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Retraites : menace sur le bac

Alors que la première épreuve du bac approche, l’appel à la grève nationale lancé par les syndicats pour le mardi 10 juin maintient une pression sur les quelque 630 000 candidats qui ne savent toujours pas à quelle sauce ils vont être mangés. Face à un mouvement qui ne s’amplifie pas mais qui dure, la prochaine grève est un test. Soit la fermeté du gouvernement va finalement payer et les salariés vont se calmer, soit les grévistes les plus radicaux vont décider de passer à la vitesse supérieure et pourquoi pas, de perturber le passage du sésame vers les études universitaires : le baccalauréat. Baroud d’honneur ou épreuve de force ?
Le 12 juin est dans bien des esprits une date-butoir. La première épreuve du bac 2003 qui doit avoir lieu ce jour-là pourra-t-elle se dérouler normalement alors que, depuis plusieurs semaines, les salariés protestent inlassablement contre le projet de réforme des retraites présenté par le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin ? D’autant que dans le cadre de ce mouvement social, les enseignants qui refusent, et la retraite, et la décentralisation proposée par Luc Ferry, sont largement en pointe. Ils vont engager le 10 juin leur onzième journée de grève depuis le début de l’année scolaire et ne semblent pas vouloir désarmer.

Les dernières rencontres des fédérations de l’Education nationale et du ministre, jeudi et vendredi, ont provoqué l’exaspération des représentants des enseignants qui attendaient des avancées significatives mais n’ont rien obtenu. «Nous sommes exaspéré devant le rien, le vent», a résumé Patrick Gonthier de l’Unsa-Education. Tant et si bien que certains en sont venus à franchir la ligne jaune en menaçant d’appeler au boycott du bac. Denis Bodequin, le secrétaire général de la CGT-Education, a ainsi estimé que s’il n’y avait pas «de signes forts» d’ici le 10 juin, date de la grève mais aussi du début de l’examen de la réforme des retraites à l’Assemblée nationale, il pourrait proposer une nouvelle grève le 12, le jour même où plus de 600 000 jeunes Français doivent plancher sur leur sujet de philosophie. Une menace que la SNES-FSU a ensuite aussi reprise à son compte.

Surfer sur la vague de l’opinion

Jusqu’à présent les syndicats d’enseignants avaient unanimement déclaré que le boycott des examens n’était pas une bonne idée car il risquait de rendre le mouvement franchement impopulaire, tout en mettant en garde contre les dérapages individuels de militants exaspérés par l’attitude du gouvernement. Aujourd’hui, le discours semble avoir évolué. Les échéances se rapprochent (les vacances aussi) et c’est le moment ou jamais d’accentuer la pression sur le gouvernement. Seule la FSU continue à déclarer que «bloquer les examens n’est pas un bon moyen d’action».

Face à cette mobilisation, le gouvernement se réunit lundi pour préparer la rencontre de mardi avec les syndicats d’enseignants dans l’espoir de trouver un moyen de sortir de la crise. Une tâche qui s’annonce difficile puisque les enseignants demandent au gouvernement de renoncer à ses réformes, alors que ce dernier maintient que, sur le fond, les mesures envisagées concernant les retraites ou la décentralisation ne peuvent être remises en cause. En cas d’échec des ultimes négociations et de perturbation des examens, Jean-Pierre Raffarin et Luc Ferry ont prévenu qu’ils auraient recours à toutes les procédures légales pour que le «droit au bac» soit aussi bien respecté que le droit de grève. Réquisitions, sanctions administratives ou retenues sur salaire font partie des armes dont dispose le gouvernement afin de convaincre les enseignants de répondre à leur convocation pour surveiller ou corriger le bac.

Dans cette dernière ligne droite avant l’épreuve de force, les deux parties, grévistes et gouvernement, essaient donc de surfer sur une vague terriblement mouvante : celle de l’opinion. Les syndicats espèrent que le soutien populaire dont semble bénéficier le mouvement contre la réforme des retraites va leur permettre de continuer à appeler à la grève sans se mettre à dos les usagers. De même que le gouvernement quand il annonce qu’il ne cédera pas, joue la carte du pourrissement d’une situation de grèves à répétition. Et chacun y va de son sondage pour essayer de se donner raison.

L’institut CSA a ainsi publié une enquête dans l’hebdomadaire Marianne qui aurait tendance à rassurer les syndicats parfois débordés par la mobilisation incontrôlable de leur base. On y découvre, en effet, que 66 % des personnes interrogées déclarent qu’elles soutiennent toujours le mouvement social et que 47 % d’entre elles souhaitent la réouverture de négociations sur la réforme des retraites. Mais un autre sondage, commandé par Matignon et réalisé par la Sofres, donnerait plutôt raison à la stratégie de Jean-Pierre Raffarin puisqu’il affirme que seuls 48 % des Français donnent tort au gouvernement de maintenir son projet, contre 57 % une semaine plus tôt. Des insondables mystères des sondages d’opinion…



par Valérie  Gas

Article publié le 09/06/2003