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Etats-Unis

Le come-back d'Hillary Clinton

En publiant un livre intimiste sur l'humiliation qu'elle a subie tout au long de l'affaire Monica Lewinsky, l'ex-première dame fait un retour remarqué sur la scène médiatique. Alors que le parti démocrate a aligné de pâles candidats pour la présidentielle de l'an prochain, Hillary Clinton semble se préparer pour l'élection de 2008.
De notre correspondant à New York

Tel un phœnix médiatique, Hillary Clinton renaît des cendres du scandale dans lequel son mari a bien failli enterrer le couple présidentiel. Ces derniers temps, l'ex-première dame avait disparu des écrans, discrète, cantonnée à sa fonction de sénateur de l'Etat de New York. On la disait devenue timorée, incapable de s'en prendre à l'administration Bush. Et voilà que d'un tour de passe-passe médiatique, elle se replace au cœur du débat, faisant de nouveau figure de candidat démocrate pour la présidentielle de 2008.

Tout a commencé en milieu de semaine, quand les bonnes pages de ses mémoires ont fuité dans la presse, suscitant une gourmandise médiatique qui a replongé l'Amérique dans les délices de l'ère Clinton. Intitulé Living History, (Mon Histoire publié mardi par Fayard en France) l'ouvrage de 562 pages, pour lequel Hillary Clinton a obtenu huit millions de dollars, détaille les pires heures du couple présidentiel. Il a déjà été tiré à un million d'exemplaires, et les droits ont déjà été vendus dans 16 pays. Le lancement du livre sera accompagné d'une intense campagne médiatique, avec couverture du Time et entretiens avec les interviewers les plus célèbres de la télévision américaine. Une chaîne de télévision va même réaliser un film sur la vie du sénateur. Selon l'agence AP, Sharon Stone pourrait interpréter le rôle d'Hillary Clinton.

Dans les bonnes pages du livre obtenues par AP, on découvre un Bill Clinton piteux, qui un beau matin de juillet 1998 réveille son épouse pour confesser sa faute avec une stagiaire entrée depuis dans l'histoire. Après avoir au cours des semaines précédentes crié au complot politique, assis sur le bord du lit, il admet que «la situation était bien plus grave que ce qu'il a voulu admettre. Il m'a dit que ce qui s'était passé entre eux avait été rapide et ponctuel», écrit Hillary Clinton. «Je pouvais à peine respirer. Cherchant ma respiration, je me suis mise à pleurer et à crier. Qu'est-ce que tu veux dire ? Qu'est-ce que tu dis ? Pourquoi m'as-tu menti ? J'étais de plus en plus furieuse. Et lui se tenait là debout, répétant ‘je suis désolé, je suis désolé, je cherchais à te protéger, toi et (notre fille) Chelsea».

La lutte politique a sauvé leur relation

Commence pour le couple une longue période de froid, avec des épisodes particulièrement juteux. En vacances familiales dans la très chic enclave de Martha's Vineyard, dans le Massachusetts, Bill Clinton se remet de son éprouvant témoignage. Mais il doit aussi subir les foudres de sa compagne qui le condamne à l'isolement. «Buddy, le chien, est venu tenir compagnie à Bill» explique-t-elle, avant de lâcher : «Il était le seul membre de notre famille encore désireux de le faire». «En tant qu'épouse, je voulais tordre le cou de Bill» écrit-elle aussi. Mais en tant que femme politique, Hillary surmonte sa douleur. «Les deux décisions les plus difficiles de ma vie ont été de rester mariée à Bill Clinton et de me présenter au Sénat pour l'État de New York» confie-t-elle, expliquant plus loin que cette lutte politique a offert un nouveau sujet de conversation au couple à la dérive, et ce faisant, a sauvé leur relation.

Ainsi est Hillary Clinton. Un animal politique à la peau dure, haï par les Républicains, mais toujours considéré comme une candidat très sérieux pour la présidentielle de 2008. L'ex-première dame exploite ainsi sans complexe la publicité offerte par le récit de ses déboires personnels, quitte à faire de l'ombre à l'armée de candidats démocrates pour la présidentielle de l'an prochain. Ils tentent en vain de se faire un nom pendant qu'elle trône à la une des journaux; aiguisant patiemment ses couteaux en attendant son heure. Pour son parti, Hillary Clinton reste aussi une pompe à argent, parvenant mieux que quiconque à lever des fonds, et n'hésitant pas à y aller de sa poche. Pour les élections parlementaires de l'an dernier, elle a déboursé de sa poche 839 000 dollars, ce qui fait d'elle une des personnalités politiques les plus généreuses parmi les Démocrates.

La publicité de ces derniers jours a aussi littéralement balayé les grognements de la base. Récemment pourtant, les démocrates pur jus qui soutenaient jusque-là Hillary Clinton confiaient au New York Times leur déception. Militants des droits des gays, agitateurs anti-guerre, ONG qui se battent contre la pauvreté, bref, tous ceux qui constituaient sa véritable base, dénonçaient chez elle une dérive comparable à celle de Bill Clinton, qui s'était recentré politiquement pour séduire les masses. Au Sénat, Hillary Clinton n'hésite même plus à travailler avec les Républicains qui autrefois voulaient la tête de son mari.

Va-t-elle parvenir à adoucir son image et à se recentrer ? Malgré ses efforts, le public américain reste divisé à part égale sur sa personnalité. Et selon un sondage récent sur les motivations de Hillary Clinton lorsqu'elle a décidé de publier ses mémoires, un tiers des new-yorkais répondent qu'elle est motivée par l'argent, un tiers par des objectifs politiques, et un tiers par des raisons personnelles.



par Philippe  Bolopion

Article publié le 10/06/2003