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Afghanistan

Les taliban se réorganisent

Un an est demi après la chute du régime des taliban, l’insécurité règne toujours en Afghanistan. Depuis plusieurs semaines les forces américaines et celles de l’Isaf, la force internationale d'assistance à la sécurité en Afghanistan, sont soumises à des attaques quasi-quotidiennes menées par des combattants taliban. Dans ce contexte, la réapparition du mollah Omar, par le biais d’une cassette audio dans laquelle il appelle à la résistance contre «le régime fantoche d’Hamid Karzaï», laisse présager une recrudescence des violences dans ce pays où un tiers du territoire échappe totalement au contrôle du gouvernement central.
Plutôt discret depuis son éviction du pouvoir il y a un an et demi, le mollah Omar fait de nouveau parler de lui. Le chef spirituel des Taliban, chassé de son fief de Kandahar par les Américains en novembre 2001, vient en effet d’annoncer, selon le quotidien pakistanais The News, la formation d’un conseil exécutif chargé d’organiser la résistance aux troupes étrangères stationnées en Afghanistan. Ce conseil, dont les dix membres sont pour la plupart d’anciens commandants militaires talibans, a été mis sur pied à l’issue de cinq jours de délibérations entre des hauts responsables de cette mouvance islamiste radicale réunis dans un lieu tenu secret au sud de l’Afghanistan. Selon son porte-parole, Muktar Mujahid, cette nouvelle instance, appelée «Rahbari Choura» a été créée pour «mener la guerre sainte contre les forces d’occupation et renforcer le mouvement taliban». «Le mollah Omar a appelé les talibans à se sacrifier pour expulser les Américains et leurs alliés d’Afghanistan et à lutter contre le régime fantoche d’Hamid Karzaï», a-t-il précisé.

Cet appel du chef des talibans a été diffusé par le biais d’une cassette audio enregistrée dans le sud de l’Afghanistan dans un lieu tenu secret où il aurait trouvé refuge. C’est la première fois que le mollah Omar use de cette méthode, chère à Oussama ben Laden, pour galvaniser ses troupes. Son discours a par ailleurs été largement repris par ses principaux lieutenants parmi lesquels le mollah Abdul Samad, l’ancien chef des services de renseignements talibans. Selon ce dernier, le tout nouveau conseil aurait d’ores et déjà entamé ses travaux. «Désormais, a-t-il déclaré, le jihad va être menée contre les forces américaines et alliées en vertu d’une nouvelle stratégie militaire». Il s’est toutefois bien gardé de donner plus de précisions. Un an et demi après la chute du régime taliban, le gouvernement d’Hamid Karzaï a plus que jamais du mal à imposer sa loi en dehors de Kaboul. Et dans ce contexte, l’appel à la résistance du mollah Omar sonne avant tout comme une invitation lancée à tous les chefs de guerre hostiles à l’administration afghane pour qu’ils rallient les forces du régime déchu.

Commandos suicide prêts à agir

Conscients des difficultés rencontrées sur le terrain par les autorités afghanes, les anciens maîtres de Kaboul tentent par tous les moyens de détruire le peu d’emprise qu’elles ont à travers le pays. Des tracts ont ainsi été distribués dans plusieurs villes du sud exhortant la population à rejoindre «le jihad contre l’administration du président Karzaï». Selon ces tracts, des combattants talibans auraient formé des commandos suicide dont la mission serait de venger la mort de nombreux talibans en éliminant les responsables afghans. «Nous allons très bientôt lancer des attaques suicide, semblables à celles des moujahidines arabes», peut-on lire sur ces affiches qui n’hésitent pas à citer les noms des personnalités à éliminer.

Cette nouvelle stratégie de communication des taliban coïncide avec une recrudescence de l’insécurité qui depuis trois mois s’est considérablement aggravée à travers tout le pays, allant même jusqu’à frapper Kaboul, comme en témoigne l’attentat à la voiture piégée perpétré début juin contre un bus de l’Isaf. Le secrétaire américain à la Défense, Donald Rumsfeld, a eu beau annoncer le 1er mai dernier la fin des opérations militaires en Afghanistan, les faits lui donnent aujourd’hui largement tort. «Nous sommes au stade où nous sommes clairement passés d'une phase d'activités de combat à une période de stabilité et d'activités de reconstruction», avait-il affirmé. Or il ne se passe plus une semaine sans que de violents combats n’opposent les forces américaines ou alliées à des groupes de talibans infiltrés depuis le Pakistan voisin.

Inquiet de cette dégradation de la situation, le représentant spécial du secrétaire général des Nations unies, l’Algérien Lakhdar Brahimi avait lancé un cri d’alarme début mai devant le Conseil de sécurité. «Les forces présumées associées aux taliban, à l’organisation Al-Qaïda et au leader islamiste afghan Gulbuddin Hekmatyar ont accru leurs opérations dans le sud et le sud-est du pays et cette guerre pourrait gagner la capitale Kaboul», avait-il prévenu. Ces déclarations avaient été suivies de nombreux incidents impliquant aussi bien les soldats de l’Isaf présents à Kaboul que les troupes américaines déployées à travers le pays.



par Mounia  Daoudi

Article publié le 26/06/2003 Dernière mise à jour le 31/03/2004 à 16:29 TU