Maroc
«Ceci est un procès politique !»
Extrêmement affaibli par 36 jours de grève de la faim, le journaliste Ali Lmrabet a été ramené lundi après midi à l’hôpital où il est détenu, après deux heures de comparution devant la Cour d’appel. Sa défense dénonce «une parodie de justice» et «une substitution de pièces» dans le dossier d’accusation. Le procès en appel avait été reporté le 5 juin dernier. Cette fois, la Cour le met en délibéré le 17 juin prochain. La séance a été houleuse et les amis du journaliste satirique sont désormais inquiets pour sa vie.
Bandeaux noirs sur la bouche, les proches d’Ali Lmrabet et les militants des droits de l’homme qui le soutiennent sont consternés. Ils craignent aujourd’hui d’avoir à porter davantage que le deuil de la liberté d’expression, celui d’Ali Lmrabet. Depuis qu’il s’est mis en grève de la faim, le 6 mai dernier, Ali Lmrabet a perdu une vingtaine de kilos. Avant cette comparution, où des policiers l’ont poussé en fauteuil roulant, il a dû, selon sa famille, subir des lavages d’estomac pour soulager les ulcères qui le taraudent. D’ailleurs, ses geôliers l’avaient transféré à l’hôpital d’Avicenne de Rabat dès le 26 mai, quelques jours après son entrée dans la prison de Salé (la ville jumelle de la capitale marocaine). Le 21 mai dernier, le rédacteur en chef de l’hebdomadaire Demain magazine, et de sa version arabe, Doumane, avait en effet été condamné à quatre ans de prison ferme et 20 000 dirhams d’amende (environ 2 000 euros) pour «outrage à la personne du roi Mohammed VI» après la publication d’un photomontage autour de l’amariaâ (le palanquin royal), «atteinte au régime monarchique» avec un dessin évoquant le budget alloué à la Maison royale par le Parlement et même «atteinte à l’intégrité territoriale du royaume» pour la reprise, à partir d'un journal espagnol, des propos d’un républicain marocain favorable à l’autodétermination des Sahraouis.
Ouverte vers dix heures du matin, l’audience s’est refermée un peu plus de deux heures plus tard sur ces paroles d’Ali Lmrabet : «Je vais me retirer. Je n’ai rien à déclarer. Ceci est un procès politique !». Jeudi dernier déjà, la Cour avait refusé sa mise en liberté provisoire et rejeté la plaidoirie de ses avocats. Ces derniers souhaitaient voir récuser le juge qui avait décidé l’emprisonnement d’Ali Lmrabet sitôt sa condamnation prononcée par le tribunal de première instance. Une précipitation que le tribunal avait alors justifiée par des «circonstances spéciales» fondées sur l’article 400 du code pénal, qui prévoit une telle mesure en cas de dangerosité particulière de l’accusé ou d’absence de garanties de représentation. Ce lundi, la défense est revenue à l’attaque, en vain, avec un cas de jurisprudence des années soixante-dix, celui d’un journaliste dont la détention dans des circonstances similaires avait été jugée arbitraire.
«Justice aux ordres»
Les avocats d’Ali Lmrabet ont également protesté contre la «disparition» de la pièce qui matérialise l’accusation d’outrage au roi, le fameux photomontage qui n’a pas pu être extrait du dossier lorsqu’ils l’ont demandé. Mais surtout, Me Ahmed Benjelloun a dénoncé «une parodie de justice» et «un procès politique» dans lequel, selon lui, son client «a été privé des droits les plus élémentaires de la défense». Dans la salle, souvent houleuse, où s’étaient réunis les amis de l’accusé, des journalistes, des militants des droits de l’homme et des avocats, des Marocains surtout, mais aussi des étrangers comme l’avocate tunisienne Rhadia Nasraoui, des cris ont fusé : «c’est une honte, la justice est aux ordres !». Elle s’acharne en tout cas contre Ali Lmrabet placé de longue date sous son épée de damoclès.
«La liberté de la presse n’est pas une revendication au Maroc, c’est une réalité quotidienne», assurait tout récemment le Premier ministre marocain, Driss Jettou. Pour sa part, bien avant sa condamnation, Ali Lmrabet avait suffisamment déplu au pouvoir pour que son imprimeur lui fasse défaut. L’organisation Amnesty International l’a d’ailleurs inscrit dans sa liste de «prisonniers de conscience» et rappelle qu’il était en déjà sous le coup d’une inculpation depuis fin 2001 pour «diffusion de fausses informations portant atteinte à l’ordre public ou susceptible de lui porter atteinte», après un article annonçant la promesse de vente d’un palais royal «à des investisseurs étrangers désireux de le transformer en complexe touristique». Ali Lmrabet n’a toujours pas été jugé pour cette affaire. Mais d’ores et déjà, la Cour a montré qu’elle ne serait pas «laxiste» à son égard puisqu’elle s’apprête à délibérer sans avoir retenu les objections de la défense.
