Algérie
Alger souhaite dénouer la crise kabyle
Plus de deux ans après les émeutes sanglantes du printemps noir, qui ont fait en Kabylie 123 morts et 2 000 blessés, le pouvoir algérien joue la carte de la réconciliation nationale et appelle le mouvement contestataire des âarchs (tribus kabyles) au dialogue. Pour prouver leur bonne volonté les autorités ont mis en liberté provisoire les principaux détenus berbéristes, dont leur chef de file Belaïd Abrika. Mais malgré ce geste évident d’apaisement, les contestataires kabyles mettent en doute la bonne foi du nouveau Premier ministre Ahmed Ouyahia, estimant notamment que sa supposée volonté de dénouer la crise kabyle n’est en fait qu’une manœuvre politicienne à l’approche de l’élection présidentielle prévue l’année prochaine.
Le chef du gouvernement algérien, Ahmed Ouyahia, avait créé la surprise en invitant le 31 mai dernier, jour de son investiture par l’Assemblée populaire nationale, le mouvement contestataire kabyle au dialogue pour «rétablir la paix dans les cœurs». «Il faut, avait-il déclaré en présentant son programme, rétablir la paix civile d’abord au profit de la population de la région de Kabylie, ensuite au bénéfice de toute la nation inquiète». Ahmed Ouyahia, qui a remplacé à la tête du gouvernement Ali Benflis, limogé le 5 mai par le président Abdelaziz Bouteflika, avait directement adressé son appel au mouvement des âarchs l’invitant à désigner lui-même ses représentants au dialogue. Il s’était en outre engagé à discuter de la Plate-forme d’el-Kseur, adoptée le 11 juin 2001 au plus noir des émeutes par les militants kabyles qui exigeaient son application avant tout arrêt de la contestation.
Contre toute attente et alors qu’ils avaient pourtant depuis le début de la crise, en avril 2001, toujours refusé de négocier avec le gouvernement algérien, les âarchs ont répondu favorablement à l’offre de dialogue d’Ahmed Ouyahia. Sans doute conscients de l’impasse dans laquelle se trouve désormais leur mouvement et surtout face à la lassitude des populations, excédées par l’insécurité et les émeutes sporadiques, les délégués des trois grandes régions kabyles –Tizi Ouzou, Bejaïa et Bouira– ont en effet donné dès le 7 juin leur accord de principe à cette proposition. Ils ont toutefois posé comme préalable à toute négociation la libération de leurs délégués incarcérés.
Et c’est sans doute dans le souci de donner tout son poids à sa proposition de dialogue que le Premier ministre algérien a ordonné trois jours plus tard la libération provisoire de quinze délégués des âarchs détenus pour certains depuis plusieurs mois en attente d’être jugés. La figure de proue de la contestation kabyle, l’universitaire Belaïd Abrika, devenu l’idole des jeunes émeutiers, fait partie des personnes libérées. Il avait été arrêté le 13 octobre 2002 pour avoir fait irruption dans un tribunal pour protester contre la comparution de 13 jeunes interpellés lors des manifestations.
Manœuvre politicienne ?
L’accord de principe des délégués kabyles à la proposition de dialogue d’Ahmed Ouyahia doit toutefois être soumis à l’approbation de l’«interwilayas», la coordination des âarchs des trois régions kabyles, réunie jeudi et vendredi dans la petite ville d’Amizour, près de Bejaïa. Mais cette approbation est loin d’être acquise puisque nombreux sont ceux qui refusent toute compromission avec le pouvoir sans un geste fort de sa part. La rencontre d’Amizour, qui devait s’achever vendredi matin, s’est donc révélée plus ardue que ne le laissait prévoir l’accord de principe des délégués. Et l’espoir d’un règlement de la crise kabyle semble aujourd’hui loin de faire l’unanimité.
