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Union européenne

La Convention au bord de l’implosion

A moins de trois semaines du sommet de Salonique, les perspectives d’un accord sur la future Constitution européenne semblent plus éloignées que jamais.
Avis de gros temps pour la Convention sur l’avenir de l’Europe, que préside Valéry Giscard d’Estaing. Déjà contesté par les «petits pays» de l’UE qui lui reprochaient de faire la part belle aux intérêts des «grands», Giscard doit désormais affronter la résistance d’un trio constitué de l’Espagne, de la Grande Bretagne et de la Pologne qui ont rédigé en fin de semaine dernière une lettre commune exigeant que le projet ne remette pas en cause le statu quo issu du Traité de Nice en décembre 2000.

A l’époque, pourtant, chacun s’accordait à considérer que ce traité était un très mauvais compromis entre des ambitions contradictoires. Mais il était le seul compromis possible et c’est pourquoi il avait été signé. C’est justement pour ne pas tomber dans les travers des négociations intergouvernementales, dont Nice avait offert une version exacerbée, voire caricaturale, qu’avait été mis en place le mécanisme de la Convention pour l’avenir de l’Europe. Associant des représentants de la Commission, des gouvernements, et des parlements qui étaient censés siéger en leur nom propre, cette réflexion était censée mieux refléter les nuances entre États européens, tout en fournissant un cadre plus consensuel pour les résoudre.

La personnalité autoritaire (certains n’hésitaient pas à dire: «arrogante») de son président a donné lieu à de nombreuses critiques, mais d’autres (et parfois les mêmes lui rendaient hommage pour sa grande connaissance des dossiers, son habileté diplomatique et son savoir-faire. Tout ceci, cependant, n’a pas permis de surmonter des désaccords de fond qui se sont exacerbés à mesure que l’on approchait de la date fatidique. La crise irakienne qui a profondément divisé l’Union européenne au moment même où il était question de créer un poste de ministre européen des Affaires étrangères n’a évidemment rien arrangé.

D’ailleurs, alors qu’au début des travaux de la Convention, la ligne de partage semblait traverser l’Union en laissant d’un côté les «petit» et de l’autre les «grands», désormais, la ligne de partage ressemble étonnamment à celle qui a divisé les Européens à propos du conflit en Irak. Ainsi, ce seraient désormais dix-huit pays sur les vingt-sept qui participent aux travaux qui réclament le maintien du statu quo institutionnel. Selon le ministre polonais des Affaires étrangères, ce serait une «erreur» que de rouvrir les dossiers qui ont été négociés et réglés lors du sommet de Nice. Ce à quoi Valéry Giscard d’Estaing fait valoir que c’est précisément le mandat qui a été confié aux 105 conventionnels.

Giscard se donne une nouvelle marge

Un temps, pour sortir de l’impasse, il a été envisagé par les six membres fondateurs du Marché commun (France, Pays-Bas, Italie, Allemagne, Belgique, Luxembourg) de prendre une initiative commune. Mais tous n’étaient pas d’accord sur l’initiative à prendre et le «noyau dur» ressemblait de plus en plus à celui qui a réuni un sommet controversé sur la défense européenne, à savoir la France, l’Allemagne et la Belgique. Encore faudrait-il savoir quelle initiative prendre et comment faire en sorte qu’elle ne suscite pas une réaction de rejet comme celle qui avait été observée à la suite des cérémonies marquant le quarantième anniversaire du Traité de l’Elysée.

Pourtant, en dépit de cette atmosphère pesante, certains signes semblent indiquer que tout n’est pas perdu pour les partisans d’une réforme. Le président de la Commission européenne Romano Prodi, qui voyait avec inquiétude la perspective d’un président permanent du Conseil européen rogner sur ses pouvoirs paraît aujourd’hui plus ouvert à cette idée. De même, les fédéralistes qui étaient hostiles à ce que ce président soit désigné par les États-membres pourraient se rallier à cette solution en échange d’une réduction substantielle du nombre de cas dans lesquels les États pourraient utiliser leur veto. Enfin, après avoir longtemps paru négliger les parlementaires, Valéry Giscard d’Estaing semble être parvenu à les rallier lors d’une réunion mercredi. Jouer les opinions contre les États, voilà un rôle nouveau pour l’ancien président français qui ne poussera sans doute pas trop loin cet exercice, mais qui est parvenu à se donner une nouvelle marge de manœuvre au moment précis où les États prétendaient l’enfermer dans un mandat impératif.

Il reste donc une réunion et à peine plus de deux semaines pour trouver une issue à la crise. Impossible, diront les pessimistes, les plus nombreux. Les autres feront valoir que chaque progrès intervenu dans la construction européenne est toujours intervenu in extremis lorsque la crise atteignait son paroxysme. Au sein des institutions européennes, le pire n’est donc jamais sûr. Cela ne signifie pas pour autant qu’il soit impossible.

Pour en savoir plus :

Le site du Débat sur l'avenir de l'Europe

Daniel Desesquelle, journaliste à RFI est l'Invité de la rédaction du 5 juin 2003.



par Olivier  Da Lage

Article publié le 05/06/2003