Cameroun
L’arbre qui gâche la forêt
Trois entreprises néerlandaises sont accusées d’exploiter illégalement les forêts camerounaises. Leurs activités occasionnent des dommages écologiques, pénalisent des paysans qui vivent des cultures vivrières et de rente et privent l’Etat des recettes fiscales. L’implication des hommes d’influence du régime, actifs dans ce secteur, couplée au caractère jugé non dissuasif des sanctions infligées aux entreprises coupables d’activité illégale, font craindre que le phénomène perdure.
De notre correspondant au Cameroun.
C’est un cri de cœur dans la forêt que vient de lancer le Centre pour l’environnement et le développement (CED). Cette organisation non-gouvernementale, basée à Yaoundé, publie les résultats d’une enquête sur l’exploitation illégale du bois; enquête menée du 10 au 15 mars 2003, en collaboration avec Greenpeace Pays-Bas et Forests Monitor (Royaume-Uni). Sur la sellette: trois entreprises néerlandaises. Selon ce rapport, «à partir d’une vente de coupe légalement attribuée, la société Wijma a illégalement étendu ses activités au-delà des limites reconnues par le ministère de l’Environnement et des Forêts. Les enquêtes ont révélé l’existence d’un réseau de pistes forestières illégales, de souches d’arbres, et de grumes abandonnées sur une superficie d’environ 1400 hectares». Les «illégalités» ainsi rapportées ont été enregistrées dans l’arrondissement d’Ambam, dans le Sud du pays.
Quant à la compagnie Reef, qui opère dans les départements du Meme et du Koupe Manegouba (province du Sud-Ouest), non seulement, elle «a exploité illégalement au-delà des limites de deux de ses ventes de coupe», mais encore, «les enquêtes ont révélé l’existence d’un réseau de pistes illégales s’étendant à plus de cinq kilomètres des limites de la vente de coupe». Troisième accusée: Cibec, une société camerounaise dirigée par un Néerlandais, en activité dans le département du Moungo (province du Littoral). Il lui est reproché de s’être «servi(e) de l’autorisation d’enlèvement de l’un de ses partenaires, pour organiser des opérations illégales à grande échelle dans les forêts camerounaises».
Autant d’actions qui ne sont pas allées sans conséquences. «Les opérations illégales des trois sociétés ont entraîné des dommages écologiques, économiques, sociaux et culturels graves. Elles ont détruit de larges portions de forêt tropicale au Cameroun, et ont privé le Cameroun des recettes fiscales qu’il était en droit d’attendre de l’exploitation légale des forêts. De plus, ces opérations illégales ont détruit les moyens de subsistance de nombreux paysans (cultures vivrières et de rente )», indique-t-on au Centre pour l’environnement et le développement. A titre d’exemple, l’ONG évalue à «environ un milliard de francs Cfa» la valeur du bois illégalement exploité, s’agissant de la seule entreprise Wijma.
Le clientélisme subsiste
Depuis la publication de ces informations, le gouvernement n’a pas encore officiellement réagi, alors même que les ONG ont demandé qu’il «procède à une évaluation officielle des dommages écologiques, sociaux et fiscaux causés par les opérations illégales des sociétés concernées». Pendant ce temps, des trois entreprises mises en cause, seul Reef, aurait d’ores et déjà, d’après nos informations, manifesté l’intention de réparer les dommages sociaux causés par son activité. Ce n’est pas la première fois que les problèmes de l’exploitation illégale des forêts défraie ainsi la chronique. En juillet 2002 déjà, l’entreprise Wijma avait déjà été épinglée par les mêmes Organisations non gouvernementales. L’affaire avait d’ailleurs fait grand bruit: tout en reconnaissant les griefs qui lui étaient adressés au sujet de l’exploitation illégale de la forêt, la compagnie s’était refusée à verser les compensations dues aux paysans. Elle s’était fondée sur une loi de 1981, jugée obsolète par le Ced.
Mais d’autres entreprises ont été régulièrement dénoncées, dont les plus en vue sont: le groupe Hazim et le groupe Rougier. Ce dernier a d’ailleurs été traîné devant les tribunaux français, par un groupe de paysans camerounais, qui demandent des compensations. Le Groupe des Amis de la Terre-France s’est par ailleurs constitué «partie civile» dans cette affaire déclenchée en 2002 et qui reste pendante devant la justice. Apparemment, le dossier de l’exploitation illégale des forêts n’est pas près d’être résolue. Il semble bien plus complexe qu’il n’en paraît. Le ministère de l’Environnement et des Forêts dit ne pas avoir des moyens humains, matériels et financiers. Ce qui n’est pas faux. Mais il demeure un problème de transparence dans le processus d’allocation et de suivi de l’exploitation des concessions forestières.
Ce problème, on croyait l’avoir résolu avec l’instauration des observateurs indépendants. Mais on observe que le clientélisme subsiste dans un secteur où opèrent des hommes d’influence. Deuxièmement: le gouvernement a commencé, suite aux pressions des bailleurs de fonds, à sanctionner les entreprises indélicates. «Outre qu’il est difficile d’aller vérifier si les sanctions prises frappent effectivement les sociétés incriminées, on observe qu’elles ne sont pas suffisamment dissuasives», explique Belmond Tchoumba, coordonnateur des programmes au Centre pour l’environnement et le développement. D’où peut-être l’appel lancé par les trois ONG en direction de la Commission de l’Union européenne qui s’apprête à publier son plan d’action pour lutter contre l’exploitation illégale des forêt, et des Etats africains qui préparent la conférence sur l’application de la loi sur la promotion et la gouvernance dans le secteur forestier.