Le 29 mai dernier, dans le cadre d’un discours prononcé après les attentats qui ont ensanglanté Casablanca le 16 mai, le roi Mohamed VI a annoncé «la fin de l’heure du laxisme face à ceux qui exploitent la démocratie pour porter atteinte à l’autorité de l’Etat», fustigeant au passage «certains milieux faisant mauvais usage de la liberté d’opinion». Il avait également indiqué que la dimension médiatique prenait place dans ses centres d’intérêts, aux côtés des dimensions religieuse, culturelle ou éducative. Visiblement, si peu terroriste soit-elle, la satire journalistique n’a pas sa place au Maroc.
Ouverte vers dix heures du matin, l’audience s’est refermée un peu plus de deux heures plus tard sur ces paroles d’Ali Lmrabet : «Je vais me retirer. Je n’ai rien à déclarer. Ceci est un procès politique !». Jeudi dernier déjà, la Cour avait refusé sa mise en liberté provisoire et rejeté la plaidoirie de ses avocats. Ces derniers souhaitaient voir récuser le juge qui avait décidé l’emprisonnement d’Ali Lmrabet sitôt sa condamnation prononcée par le tribunal de première instance. Une précipitation que le tribunal avait alors justifiée par des «circonstances spéciales» fondées sur l’article 400 du code pénal, qui prévoit une telle mesure en cas de dangerosité particulière de l’accusé ou d’absence de garanties de représentation. Ce lundi, la défense est revenue à l’attaque, en vain, avec un cas de jurisprudence des années soixante-dix, celui d’un journaliste dont la détention dans des circonstances similaires avait été jugée arbitraire.
«Justice aux ordres»
Les avocats d’Ali Lmrabet ont également protesté contre la «disparition» de la pièce qui matérialise l’accusation d’outrage au roi, le fameux photomontage qui n’a pas pu être extrait du dossier lorsqu’ils l’ont demandé. Mais surtout, Me Ahmed Benjelloun a dénoncé «une parodie de justice» et «un procès politique» dans lequel, selon lui, son client «a été privé des droits les plus élémentaires de la défense». Dans la salle, souvent houleuse, où s’étaient réunis les amis de l’accusé, des journalistes, des militants des droits de l’homme et des avocats, des Marocains surtout, mais aussi des étrangers comme l’avocate tunisienne Rhadia Nasraoui, des cris ont fusé : «c’est une honte, la justice est aux ordres !». Elle s’acharne en tout cas contre Ali Lmrabet placé de longue date sous son épée de damoclès.
«La liberté de la presse n’est pas une revendication au Maroc, c’est une réalité quotidienne», assurait tout récemment le Premier ministre marocain, Driss Jettou. Pour sa part, bien avant sa condamnation, Ali Lmrabet avait suffisamment déplu au pouvoir pour que son imprimeur lui fasse défaut. L’organisation Amnesty International l’a d’ailleurs inscrit dans sa liste de «prisonniers de conscience» et rappelle qu’il était en déjà sous le coup d’une inculpation depuis fin 2001 pour «diffusion de fausses informations portant atteinte à l’ordre public ou susceptible de lui porter atteinte», après un article annonçant la promesse de vente d’un palais royal «à des investisseurs étrangers désireux de le transformer en complexe touristique». Ali Lmrabet n’a toujours pas été jugé pour cette affaire. Mais d’ores et déjà, la Cour a montré qu’elle ne serait pas «laxiste» à son égard puisqu’elle s’apprête à délibérer sans avoir retenu les objections de la défense.
Le 29 mai dernier, dans le cadre d’un discours prononcé après les attentats qui ont ensanglanté Casablanca le 16 mai, le roi Mohamed VI a annoncé «la fin de l’heure du laxisme face à ceux qui exploitent la démocratie pour porter atteinte à l’autorité de l’Etat», fustigeant au passage «certains milieux faisant mauvais usage de la liberté d’opinion». Il avait également indiqué que la dimension médiatique prenait place dans ses centres d’intérêts, aux côtés des dimensions religieuse, culturelle ou éducative. Visiblement, si peu terroriste soit-elle, la satire journalistique n’a pas sa place au Maroc.
par Monique Mas
Article publié le 10/06/2003