Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

Sierra Leone

Sam Bockarie: incertitude sur un cadavre

Sam Bockarie le chef rebelle du RUF (Front uni révolutionnaire), serait mort le 6 mai à la frontière ivoiro-libérienne, lors d’un accrochage entre ses troupes et une patrouille de l’armée régulière du Liberia. Il était devenu encombrant pour son ancien protecteur Charles Taylor et ses amis rebelles de l’ouest de la Côte-d’Ivoire.
Sam Bockarie était devenu ces dernières années l’homme à abattre, dans une région déstabilisée par toutes sortes de rébellions, entre la Guinée, la Sierra Leone, le Liberia et la Côte-d’Ivoire. Lâché par les siens le rebelle sierra-leonais serait finalement tombé sous les balles de ses anciens amis libériens. Aperçu à la frontière ivoirienne, de retour de Bin-Houyé et faisant route vers le Liberia, son escorte et lui ont été pris pour cibles par les soldats libériens. Grièvement blessé, selon des sources militaires, Sam Bockarie serait décédé des suites de ses blessures. Son corps est immédiatement transporté à la morgue de Monrovia et visité par les autorités et les journalistes de la capitale libérienne. Pour les uns «ce corps est bien celui de Sam Bockarie», pour les autres «ce corps est bien trop rondouillard» alors que Sam Bockarie est justement surnommé Mosquito pour sa corpulence sèche. Les avis sont partagés. C’est pourquoi le gouvernement libérien a ordonné une autopsie avant que le corps ne soit rapatrié à Freetown, en Sierra Leone.

Né en 1963 en Sierra Leone, Sam Bockarie n’a pas fait d’étude. Déscolarisé très tôt, faute de moyens des parents, précise-t-il, il a vécu de petits métiers entre Abidjan et Freetown, entre discothèques et salons de coiffure. En 1991, il s’engage dans le RUF créé par Foday Sankoh. Très rapidement il s’illustre comme un habile chef militaire et gagne la confiance de Foday Sankoh. Son surnom de Mosquito lui vient aussi de sa faculté à faire mal et à disparaître aussi vite dans la jungle. En 1997 il prend même la tête du RUF, après l’arrestation de Foday Sankoh. Depuis lors il s’est illustré par des actions impitoyables et d’une rare barbarie. Il avait monté et conduit une grande offensive contre Freetown «pour libérer Foday Sankoh» en 1999. Cette opération «no living thing» (plus rien de vivant), a fait 6 000 morts. Mais il se brouille avec le leader historique du mouvement qui a signé en 1999 un accord de partage du pouvoir avec le président Ahmad Tejan Kabbah. Sam Bockarie prend ses distances et ouvre une autre page sanglante de la rébellion : l’amputation des membres supérieurs des populations civiles. Les rebelles disent ainsi «empêcher ces populations de voter» au terme du processus de paix signé par Foday Sankoh.

«Nous devons tous être prudents»

Désavoué et remplacé à son poste de numéro deux de la rébellion, «Mosquito» trouve refuge auprès de Charles Taylor à Monrovia. Mais alertée par la gravité des faits reprochés à Sam Bockarie, la communauté internationale menace de sanctions le président du Liberia qui se trouve contraint de rompre publiquement avec le chef rebelle. Devant le Conseil de sécurité des Nations unies, le 5 juillet 2001, Lami Kawah, l’ambassadeur libérien auprès de l’ONU, annonce «qu’en application de sa politique de désengagement, le gouvernement libérien à rompu tout lien avec le Front uni révolutionnaire. Cette politique de désengagement a été adoptée le 12 janvier 2001», précise-t-il. Mais selon plusieurs ONG, dont «International crisis group», Charles Taylor utiliserait les services du rebelle Sam Bockarie pour «des missions de déstabilisation» dans la région. Le dernier rapport de International crisis group, du 30 avril cite aussi des témoins qui affirment que Sam Bockarie combat, avec ses troupes, aux côtés des rebelles ivoiriens contre le régime du président Laurent Gbagbo, depuis novembre 2002.

Mais les rebelles ivoiriens accusent très vite leurs alliés et son chef, Sam Bockarie, de terroriser et de piller les populations civiles. Le divorce est consommé et le MPIGO se donne pour mission de repousser ses anciens alliés. Selon l’état-major des rebelles ivoiriens à Bouaké, c’est lors de l’une de ces opérations que le chef des opérations militaires du MPIGO, Félix Doh aurait été tué. C’est à la frontière entre la Côte d’Ivoire et le Liberia, dans un petit village nommé Nimba que Sam Bockarie aurait finalement élu domicile.

Le Tribunal spécial pour les crimes de guerre en Sierra Leone, qui recherche Sam Bockarie, n’exclut pas d’avoir recours à des tests ADN pour certifier de manière irréfutable sa mort. Elle signifie «que la paix est durablement installée dans le pays, mais nous devons tous être prudents jusqu’à ce que le corps soit formellement identifié», déclarent les opposants sierra-leonais. Mais Johnny Paul Koroma un autre chef rebelle est toujours en fuite et le seul aux mains des autorités et du tribunal spécial pour les crimes de guerre en Sierra Leone, est le chef historique du RUF, Foday Sankoh.



par Didier  Samson

Article publié le 07/05/2003