C’est un cri de cœur dans la forêt que vient de lancer le Centre pour l’environnement et le développement (CED). Cette organisation non-gouvernementale, basée à Yaoundé, publie les résultats d’une enquête sur l’exploitation illégale du bois; enquête menée du 10 au 15 mars 2003, en collaboration avec Greenpeace Pays-Bas et Forests Monitor (Royaume-Uni). Sur la sellette: trois entreprises néerlandaises. Selon ce rapport, «à partir d’une vente de coupe légalement attribuée, la société Wijma a illégalement étendu ses activités au-delà des limites reconnues par le ministère de l’Environnement et des Forêts. Les enquêtes ont révélé l’existence d’un réseau de pistes forestières illégales, de souches d’arbres, et de grumes abandonnées sur une superficie d’environ 1400 hectares». Les «illégalités» ainsi rapportées ont été enregistrées dans l’arrondissement d’Ambam, dans le Sud du pays.
Quant à la compagnie Reef, qui opère dans les départements du Meme et du Koupe Manegouba (province du Sud-Ouest), non seulement, elle «a exploité illégalement au-delà des limites de deux de ses ventes de coupe», mais encore, «les enquêtes ont révélé l’existence d’un réseau de pistes illégales s’étendant à plus de cinq kilomètres des limites de la vente de coupe». Troisième accusée: Cibec, une société camerounaise dirigée par un Néerlandais, en activité dans le département du Moungo (province du Littoral). Il lui est reproché de s’être «servi(e) de l’autorisation d’enlèvement de l’un de ses partenaires, pour organiser des opérations illégales à grande échelle dans les forêts camerounaises».
Autant d’actions qui ne sont pas allées sans conséquences. «Les opérations illégales des trois sociétés ont entraîné des dommages écologiques, économiques, sociaux et culturels graves. Elles ont détruit de larges portions de forêt tropicale au Cameroun, et ont privé le Cameroun des recettes fiscales qu’il était en droit d’attendre de l’exploitation légale des forêts. De plus, ces opérations illégales ont détruit les moyens de subsistance de nombreux paysans (cultures vivrières et de rente )», indique-t-on au Centre pour l’environnement et le développement. A titre d’exemple, l’ONG évalue à «environ un milliard de francs Cfa» la valeur du bois illégalement exploité, s’agissant de la seule entreprise Wijma.
Le clientélisme subsiste
Depuis la publication de ces informations, le gouvernement n’a pas encore officiellement réagi, alors même que les ONG ont demandé qu’il «procède à une évaluation officielle des dommages écologiques, sociaux et fiscaux causés par les opérations illégales des sociétés concernées». Pendant ce temps, des trois entreprises mises en cause, seul Reef, aurait d’ores et déjà, d’après nos informations, manifesté l’intention de réparer les dommages sociaux causés par son activité. Ce n’est pas la première fois que les problèmes de l’exploitation illégale des forêts défraie ainsi la chronique. En juillet 2002 déjà, l’entreprise Wijma avait déjà été épinglée par les mêmes Organisations non gouvernementales. L’affaire avait d’ailleurs fait grand bruit: tout en reconnaissant les griefs qui lui étaient adressés au sujet de l’exploitation illégale de la forêt, la compagnie s’était refusée à verser les compensations dues aux paysans. Elle s’était fondée sur une loi de 1981, jugée obsolète par le Ced.
Mais d’autres entreprises ont été régulièrement dénoncées, dont les plus en vue sont: le groupe Hazim et le groupe Rougier. Ce dernier a d’ailleurs été traîné devant les tribunaux français, par un groupe de paysans camerounais, qui demandent des compensations. Le Groupe des Amis de la Terre-France s’est par ailleurs constitué «partie civile» dans cette affaire déclenchée en 2002 et qui reste pendante devant la justice. Apparemment, le dossier de l’exploitation illégale des forêts n’est pas près d’être résolue. Il semble bien plus complexe qu’il n’en paraît. Le ministère de l’Environnement et des Forêts dit ne pas avoir des moyens humains, matériels et financiers. Ce qui n’est pas faux. Mais il demeure un problème de transparence dans le processus d’allocation et de suivi de l’exploitation des concessions forestières.
Ce problème, on croyait l’avoir résolu avec l’instauration des observateurs indépendants. Mais on observe que le clientélisme subsiste dans un secteur où opèrent des hommes d’influence. Deuxièmement: le gouvernement a commencé, suite aux pressions des bailleurs de fonds, à sanctionner les entreprises indélicates. «Outre qu’il est difficile d’aller vérifier si les sanctions prises frappent effectivement les sociétés incriminées, on observe qu’elles ne sont pas suffisamment dissuasives», explique Belmond Tchoumba, coordonnateur des programmes au Centre pour l’environnement et le développement. D’où peut-être l’appel lancé par les trois ONG en direction de la Commission de l’Union européenne qui s’apprête à publier son plan d’action pour lutter contre l’exploitation illégale des forêt, et des Etats africains qui préparent la conférence sur l’application de la loi sur la promotion et la gouvernance dans le secteur forestier.
par Valentin Zinga
Article publié le 27/05/2003