le Gam, le mouvement qui lutte pour l’indépendance d’Aceh, une région située à l’extrême nord de Sumatra. L’accord signé en décembre 2002 sous le parrainage des Etats-Unis, qui ont de très importants intérêts pétroliers dans la province, devait mettre un terme à 26 ans de violences qui ont fait près de 12 000 morts, en majorité des civils. Il devait conduire la province a davantage d’autonomie politique ainsi qu’à une meilleure répartition des richesses naturelles, des hydrocarbures principalement, entre Jakarta et la population locale. Les deux parties avaient également convenu d’un processus de démilitarisation. Les séparatistes acehnais devaient déposer leurs armes dans des lieux connus des seuls observateurs internationaux, dépêchés sur place pour superviser le cessez le feu. Une fois ce désarmement achevé, les forces militaires indonésiennes devaient se redéployer à l’extérieur de la province. Mais ce désarmement n’a jamais eu lieu et les relations entre les deux camps se sont rapidement dégradées. Jakarta a accusé le Gam de profiter de la trêve pour se réarmer et continuer à faire campagne pour l'indépendance. Les séparatistes acehnais ont toujours démenti tout en refusant de déposer leurs armes en raison d’une violente campagne d’exécutions extra-judiciaires menées par les unités spéciales indonésiennes.
Fin avril, les morts se comptaient déjà par dizaines et Jakarta décidait d’envoyer 7000 soldats en renfort des 35 000 hommes déjà sur place. Dans la foulée, des militaires déguisés en civils saccageaient les locaux des observateurs internationaux qui décidaient alors de quitter la province. Mais alors qu'une reprise des affrontements semblait imminente, une lueur d’espoir est apparue lorsque les deux parties ont décidé de se rencontrer sous la pression diplomatique des pays donateurs: les Etats-Unis, le Japon, l’Union européenne et la Banque mondiale. La rencontre, organisée à Tokyo le week-end dernier, a rapidement dérapé vers un échec annoncé. Vendredi, la police indonésienne arrêtait cinq négociateurs du Gam alors qu’ils se préparaient à partir au Japon.
Colère des Etats-Unis
Ressenties comme une déclaration de guerre par les Acehnais déjà présents à Tokyo, ces arrestations ont également provoqué la colère des États-Unis qui ont publiquement mis en doute les intentions de paix du gouvernement indonésien. Un gouvernement dans lequel les généraux qui se sont toujours opposés à toute forme de discussions avec le Gam, ont définitivement pris le dessus sur ceux qui croyaient encore possible de négocier.
Parmi ces tenants de la ligne dure, on trouve des nationalistes qui ont mal digéré la perte du Timor oriental en 1999 et qui estiment qu’octroyer l’autonomie aux Acehnais ouvrirait forcement la voie à un éclatement totale de l’Archipel. D’autres ont des motifs plus obscurs. L’instabilité à Aceh leurs permet d’entretenir une multitude de trafics: drogue, prostitution, racket des compagnies pétrolières internationales ou exportation illégale de bois. Pour de nombreux observateurs internationaux, la rapidité avec laquelle les opérations militaires ont été déclenchées démontrent que Jakarta n’avait nullement l’intention de voir les pourparler de Tokyo aboutir. «La guerre à Aceh sera la plus importante opération militaire depuis l’invasion du Timor oriental en 1976» a même déclaré le porte parole de l’armée indonésienne.
Son intervention, retransmise en direct à la télévision, fut un véritable show à l’américaine. Carte d’état-major contre le mur, il a expliqué comment se déroulerait l’offensive, insistant notamment sur le fait que des force armées terrestres, aériennes et navales agiraient conjointement dans la province. Dans la matinée de lundi, 500 membres des unités d’élite ont été parachutés dans une région tenue par le Gam, préalablement bombardée à la roquette.
Un peu plus tard, des unités navales débarquaient près de Lhoksseumawé, la capitale économique d’Aceh. Le déploiement est massif mais ils n’a donné lieu qu’à très peu de combats. Fidèles à leur stratégie de guérilla, urbaine et rurale, les séparatistes acehnais restent terrés dans leurs positions. Seules répliques à cette première journée de guerre: ils ont appelé la population à la grève générale et demandé aux compagnies pétrolières internationales de cesser toute activité. Une menace à peine voilée qui suggèrent que le Gam, poussé dans ses derniers retranchements, pourrait adopter une stratégie d’attentats.
