Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

Venezuela

Un accord pour en finir avec la crise politique

Des référendums pour éventuellement révoquer les mandats des élus, y compris celui du président Hugo Chavez, seront réalisés probablement vers la fin de l’année. Mais le vrai défi reste d’éviter la violence politique.
De notre correspondant à Caracas.

Après plus de six mois de négociations, finalement l’opposition et le gouvernement de Hugo Chavez ont trouvé un terrain d’entente sur une issue électorale à la crise politique vénézuélienne. La tenue de référéndums de mi-mandat, y compris pour le chef de l’État, aura lieu probablement vers la fin de l’année. Les négociations ont eu lieu sous l’égide de l’Organisation des États américains (OEA), le Programme des Nations unies pour le développement et le Centre Carter. D’ailleurs le médiateur, le secrétaire général de l’OEA César Gaviria, a avoué que jusqu’aux dernières heures il a dû rencontrer les plus sceptiques dans le camp de l’opposition pour les convaincre que «c’est le meilleur accord possible. En tout cas pour la communauté internationale, c’est la solution démocratique, pacifique et constitutionnelle que l’on cherchait».

Certains avaient laissé planer des doutes sur leur volonté de signer l’accord, notamment le patronat qui a annoncé le matin même son feu vert du bout de lèvres mais a critiqué le manque de précisions quant aux dates et échéances. L’accord comprend 19 articles, dont le plus important explique que les deux parties sont d’accord pour réaliser des référendums révocatoires, tel qu’il est prévu dans la Constitution de 1999. Cette innovation prévoit la possibilité de révoquer tous les élus par référendum après la mi-mandat. En plus de cela, le document souligne la nécessité de compromis entre le gouvernement et l’opposition dans un esprit de tolérance, et appelle à faire des efforts pour désarmer les civils afin d’éviter la violence politique.

Le président Chavez s’est empressé de féliciter les négociateurs dans une déclaration au pays immédiatement après la conférence de presse de M. Gaviria. «Il n’y a eu ni vainqueurs ni vaincus. Ce n’est pas le gouvernement qui va dire qu’il a gagné avec cet accord, nous espérons que l'opposition ne le fera pas non plus. C’est le pays qui est vainqueur, c’est la tolérance», a dit Chavez. Mais il est clair que c’est le gouvernement qui a gagné le bras de fer. La grève de deux mois, de décembre a janvier, organisée par le patronat et soutenue par l’opposition politique un mois après le début des négociations, exigeait le départ de Chavez. A la fin de la grève ils espéraient réussir la tenue d’un référendum consultatif, sans valeur obligatoire, mais qui aurait été lourd de conséquences politiques. Certains proposaient un amendement à la constitution pour permettre des élections anticipées, une possibilité finalement retenue par l'ancien président américain Jimmy Carter venu personnellement soutenir les négociations. Finalement c’est la proposition que le gouvernement a maintenu dès le début qui s’est imposé : le référendum révocatoire, dans le respect des règles établies par la constitution. Cette position évite de donner dès maintenant une date precise au référendum présidentiel, puisque l’Assemblée nationale doit encore désigner les membres du Conseil électoral et c’est cette institution qui devra décider et organiser les éventuelles consultations.

«Ici, les gens utilisent un langage très violent»

Certes, après l’échec de la grève, Chavez est sorti renforcé : démontrant une maîtrise totale sur les Forces Armées et s’assurant d’un contrôle définitif sur l’industrie pétrolière, limogeant plus de 9 000 cadres, y compris la plupart des cadres supérieurs opposés farouchement à son gouvernement et aujourd’hui nouveaux leaders de l’opposition. Mais l’économie du cinquième exportateur mondial de brut, membre de l’OPEP, en est sortie ravagée. La grève patronale, commerciale et pétrolière a coûté plus de sept milliards de dollars et a provoqué une chute du PIB de 29% au premier trimestre, une des plus fortes contractions de l’Histoire, selon la Banque centrale du Venezuela. Elle a aussi forcé le gouvernement à imposer un sévère contrôle des changes pour éviter la fuite des capitaux, mais n’a pas été capable d’en assurer la distribution. Encore aujourd’hui il est pratiquemment impossible pour une entreprise d’acheter des dollars, encore plus pour les particuliers, ce qui fait grimper l’inflation et fait apparaître un marché noir. L’opposition tente de se refaire une santé avec des manifestations. Celle du premier mai s’est terminée près des quartiers populaires de l’ouest de Caracas, qui soutiennent Chavez, et un manifestant a été assassiné lors d’une rixe. Samedi 24 mai, à peine au lendemain de l’annonce de l’accord, un meeting a été organisé en plein coeur des quartiers ouest de la capitale, près de bidonvilles. La manifestation a été interrompue par des échanges de coups de feu et s’est achevée sur un bilan d’un mort et plusieurs bléssés par balles.

Bien que la victime n’ait pas été un manifestant anti-Chavez mais un résident d’un quartier réputé partisan du gouvernement, l’ambiance de violence politique persiste et elle est renforcée par les médias privés, tous acquis aux causes de l’opposition et qui maintiennent un discours incendiaire contre le gouvernement. Les dernières manifestations se sont concentrées contre un projet de loi qui prétend contrôler les contenus des émissions de télévision et de radio, «une législation de censure», selon les patrons de presse. «Ici les gens respectent la vie d’autrui, mais utilisent un language très violent, proche de celui d’une guerre civile», a expliqué l’ancien président colombien Gaviria, après avoir vécu sept mois à Caracas. L’accord souligne aussi la nécéssité d’une information équitable et impartiale pour les futures campagnes électorales. «Le Venezuela doit rectifier le chemin. Si on ne prend pas celui de la tolérance, on peut finir par déraper dans la violence politique. Et tout le monde doit participer pour éviter cela», a dit Gaviria. Reduire le climat de tension reste alors le vrai défi pour la société vénezuélienne.



Article publié le 31/05/2003