Madagascar
Madagascar: affaires de kidnappings
A Madagascar, c’est l’inquiétude au sein de la communauté d’origine indo-pakistanaise. Ces dernières semaines, plusieurs membres de cette communauté ont été victimes de kidnappings. Les forces de l’ordre viennent d’arrêter plusieurs suspects, mais cela ne suffit peut être pas pour apaiser les esprits.
De notre correspondant à Madagascar
On l’appellera Hassan, nom d’emprunt pour respecter l’anonymat. Agé d’une vingtaine d’années, il s’est fait coincer un soir en pleine rue, dans la ville portuaire de Toamasina (ex-Tamatave, sur la côte est). Le rapt, mené par une poignée d’individus armés, a mal tourné. Le père d’Hassan, qui l’accompagnait, s’est fait tuer. Pistolets sur la tempe, Hassan a été emmené dans une planque des kidnappeurs. Les négociations entre ses ravisseurs et sa famille ont duré plusieurs jours. La rançon initiale s’élevait à 1,5 milliard de francs malgaches (plus de 200 000 euros). Les tractations se font par téléphones portables. La libération d’Hassan est digne d’un feuilleton télévisé, avec voitures de location, lieux de rendez-vous anonymes, armes sophistiquées, lunettes noires. La police a été tenue à l’écart de cette affaire de kidnapping. La famille a dû payer près de 40 000 euros pour que Hassan soit relâché.
Hassan fait partie de ce qu’on appelle ici la communauté karana. Ces personnes d’origine indo-pakistanaise n’ont généralement pas la nationalité malgache, bien que résidant sur la Grande Ile depuis parfois plusieurs générations. Madagascar compte environ 15 000 karanas, partagés en divers courants religieux musulmans: khojas, bohras, ismaéliens… Leur réussite économique, dans le commerce, dans l’import-export…, suscite régulièrement la jalousie chez certains Malgaches. «Une jalousie teintée aujourd’hui de racisme», déplore une femme française d’origine indo-pakistanaise. Le motif des kidnappings ? «Naturellement, des questions d’argent», explique un observateur étranger. Les rançons exigées par les ravisseurs s’élèvent souvent à plusieurs dizaines voire centaines de milliers d’euros. Rien à voir donc avec la petite délinquance, cela ressemble au moins à du grand banditisme.
«Cinéma» ?
Madagascar a connu ces dernières semaines, une recrudescence de ces kidnappings, six en l’espace de deux mois, avec parfois des meurtres. Et les enfants sont maintenant victimes de ces agressions. Le dernier enlèvement concernait un enfant de quatre ans. «On se sent complètement démunis», s’inquiète un père de famille, qui avance le terme de «mafia» pour qualifier les réseaux d’agresseurs. Du côté des forces de sécurité, on confirme qu’il s’agit bien de réseaux organisés, utilisant des armes qui circulent dans la nature notamment depuis la crise politique de 2002. Récemment, la police et la gendarmerie ont réussi à démanteler une partie d’un réseau, en précédant à une dizaine d’arrestations, à la fois dans la capitale et à Toamasina. «C’est un grand coup porté aux réseaux, commente le chef du service central de la police judiciaire, le commissaire Césaire Rasamoelina. Cela devrait temporairement arrêter la vague de kidnappings». Et il reprend à son compte les propos un peu troublants du secrétaire d’Etat chargé de la Sécurité publique. Le général Augustin Amady avait en effet évoqué un possible «cinéma au sein de la communauté karana». Cette thèse repose sur le fait qu’il existerait une concurrence économique et financière féroce entre certaines familles d’origine indo-pakistanaise. Et que les kidnappings relèveraient davantage de règlements de compte machiavéliques entre membres de la communauté. Et de faire remarquer que les karanas ne veulent que très rarement coopérer avec les forces de l’ordre, dans ces affaires de kidnappings. «Cela serait bien trop réducteur, comme argument!», explique un proche d’une victime. Autre argument avancé pour justifier le soupçon de «cinéma»: tous ces kidnappings seraient orchestrés pour propager un climat d’insécurité, qui viserait à empêcher l’arrivée à Madagascar de nouveaux investisseurs étrangers. Une source politique, proche de la présidence de la République, va même jusqu’à parler d’«actions de déstabilisation par rapport au nouveau régime».
Ces interprétations des faits, ces soupçons de «cinéma», suscitent l’indignation des membres de la communauté d’origine indo-pakistanaise. «On en a marre, s’exclame cette jeune femme. Il me semble quand même que dans cette histoire, on est des victimes!» Et de pointer du doigt les forces de l’ordre. «On dirait que les kidnappeurs profitent de complicités ou de couvertures au sein même de l’administration», poursuit un proche des victimes. Et de conclure: «Les commanditaires ne sont jamais inquiétés lors des enquêtes. Ce sont des personnes visiblement intouchables».
Evoquer une possible corruption dans l’administration n’est, en soi, pas nouveau. Mais cela fait réagir les enquêteurs en charge des dossiers de kidnappings. Ils démentent formellement l’existence de «ripoux» dans leur rangs. Une chose est sûre, ces soupçons mutuels ne sont guère de nature a apaiser les tensions. En tout cas, si cette vague de kidnappings ne cesse pas, certains karanas se disent prêts à quitter Madagascar.
