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Togo

Scrutin présidentiel contesté, tendance en faveur d’Eyadéma

Le scrutin présidentiel du 1er juin au Togo est fortement contesté par l’opposition qui dénoncent plusieurs irrégularités «graves». Cela n’a pas empêché la Commission électorale nationale indépendante (CENI) de publier le lendemain des tendances largement en faveur du président sortant, Gnassingbé Eyadéma, qui devrait être réélu sans surprise après 36 ans de pouvoir.
De notre correspondant à Lomé

L’élection présidentielle togolaise, organisée le 1er juin 2003 «dans le calme et la sérénité», selon un communiqué du gouvernement, soulève une série de contestations unanimes de la part de l’opposition qui dénoncent de «graves irrégularités constatées» lors du scrutin. Près de 70% des 3,2 millions d’électeurs togolais inscrits étaient aux urnes pour élire le successeur du général Gnassingbé Eyadéma, qui vient de boucler 36 ans de pouvoir au terme de son second mandat présidentiel de l’ère démocratique au Togo. Les opérations se sont déroulées sans incidents majeurs, malgré la tension de la veille, sous le regard de quelque 187 observateurs étrangers notamment de la Francophonie de la Fondation Martin Luther King et de l’Union africaine.

Pour le gouvernement, ces opérations se sont déroulées «dans le strict respect du code électoral». Il prend à témoin «les nombreux observateurs étrangers» pour attester des «bonnes conditions» du scrutin. Mais, l’opposition togolaise a été unanime, peu avant la fermeture des bureaux de vote, notamment sur des «fraudes massives constatées» et le «bourrage systématique» des urnes dans plusieurs bureaux de vote. Ces déclarations viennent corroborer les craintes déjà exprimées par certains leaders sur l’organisation du scrutin au début du vote.

Les candidats Yawovi Agboyibo du Comité d’action pour le renouveau (CAR) et Emmanuel Bob Akitani du Parti des forces du changement (PFC) ont demandé que le scrutin présidentiel soit «purement et simplement repris». Les deux partis se fondent sur de «graves irrégularités constatées» dans plusieurs localités, notamment le renvoi de leurs délégués des bureaux de vote, des votes «multiples» et le vote de mineurs. «Compte tenu de la gravité et de l’ampleur des fraudes, le scrutin présidentiel est nul et doit être purement et simplement repris», déclare le CAR dans un communiqué de presse. «Nous n’avons pas pris cette décision pour la forme. Nous en assumerons les conséquences», a précisé Me Yawovi Agboyibo lors d’une conférence de presse. «Nous souscrivons à tous les points soulignés par Agboyibo», a, pour sa part, déclaré Jean-Pierre Fabre, directeur de campagne du candidat Akitani. Plusieurs électeurs ont été, par ailleurs, dans l’impossibilité de voter pour n’avoir pu retirer leurs cartes.

Des chiffres rejetés par l’opposition

Au sujet de l’annulation, le ministre de l’Intérieur, François Boko, renvoie l’opposition devant la Cour constitutionnelle, tout en soulignant que «lorsqu’on n’a pas su créer une dynamique unitaire et convaincre pendant la campagne électorale, il n’y a qu’une seule alternative classique : contester un scrutin dont on a apprécié au début sa préparation». Les dépouillements des bulletins, entamés après le vote, n’ont pas pour autant été interrompus. Les premières tendances, rendues publiques le 2 juin par la Commission électorale, sont en faveur du président Eyadéma avec 59,13% des voix sur près de 40% de bulletins dépouillés. Le chef de l’État est suivi par le candidat Emmanuel Bob Akitani avec 35,15% des voix. Yawovi Agboyibo, l’un des principaux leaders de l’opposition et Edem Kodjo, l’ancien Premier ministre, sont loin derrière avec moins de 5% des voix. Les résultats définitifs sont attendus le 4 juin, selon la Commission électorale. Ces chiffres, qui seront sans doute rejetés par l’opposition, incluent ceux de la préfecture de Zio, région au nord de la capitale, où des incidents avaient entraîné l’interruption des votes.

A Tsévié (préfecture du Zio), à 35 km de Lomé, des incidents nés de la rétention des cartes d’électeurs et du bourrage des urnes, selon des témoins interrogés, ont amené les autorités à interrompre les opérations de vote dans plusieurs centres avant midi, alors que plus de la moitié des électeurs n’avaient pas encore exprimé leur vote. Des affrontements entre des jeunes de la localité et les forces de l’ordre ont fait plusieurs blessés dont un militaire, selon le ministère de l’Intérieur, des femmes des gendarmes molestées aussi. Révoltés, des manifestants ont érigés des barrages et brûlé des pneus sur l’axe principal de la ville, avant de s’attaquer à des édifices publics. Les forces de sécurité, rencontrées sur les lieux, ont dû tirer des grenades lacrymogènes pour disperser les manifestants. Des renforts de militaires et de la Force de sécurité de l’élection présidentielle (FOSEP), une unité spéciale de 5 000 hommes, ont dû être déployés dans la ville pour y ramener le calme. Selon le président de la Commission électorale, les procès verbaux des bureaux de vote de cette localité sont attendus «pour étudier la portée de ces supposées irrégularités afin de statuer sur leur véracité».

«Globalement, l’atmosphère a été bonne. On peut dire que pour cette élection, le décor est bien planté du point de vue de la forme, il reste la question du fond», a affirmé le coordinateur des observateurs, Germain Ewangui. Celui-ci estime qu’il faut attendre les rapports de l’observation «pour voir dans les détails des quelques anomalies qu’on a pu observer et voir si cela pouvait être considéré comme étant des faits entachant normalement la régularité du scrutin».



par Guy  Mario

Article publié le 03/06/2003