Deux camps s’opposent en effet au sein du mouvement kabyle, celui des «dialoguistes» qui sont favorables à des négociations sans condition avec le pouvoir et celui des «radicaux» qui exigent comme préalable la satisfaction entière de la Plate-forme d’el-Kseur. Belaïd Abrika appartient à cette deuxième mouvance et demande que le président Abdelaziz Bouteflika «en tant que premier magistrat du pays s’engage lui-même à satisfaire les requêtes» inscrites dans cette Plate-forme. Adopté alors que les affrontements faisaient rage en juin 2001, ce texte contient 15 points qui représentent les revendications fondamentales des Kabyles. Parmi elles, l’exigence que «les fonctions exécutives de l’Etat et les corps de sécurité soient mis sous l’autorité des élus» représente le principal point d’achoppement avec le pouvoir.
Or en refusant de céder à cette revendication, le gouvernement algérien accrédite la thèse selon laquelle sa proposition de dialogue n’est pas dénuée d’arrière-pensées politiciennes. A quelques mois de l’élection présidentielle, Abdelaziz Bouteflika a en effet tout intérêt à trouver une solution à cette crise kabyle qui a provoqué la mort de 123 personnes.
Contre toute attente et alors qu’ils avaient pourtant depuis le début de la crise, en avril 2001, toujours refusé de négocier avec le gouvernement algérien, les âarchs ont répondu favorablement à l’offre de dialogue d’Ahmed Ouyahia. Sans doute conscients de l’impasse dans laquelle se trouve désormais leur mouvement et surtout face à la lassitude des populations, excédées par l’insécurité et les émeutes sporadiques, les délégués des trois grandes régions kabyles –Tizi Ouzou, Bejaïa et Bouira– ont en effet donné dès le 7 juin leur accord de principe à cette proposition. Ils ont toutefois posé comme préalable à toute négociation la libération de leurs délégués incarcérés.
Et c’est sans doute dans le souci de donner tout son poids à sa proposition de dialogue que le Premier ministre algérien a ordonné trois jours plus tard la libération provisoire de quinze délégués des âarchs détenus pour certains depuis plusieurs mois en attente d’être jugés. La figure de proue de la contestation kabyle, l’universitaire Belaïd Abrika, devenu l’idole des jeunes émeutiers, fait partie des personnes libérées. Il avait été arrêté le 13 octobre 2002 pour avoir fait irruption dans un tribunal pour protester contre la comparution de 13 jeunes interpellés lors des manifestations.
Manœuvre politicienne ?
L’accord de principe des délégués kabyles à la proposition de dialogue d’Ahmed Ouyahia doit toutefois être soumis à l’approbation de l’«interwilayas», la coordination des âarchs des trois régions kabyles, réunie jeudi et vendredi dans la petite ville d’Amizour, près de Bejaïa. Mais cette approbation est loin d’être acquise puisque nombreux sont ceux qui refusent toute compromission avec le pouvoir sans un geste fort de sa part. La rencontre d’Amizour, qui devait s’achever vendredi matin, s’est donc révélée plus ardue que ne le laissait prévoir l’accord de principe des délégués. Et l’espoir d’un règlement de la crise kabyle semble aujourd’hui loin de faire l’unanimité.
Deux camps s’opposent en effet au sein du mouvement kabyle, celui des «dialoguistes» qui sont favorables à des négociations sans condition avec le pouvoir et celui des «radicaux» qui exigent comme préalable la satisfaction entière de la Plate-forme d’el-Kseur. Belaïd Abrika appartient à cette deuxième mouvance et demande que le président Abdelaziz Bouteflika «en tant que premier magistrat du pays s’engage lui-même à satisfaire les requêtes» inscrites dans cette Plate-forme. Adopté alors que les affrontements faisaient rage en juin 2001, ce texte contient 15 points qui représentent les revendications fondamentales des Kabyles. Parmi elles, l’exigence que «les fonctions exécutives de l’Etat et les corps de sécurité soient mis sous l’autorité des élus» représente le principal point d’achoppement avec le pouvoir.
Or en refusant de céder à cette revendication, le gouvernement algérien accrédite la thèse selon laquelle sa proposition de dialogue n’est pas dénuée d’arrière-pensées politiciennes. A quelques mois de l’élection présidentielle, Abdelaziz Bouteflika a en effet tout intérêt à trouver une solution à cette crise kabyle qui a provoqué la mort de 123 personnes.
par Mounia Daoudi
Article publié le 27/06/2003