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Balkans

Le calvaire des Roms du Kosovo

Depuis le 19 mai, quelque 600 Roms du Kosovo réfugiés en Macédoine sont bloqués sur la frontière entre ce pays et la Grèce. Parmi eux, on compte 270 enfants, dont deux nouveau-nés, ainsi que dix femmes enceintes. La situation sanitaire se dégrade de jour en jour.
De notre envoyé spécial à Skopje

Lorsque le Haut Commissariat des Nations Unies aux réfugiés (HCR) a décidé de fermer le camp de Suto Orizari, 600 Roms du Kosovo, chassés de leur pays par les nationalistes albanais en 1999, ont décidé de partir «vers l’Union européenne». Et, depuis Skopje, la plus proche frontière européenne est celle de la Grèce. Athènes a refusé de laisser les réfugiés pénétrer sur son territoire, et les Roms ont installé un campement de fortune au poste-frontière de Medzitlija.

La décision du HCR était annoncée depuis plusieurs semaines déjà. Alors que les distributions de nourriture, l’eau et l’électricité avaient été coupées, les réfugiés ont manifesté devant les ministères et les sièges des organisations internationales présentes à Skopje, avant de se mettre en route vers la frontière. Le 22 mai, la police macédonienne a fait usage de la force pour essayer de les déloger. Depuis, c’est le statu quo.

Aux abords du poste-frontière, les réfugiés ont installé un campement de fortune. Après journées de pluie, le beau temps revenu offre des conditions de survie un peu moins pénibles. Les policiers macédoniens ont refusé que les femmes enceintes puissent être hébergées dans des baraquements inutilisés. Le HCR a cependant promis l’arrivée d’autobus dans lesquels ces femmes pourraient s’installer.

Une situation sanitaire catastrophique

«Ils prétendent que nous devons rentrer au Kosovo, mais au Kosovo, c’est la mort pour nous, les Tziganes», s’exclame une vielle femme. «Nos maisons ont été pillées et brûlées, les Albanais veulent tuer tous les Roms». Un de ses fils approuve : «la communauté internationale était censée protéger toutes les populations du Kosovo. L’Otan a bombardé notre pays, et ensuite, les soldats internationaux n’ont rien fait pour nous protéger. Nous ne pouvons pas revenir au Kosovo, et c’est à l’Otan et à l’Union européenne de prendre leurs responsabilités, en nous acceptant comme réfugiés».

Deux médecins mandatés par la branche grecque de Médecins du monde ont dressé un catastrophique tableau sanitaire, diagnostiquant de nombreux cas de bronchites, diarrhées, hypertension et maladies uro-génitales.

Il y a quelques jours, le gouvernement macédonien a proposé une solution de compromis : les Roms pourraient à nouveau se voir octroyés un statut de réfugiés en Macédoine, mais cette proposition soulève le scepticisme : «où irions-nous ? Nous n’avons pas d’argent, et les Macédoniens non plus. Si le HCR ne reprend pas ses distributions de nourriture, il ne nous restera plus qu’à mendier ou à mourir de faim», s’indigne Azo, père de quatre enfants.

Le discours se radicalise. Des leaders plus ou moins improvisés martèlent que les réfugiés sont prêts «à rester sur la frontière et à y mourir, plutôt que de revenir au Kosovo».

Les tentatives de conciliation amorcées par des ONG macédoniennes n’ont rien donné, et les autorités de Skopje se seraient bien passées de cette crise, qui semble surtout imputable à une très mauvaise communication du HCR. La raréfaction des programmes et des crédits humanitaires dans les Balkans explique aussi la décision de fermer le camp. Il n’est pas impossible non plus que certaines organisations roms, comme le Congrès national rom, qui cherche à s’imposer comme le porte-parole des réfugiés, aient fait le pari très risqué du pire, pour essayer d’attirer l’attention internationale.



par Jean-Arnault  Dérens

Article publié le 02/06/2003