Cuba
Le régime castriste perd des fidèles
La vague de répression qui vient de s’abattre sur la dissidence cubaine a amené certains des plus fervents défenseurs du régime de Fidel Castro à prendre leurs distances. Et l’île pourrait désormais faire l’objet d’une série de sanctions internationales.
La manifestation du 1er mai revêtait cette année une importance particulière pour le régime de Fidel Castro. La Centrale des travailleurs de Cuba avait annoncé son intention d’organiser le plus grand rassemblement de l’Histoire de l’île sur la place de la Révolution à la Havane, prévoyant la participation de 60% de la population de l’île, soit environ 7 millions de personnes. Avec pour tous, un seul et même slogan: «pour la défense de la patrie, la révolution et le socialisme». Une manifestation visant à démontrer que le peuple reste solidaire de Fidel Castro au moment où son régime fait l’objet d’un tollé international dû à une vague de répression sans précédent. Soixante-quinze militants des droits de l’homme et journaliste arrêtés à la mi-mars ont été condamnés début avril à de très lourdes sanctions allant de douze à vingt-sept années de prison pour «conspiration» et «atteinte à la souveraineté nationale» au terme d’une trentaine de procès expéditifs. Quatre jours plus tard, trois Cubains qui avaient tenté de se rendre aux Etats-Unis en détournant un bateau étaient accusés de «graves délits de terrorisme» et fusillés.
Ces trois exécutions ont mis fin à un moratoire de trois ans pendant laquelle la peine de mort n’avait plus été appliquée sur l‘île. La décision de La Havane de reprendre les exécutions capitales a été le déclencheur d’une campagne de protestation sans précédent contre le régime castriste. Il avait certes été largement décrié par le passé pour d’autres vagues de répression, notamment celle de 1989 lorsque le général Arnaldo Ochoa, héros de la révolution et de la guerre d’Angola, avait été fusillé en compagnie de deux autres militaires, le commandant Amado Padron et le capitaine Jorge Martinez, tous trois ayant officiellement été arrêtés pour «trafic de drogue». Mais la condamnation du régime de Castro va cette fois bien au-delà de la simple réprobation puisque certains compagnons de route de la révolution cubaine ont cette fois décidé de prendre nettement leurs distances.
Cela a ainsi été le cas de l’écrivain portugais José Saramago, prix Nobel de Littérature en 1998. Cet homme, qui se décrit comme un «communiste hormonal», était l’un des principaux soutiens du régime castriste dans la communauté intellectuelle internationale. Le 14 avril, il choisissait de publier une lettre ouverte dans le quotidien espagnol El Pais pour expliquer que les trois exécutions l’amenaient à couper les ponts avec le régime de Fidel Castro. «Cuba n’a gagné aucune bataille héroïque en fusillant ces trois hommes mais a perdu ma confiance, a ruiné mes espoirs», a notamment écrit José Saramago. Plusieurs intellectuels et artistes connus pour leur engagement à gauche ont adopté une attitude similaire en condamnant sévèrement le choix de la Havane, à l’instar de l’écrivain mexicain Carlos Fuentes, du réalisateur espagnol Pedro Almodovar ou du chanteur Joan Manuel Serrat. Un autre Prix Nobel de Littérature, le Colombien Gabriel Garcia Marquez, a, pour sa part, refusé de condamner Fidel Castro, dont il est extrêmement proche depuis quarante ans. Mais il a tout de même rappelé son opposition absolue à la peine de mort.
La fin de la bienveillance
Cette nouvelle vague de répression avait un objectif très clair, celui d’éradiquer l’embryon de société civile qui se développait sur place. L’opposition cubaine présente sur l’île s’était regroupée autour du projet Varela, une «campagne citoyenne» réclamant des changements démocratiques par la voie constitutionnelle. A l’origine de cette initiative se trouve le dissident cubain Oswaldo Paya, leader du Mouvement chrétien de Libération. Ce projet signé par plus de 11 000 personnes avait une valeur d’initiative de loi citoyenne. Son dépôt était intervenu en mai 2002, au moment où Cuba recevait un hôte de marque, l’ancien président américain Jimmy Carter. La timide politique d’ouverture initiée début 1998 avec la visite du Pape Jean-Paul II semblait alors donner ses premiers fruits. Mais le lider maximo a prouvé qu’il ne tolérerait aucune remise en cause de son régime, tout d’abord en organisant un plébiscite qu’il a très largement remporté, puis en demandant l’arrestation des principaux instigateurs du projet Varela.
Agé de 76 ans, Fidel Castro semble avoir ressenti la nécessité de frapper un grand coup afin de préserver un pouvoir qu’il sent de plus en plus menacé. Le danger ne vient pas pour lui uniquement de l’intérieur. Depuis quelques mois, les Etats-Unis durcissent le ton à l’égard de la Havane, envisageant notamment de suspendre les vols directs entre les deux pays ou de suspendre l’octroi de 20 000 visas américains par an. Cuba fait partie des pays que Washington soupçonne de détenir des armes biologiques. Et la récente chute du dictateur irakien Saddam Hussein ne peut qu’inspirer de nombreuses craintes à Fidel Castro qui sait bien que le président américain George Bush tirerait un immense profit électoral du renversement d’un régime qui défie les Etats-Unis depuis plus de quarante ans.