Loi martiale à Aceh. La mesure, décrétée dimanche soir par la présidente Megawati Sukarnoputri, est le point départ d’une vaste offensive militaire indonésienne. Elle est aussi le point final du processus de paix entre l’Etat indonésien et le Gam, le mouvement qui lutte pour l’indépendance d’Aceh, une région située à l’extrême nord de Sumatra. L’accord signé en décembre 2002 sous le parrainage des Etats-Unis, qui ont de très importants intérêts pétroliers dans la province, devait mettre un terme à 26 ans de violences qui ont fait près de 12 000 morts, en majorité des civils. Il devait conduire la province a davantage d’autonomie politique ainsi qu’à une meilleure répartition des richesses naturelles, des hydrocarbures principalement, entre Jakarta et la population locale. Les deux parties avaient également convenu d’un processus de démilitarisation. Les séparatistes acehnais devaient déposer leurs armes dans des lieux connus des seuls observateurs internationaux, dépêchés sur place pour superviser le cessez le feu. Une fois ce désarmement achevé, les forces militaires indonésiennes devaient se redéployer à l’extérieur de la province. Mais ce désarmement n’a jamais eu lieu et les relations entre les deux camps se sont rapidement dégradées. Jakarta a accusé le Gam de profiter de la trêve pour se réarmer et continuer à faire campagne pour l'indépendance. Les séparatistes acehnais ont toujours démenti tout en refusant de déposer leurs armes en raison d’une violente campagne d’exécutions extra-judiciaires menées par les unités spéciales indonésiennes.
Fin avril, les morts se comptaient déjà par dizaines et Jakarta décidait d’envoyer 7000 soldats en renfort des 35 000 hommes déjà sur place. Dans la foulée, des militaires déguisés en civils saccageaient les locaux des observateurs internationaux qui décidaient alors de quitter la province. Mais alors qu'une reprise des affrontements semblait imminente, une lueur d’espoir est apparue lorsque les deux parties ont décidé de se rencontrer sous la pression diplomatique des pays donateurs: les Etats-Unis, le Japon, l’Union européenne et la Banque mondiale. La rencontre, organisée à Tokyo le week-end dernier, a rapidement dérapé vers un échec annoncé. Vendredi, la police indonésienne arrêtait cinq négociateurs du Gam alors qu’ils se préparaient à partir au Japon.
Colère des Etats-Unis
Ressenties comme une déclaration de guerre par les Acehnais déjà présents à Tokyo, ces arrestations ont également provoqué la colère des États-Unis qui ont publiquement mis en doute les intentions de paix du gouvernement indonésien. Un gouvernement dans lequel les généraux qui se sont toujours opposés à toute forme de discussions avec le Gam, ont définitivement pris le dessus sur ceux qui croyaient encore possible de négocier.
Parmi ces tenants de la ligne dure, on trouve des nationalistes qui ont mal digéré la perte du Timor oriental en 1999 et qui estiment qu’octroyer l’autonomie aux Acehnais ouvrirait forcement la voie à un éclatement totale de l’Archipel. D’autres ont des motifs plus obscurs. L’instabilité à Aceh leurs permet d’entretenir une multitude de trafics: drogue, prostitution, racket des compagnies pétrolières internationales ou exportation illégale de bois. Pour de nombreux observateurs internationaux, la rapidité avec laquelle les opérations militaires ont été déclenchées démontrent que Jakarta n’avait nullement l’intention de voir les pourparler de Tokyo aboutir. «La guerre à Aceh sera la plus importante opération militaire depuis l’invasion du Timor oriental en 1976» a même déclaré le porte parole de l’armée indonésienne.
Son intervention, retransmise en direct à la télévision, fut un véritable show à l’américaine. Carte d’état-major contre le mur, il a expliqué comment se déroulerait l’offensive, insistant notamment sur le fait que des force armées terrestres, aériennes et navales agiraient conjointement dans la province. Dans la matinée de lundi, 500 membres des unités d’élite ont été parachutés dans une région tenue par le Gam, préalablement bombardée à la roquette.
Un peu plus tard, des unités navales débarquaient près de Lhoksseumawé, la capitale économique d’Aceh. Le déploiement est massif mais ils n’a donné lieu qu’à très peu de combats. Fidèles à leur stratégie de guérilla, urbaine et rurale, les séparatistes acehnais restent terrés dans leurs positions. Seules répliques à cette première journée de guerre: ils ont appelé la population à la grève générale et demandé aux compagnies pétrolières internationales de cesser toute activité. Une menace à peine voilée qui suggèrent que le Gam, poussé dans ses derniers retranchements, pourrait adopter une stratégie d’attentats.
par Jocelyn Grange
Article publié le 19/05/2003