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Burkina Faso

Le marché de Ouagadougou en fumée

Le marché central de Ouagadougou, le plus important du pays, a été en partie ravagé par un gigantesque incendie mardi 27 mai. Confrontés à la pénurie d’eau qui sévit dans la capitale burkinabè depuis près de trois mois, les sapeurs-pompiers ont mis près de huit heures avant de circonscrire le feu. Mais il était déjà assez tard pour de nombreux commerçants qui ont regardé impuissants leurs boutiques partir en fumée.
De notre correspondant au Burkina Faso.

Ce mercredi matin des milliers de commerçants, jeunes pour la plupart, se sont retrouvés autour du marché central où la police a érigé des barricades pour empêcher tout accès. Certains sont venus pour voir si leur boutique a été épargnée par les flammes ou s’il en reste quelques articles. Mais beaucoup d’autres ne se font pas d’illusions. Ils savent déjà qu’ils ont tout perdu. Alors que les sapeurs-pompiers se débattaient avec le feu, nombre d’entre eux ont tenté de sauver des flammes ce qu’ils pouvaient. Mais le feu s’est si vite propagé que plusieurs compartiments du marché ont été entièrement ravagés.

Pendant plusieurs heures, les alentours du marché donnaient l’air d’un «onze septembre» à l’échelle burkinabè. C’était la panique, le désordre, la frayeur… Les occupants du marché couraient dans tous les sens qui pour sauver leurs marchandises qui pour retrouver les siens. Les riverains du marché ont vite baissé rideaux pour se réfugier plus loin. Les forces de sécurité tentaient de mettre de l’ordre pour permettre aux sapeurs-pompiers de travailler tranquillement. Mais ces derniers peu nombreux et sous-équipés, malgré les renforts de leurs collègues de l’aéroport de Ouagadougou et de la Société nationale des hydrocarbures, ont eu du mal à circonscrire le feu. En fait, quelques temps seulement après leur arrivée sur les lieux, les soldats du feu se retrouvés sans eau. Leurs camions se sont vite vidés et les bouches d’incendie ne contenaient pas d’eau.

Huit heures pour maîtriser l’incendie

Une situation qui s’explique par les délestages d’eau que connaît Ouagadougou depuis trois mois. Selon un responsable de l’Office national de l’eau et de l’assainissement (ONEA), l’eau a été tout de suite coupée dans tous les quartiers de la ville pour être dirigée vers le secteur du marché central. Mais compte tenu de la pénurie, la pression restait faible. Il a donc fallu recourir à des camions citernes privés obligés de se ravitailler dans des barrages situés à une trentaine de kilomètres de Ouagadougou. Même avec l’eau, il a fallu du temps aux camions citernes pour pénétrer dans les zones d’incendie. Les allées du marché étant obstruées par des boutiques et étals installées de façon anarchique, les sapeurs-pompiers aidés par les forces de l’ordre et les soldats ont dû d’abord dégager des voies de passage à l’intérieur du marché. Pour tout cela donc, il a fallu près de huit heures avant de maîtriser l’incendie.

En attendant le bilan de cet incendie, dont on imagine que les dégâts se chiffreront en centaines de millions voire en milliards de francs CFA, on se pose des questions sur l’origine du feu. Un communiqué de la présidence du Faso indique que le chef de l’Etat Blaise Compaoré a ordonné une enquête pour situer les responsabilités. Selon les premiers témoignages, le feu a été provoqué par un groupe électrogène mis en marche à l’intérieur du marché par un commerçant pour alimenter sa boutique. Ce qui fait dire à un représentant des commerçants que la responsabilité de cet incendie revient aux occupants du marché. «On a tenté en vain de mettre de l’ordre. Avec le maire, on a tenu plusieurs réunions avec les commerçants pour les sensibiliser. Mais à chaque fois, ils refusent de suivre», souligne Adama Tiendrébéogo. Le maire de Ouagadougou Simon Compaoré indexent également les commerçants. «Toutes les fois qu’on est venu avec la Chambre de commerce et les pompiers pour dégager les allées, le lendemain tout est réinstallé. A tel point que les compagnies assurances ont refusé d’assurer le marché», martèle-t-il.

La presse burkinabè refuse d’accepter ces explications. Elle dénonce le manque de fermeté des autorités communales. Elles ont toujours voulu caresser dans le sens du poil les commerçants qui sont des électeurs pour elles, écrit en substance L’Observateur. Le pays enfonce le clou. «D’aucuns accusent le maire de complicité avec des commerçants hors-la-loi qui constitueraient une masse électorale [qu’il] ménage toujours». «Mettez-vous à notre place. Q’aurions nous pu faire encore ? Demander à l’Etat de nous envoyer l’armée… ? Vous allez ramasser des cadavres», renchérit Simon Compaoré.



par Alpha  Barry

Article publié le 28/05/2003