Les opposants à Fidel Castro se réjouissent désormais de voir qu’une grande partie de la communauté internationale ne soutient plus aveuglément le régime de Cuba. Cette dictature de gauche bénéficiait jusque-là d’une certaine compréhension en raison de la dureté des sanctions économiques et politiques dont elle est victime. Une attitude bienveillante qui semble avoir disparu avec le retour de la peine de mort dans l’île et la décapitation de la dissidence. L’Union européenne a ainsi annoncé mercredi qu’elle suspendait jusqu’à nouvel ordre l’examen de l’adhésion de Cuba à l’accord de Cotonou, un texte qui régit la coopération entre l’UE et les pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique. La Havane avait officiellement demandé à faire partie de ces accords en janvier dernier. Et le régime castriste pourrait désormais faire face à de nouvelles sanctions internationales qui contribueront, sans nul doute, à l’isoler encore plus sur le plan international.
Ces trois exécutions ont mis fin à un moratoire de trois ans pendant laquelle la peine de mort n’avait plus été appliquée sur l‘île. La décision de La Havane de reprendre les exécutions capitales a été le déclencheur d’une campagne de protestation sans précédent contre le régime castriste. Il avait certes été largement décrié par le passé pour d’autres vagues de répression, notamment celle de 1989 lorsque le général Arnaldo Ochoa, héros de la révolution et de la guerre d’Angola, avait été fusillé en compagnie de deux autres militaires, le commandant Amado Padron et le capitaine Jorge Martinez, tous trois ayant officiellement été arrêtés pour «trafic de drogue». Mais la condamnation du régime de Castro va cette fois bien au-delà de la simple réprobation puisque certains compagnons de route de la révolution cubaine ont cette fois décidé de prendre nettement leurs distances.
Cela a ainsi été le cas de l’écrivain portugais José Saramago, prix Nobel de Littérature en 1998. Cet homme, qui se décrit comme un «communiste hormonal», était l’un des principaux soutiens du régime castriste dans la communauté intellectuelle internationale. Le 14 avril, il choisissait de publier une lettre ouverte dans le quotidien espagnol El Pais pour expliquer que les trois exécutions l’amenaient à couper les ponts avec le régime de Fidel Castro. «Cuba n’a gagné aucune bataille héroïque en fusillant ces trois hommes mais a perdu ma confiance, a ruiné mes espoirs», a notamment écrit José Saramago. Plusieurs intellectuels et artistes connus pour leur engagement à gauche ont adopté une attitude similaire en condamnant sévèrement le choix de la Havane, à l’instar de l’écrivain mexicain Carlos Fuentes, du réalisateur espagnol Pedro Almodovar ou du chanteur Joan Manuel Serrat. Un autre Prix Nobel de Littérature, le Colombien Gabriel Garcia Marquez, a, pour sa part, refusé de condamner Fidel Castro, dont il est extrêmement proche depuis quarante ans. Mais il a tout de même rappelé son opposition absolue à la peine de mort.
La fin de la bienveillance
Cette nouvelle vague de répression avait un objectif très clair, celui d’éradiquer l’embryon de société civile qui se développait sur place. L’opposition cubaine présente sur l’île s’était regroupée autour du projet Varela, une «campagne citoyenne» réclamant des changements démocratiques par la voie constitutionnelle. A l’origine de cette initiative se trouve le dissident cubain Oswaldo Paya, leader du Mouvement chrétien de Libération. Ce projet signé par plus de 11 000 personnes avait une valeur d’initiative de loi citoyenne. Son dépôt était intervenu en mai 2002, au moment où Cuba recevait un hôte de marque, l’ancien président américain Jimmy Carter. La timide politique d’ouverture initiée début 1998 avec la visite du Pape Jean-Paul II semblait alors donner ses premiers fruits. Mais le lider maximo a prouvé qu’il ne tolérerait aucune remise en cause de son régime, tout d’abord en organisant un plébiscite qu’il a très largement remporté, puis en demandant l’arrestation des principaux instigateurs du projet Varela.
Agé de 76 ans, Fidel Castro semble avoir ressenti la nécessité de frapper un grand coup afin de préserver un pouvoir qu’il sent de plus en plus menacé. Le danger ne vient pas pour lui uniquement de l’intérieur. Depuis quelques mois, les Etats-Unis durcissent le ton à l’égard de la Havane, envisageant notamment de suspendre les vols directs entre les deux pays ou de suspendre l’octroi de 20 000 visas américains par an. Cuba fait partie des pays que Washington soupçonne de détenir des armes biologiques. Et la récente chute du dictateur irakien Saddam Hussein ne peut qu’inspirer de nombreuses craintes à Fidel Castro qui sait bien que le président américain George Bush tirerait un immense profit électoral du renversement d’un régime qui défie les Etats-Unis depuis plus de quarante ans.
Les opposants à Fidel Castro se réjouissent désormais de voir qu’une grande partie de la communauté internationale ne soutient plus aveuglément le régime de Cuba. Cette dictature de gauche bénéficiait jusque-là d’une certaine compréhension en raison de la dureté des sanctions économiques et politiques dont elle est victime. Une attitude bienveillante qui semble avoir disparu avec le retour de la peine de mort dans l’île et la décapitation de la dissidence. L’Union européenne a ainsi annoncé mercredi qu’elle suspendait jusqu’à nouvel ordre l’examen de l’adhésion de Cuba à l’accord de Cotonou, un texte qui régit la coopération entre l’UE et les pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique. La Havane avait officiellement demandé à faire partie de ces accords en janvier dernier. Et le régime castriste pourrait désormais faire face à de nouvelles sanctions internationales qui contribueront, sans nul doute, à l’isoler encore plus sur le plan international.
par Olivier Bras
Article publié le 01/05/2003