On l’appellera Hassan, nom d’emprunt pour respecter l’anonymat. Agé d’une vingtaine d’années, il s’est fait coincer un soir en pleine rue, dans la ville portuaire de Toamasina (ex-Tamatave, sur la côte est). Le rapt, mené par une poignée d’individus armés, a mal tourné. Le père d’Hassan, qui l’accompagnait, s’est fait tuer. Pistolets sur la tempe, Hassan a été emmené dans une planque des kidnappeurs. Les négociations entre ses ravisseurs et sa famille ont duré plusieurs jours. La rançon initiale s’élevait à 1,5 milliard de francs malgaches (plus de 200 000 euros). Les tractations se font par téléphones portables. La libération d’Hassan est digne d’un feuilleton télévisé, avec voitures de location, lieux de rendez-vous anonymes, armes sophistiquées, lunettes noires. La police a été tenue à l’écart de cette affaire de kidnapping. La famille a dû payer près de 40 000 euros pour que Hassan soit relâché.
Hassan fait partie de ce qu’on appelle ici la communauté karana. Ces personnes d’origine indo-pakistanaise n’ont généralement pas la nationalité malgache, bien que résidant sur la Grande Ile depuis parfois plusieurs générations. Madagascar compte environ 15 000 karanas, partagés en divers courants religieux musulmans: khojas, bohras, ismaéliens… Leur réussite économique, dans le commerce, dans l’import-export…, suscite régulièrement la jalousie chez certains Malgaches. «Une jalousie teintée aujourd’hui de racisme», déplore une femme française d’origine indo-pakistanaise. Le motif des kidnappings ? «Naturellement, des questions d’argent», explique un observateur étranger. Les rançons exigées par les ravisseurs s’élèvent souvent à plusieurs dizaines voire centaines de milliers d’euros. Rien à voir donc avec la petite délinquance, cela ressemble au moins à du grand banditisme.
«Cinéma» ?
Madagascar a connu ces dernières semaines, une recrudescence de ces kidnappings, six en l’espace de deux mois, avec parfois des meurtres. Et les enfants sont maintenant victimes de ces agressions. Le dernier enlèvement concernait un enfant de quatre ans. «On se sent complètement démunis», s’inquiète un père de famille, qui avance le terme de «mafia» pour qualifier les réseaux d’agresseurs. Du côté des forces de sécurité, on confirme qu’il s’agit bien de réseaux organisés, utilisant des armes qui circulent dans la nature notamment depuis la crise politique de 2002. Récemment, la police et la gendarmerie ont réussi à démanteler une partie d’un réseau, en précédant à une dizaine d’arrestations, à la fois dans la capitale et à Toamasina. «C’est un grand coup porté aux réseaux, commente le chef du service central de la police judiciaire, le commissaire Césaire Rasamoelina. Cela devrait temporairement arrêter la vague de kidnappings». Et il reprend à son compte les propos un peu troublants du secrétaire d’Etat chargé de la Sécurité publique. Le général Augustin Amady avait en effet évoqué un possible «cinéma au sein de la communauté karana». Cette thèse repose sur le fait qu’il existerait une concurrence économique et financière féroce entre certaines familles d’origine indo-pakistanaise. Et que les kidnappings relèveraient davantage de règlements de compte machiavéliques entre membres de la communauté. Et de faire remarquer que les karanas ne veulent que très rarement coopérer avec les forces de l’ordre, dans ces affaires de kidnappings. «Cela serait bien trop réducteur, comme argument!», explique un proche d’une victime. Autre argument avancé pour justifier le soupçon de «cinéma»: tous ces kidnappings seraient orchestrés pour propager un climat d’insécurité, qui viserait à empêcher l’arrivée à Madagascar de nouveaux investisseurs étrangers. Une source politique, proche de la présidence de la République, va même jusqu’à parler d’«actions de déstabilisation par rapport au nouveau régime».
Ces interprétations des faits, ces soupçons de «cinéma», suscitent l’indignation des membres de la communauté d’origine indo-pakistanaise. «On en a marre, s’exclame cette jeune femme. Il me semble quand même que dans cette histoire, on est des victimes!» Et de pointer du doigt les forces de l’ordre. «On dirait que les kidnappeurs profitent de complicités ou de couvertures au sein même de l’administration», poursuit un proche des victimes. Et de conclure: «Les commanditaires ne sont jamais inquiétés lors des enquêtes. Ce sont des personnes visiblement intouchables».
Evoquer une possible corruption dans l’administration n’est, en soi, pas nouveau. Mais cela fait réagir les enquêteurs en charge des dossiers de kidnappings. Ils démentent formellement l’existence de «ripoux» dans leur rangs. Une chose est sûre, ces soupçons mutuels ne sont guère de nature a apaiser les tensions. En tout cas, si cette vague de kidnappings ne cesse pas, certains karanas se disent prêts à quitter Madagascar.
par Olivier Péguy
Article publié le 21/05/2003