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Société

Le sexe à 15, 17 ou 20 ans…

Connaître l’âge du premier rapport sexuel dans une société ou un pays donné permet de mieux appréhender un certain nombre de rapports familiaux et sociaux et de suivre leur évolution au fil du temps. De ce point de vue, l’enquête réalisée par l’Institut national d’études démographiques (Ined) sur les comportements sexuels dans une cinquantaine de pays européens, américains, asiatiques et africains met en valeur notamment une tendance au «rapprochement des calendriers sexuels» des hommes et des femmes et l’accès progressif de ces dernières à la «vie sexuelle pré-conjugale». Avec bien sûr, un certain nombre de variantes et d’exceptions liées notamment à la possibilité offerte aux femmes d’accéder aux moyens de contraception.
Eh oui, les pays latins sont encore et toujours un tantinet «machos». D’après l’étude de Michel Bozon de l’Ined, on note dans un certain nombre de pays d’Europe du Sud ou d’Amérique latine la persistance d’un contrôle social qui maintient une forte pression sur les femmes dans l’optique de préserver au maximum leur virginité jusqu’au mariage. En Italie, par exemple, les femmes ont toujours leur première relation sexuelle après l’âge de 20 ans. Cette moyenne n’a guère varié depuis les années 50. Et bien souvent encore, le premier rapport est lié au mariage. Au Brésil, on note ainsi que l’écart entre le premier rapport et l’union matrimoniale est d’un an pour les femmes, alors qu’il est de sept ans pour les hommes. Cette différence encore importante dans le «calendrier sexuel» des femmes et des hommes s’explique par le fait que si les premières sont préservées, les seconds sont, par contre, incités à commencer leur activité sexuelle au plus tôt, histoire de faire valoir leur virilité. Ce qui explique qu’ils ont encore souvent recours, en toute impunité sociale, à la prostitution pour leur initiation.

A l’autre extrémité, dans les pays où les femmes sont propulsées très jeunes (à peine pubères) dans une sexualité synonyme de «vie conjugale et reproductive», l’âge de leur premier coït a eu tendance à augmenter durant les dernières décennies. L’Ined a ainsi noté en Afrique subsaharienne «une double évolution en sens inverse dans les 20 dernières années» qui a eu pour effet de rapprocher l’âge de la première relation sexuelle chez les hommes et chez les femmes. Au Sénégal, ce phénomène est particulièrement évident. En 1950, les femmes perdaient en moyenne leur virginité à 16,5 ans et les hommes à 22,4 ans. En 1975, la moyenne était passée respectivement à 18,8 et 19 ans. Au Kenya, on constate un changement encore plus important. Les femmes avaient en moyenne en 1950, 15,9 ans lors de leur première relation sexuelle et les hommes 17,4 ans. En 1975, ce sont les femmes qui sont passées à 17,2 ans et les hommes à 15,9 ans.

Les Africaines desserrent l’étreinte du mariage précoce

Ces évolutions démontrent entre autres que les jeunes Africains s’affranchissent peu à peu des «contrôles traditionnels». Les garçons en profitent pour se lancer plus tôt dans l’activité sexuelle et les filles pour desserrer l’étreinte du mariage précoce auquel elles étaient souvent obligées de se soumettre. En Afrique de l’Est, 40 % à 50 % des jeunes filles ont donc maintenant une activité sexuelle pendant au moins deux années avant de se marier. D’autre part, les ravages provoqués par la propagation de l’épidémie de sida sur le continent et les campagnes de prévention qui ont été réalisées ont contribué à retarder chez les femmes africaines l’âge du premier rapport sexuel.

Les pays classés dans ce que Michel Bozon appelle «le troisième modèle traditionnel d’entrée dans la sexualité» sont moins homogènes que dans les deux autres groupes mais ils sont plus fortement marqués par une proximité de l’âge de la première relation sexuelle des hommes et des femmes. Dans certaines sociétés où la religion catholique est prédominante, comme en Pologne ou en Lituanie, cet âge est tardif (plus de 19 ans). Dans d’autres pays plus traditionnellement «égalitaires» sur le plan sexuel, comme en Europe du Nord, il est beaucoup plus précoce (entre 16 et 18 ans). Et en France, pays européen plutôt latin, les comportements se sont alignés ces dernières années sur ceux des Européens du Nord. Hommes et femmes perdent en moyenne leur virginité assez tôt et au même âge (17,4 et 17,6 ans). Cette situation est récente puisque dans les années 50, le comportement sexuel des Français était beaucoup plus proche des canons latins.

Ecoutez Michel Bozon (Ph. Lecaplain, 06/06/2003, 6'36")



par Valérie  Gas

Article publié le 05/06/2003