Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

Zimbabwe

Morgan Tsvangirai à nouveau inculpé pour haute trahison

Pour la seconde fois en deux ans, le chef de l’opposition zimbabwéenne a été inculpé pour haute trahison. Au terme d’une semaine de grève générale lancée par son parti, le président Robert Mugabe lui a reproché une tentative de «coup d’État». L’an dernier, Morgan Tsvangirai avait été accusé de comploter pour assassiner le chef de l’Etat –accusations contre lesquelles il se défend déjà devant la justice.
De notre correspondante à Johannesburg

Au lieu du dialogue recommandé par l’Afrique du Sud et le Nigéria, le bras-de-fer s’est encore durci, au Zimbabwe, entre le pouvoir et l’opposition. A la semaine de grève générale lancée par le Mouvement pour le changement démocratique (MDC), le régime de Robert Mugabe a répondu par la répression. Rafles et bastonnades ont été organisées par les milices, mais aussi par la police et l’armée. Quant à Morgan Tsvangirai, le chef de l’opposition, il a une nouvelle fois été arrêté, le 6 juin, et de nouveau inculpé pour haute trahison.

Aux yeux de Robert Mugabe, 79 ans, au pouvoir depuis 23 ans, les nouvelles manifestations organisées par le MDC n’avaient d’autre but que «le départ inconstitutionnel du chef de l’État». Autrement dit, une tentative de coup d’état. Alors que l’inflation, depuis janvier, a atteint 269%, et que les pénuries s’aggravent sur les produits de première nécessité, la situation paraît de moins en moins tenable. Robert Mugabe, lui, est plus déterminé que jamais. Face aux protestations des États-Unis et de l’Union européenne (UE), après l’arrestation de Morgan Tsvangirai vendredi, le président a rétorqué être «prêt à la bagarre». Comme à son habitude, il a accusé les puissances occidentales de comploter contre lui, en soutenant activement le MDC. S’il a réitéré ses appels au dialogue avec l’opposition, il a de nouveau posé ses conditions: que le MDC cesse de contester sa victoire électorale, en mars 2002, après des élections entachées de nombreuses irrégularités.

Morgan Tsvangirai, lui, devra faire face à un nouveau procès. Depuis février dernier, déjà, il se défend devant la justice contre une première accusation de haute trahison, portée contre lui avant les élections de 2002. Sa défense a été assurée avec brio par George Bizos. Ce célèbre avocat sud-africain est en passe de démontrer la machination dont Morgan Tsvangirai a été la victime. Diffusée par la radio-télévision nationale du Zimbabwe, l’an dernier, en pleine campagne électorale, une vidéo de mauvaise qualité, avec une bande son à peine audible, montrait le chef de l’opposition en train de discuter «l’élimination» de Robert Mugabe dans les bureaux de Dickens & Madson, une firme de conseil politique basée à Montréal (Canada).

Match nul

George Bizos a discrédité Ari Ben Menashe, le directeur de ce bureau, un ressortissant israélien au passé trouble, en le présentant comme un «fraudeur international». En mars dernier, une employée de Dickens & Madson a avoué que Morgan Tsvangirai était le seul et l’unique client de la firme au moment des faits. Depuis, le bureau a travaillé pour l’Union nationale africaine du Zimbabwe-Front patriotique (Zanu-PF), le parti au pouvoir à Harare. Le MDC serait tombé dans le piège en décembre 2001, attiré par la promesse faite par Ari Ben Menashe de lever quelque 2 millions de dollars de fonds aux États-Unis pour les besoins de sa campagne électorale.

La nouvelle accusation pour haute trahison portée vendredi contre Morgan Tsvangirai rend inutile ce premier procès et ouvre de fait une nouvelle procédure. Cette fois, la défense du leader de l’opposition, qui pourrait se voir privé de liberté conditionnelle, promet d’être longue et compliquée. En Afrique du Sud, l’opinion s’exaspère un peu plus contre Thabo Mbeki, accusé par son opposition de «ne rien faire» pour résoudre la crise au Zimbabwe. Dans le journal du dimanche The Sunday Times, la journaliste sud-africaine Ranjeni Munusamy, proche de Nelson Mandela, formule les mêmes critiques. «Ignorer les problèmes du continent ne les fera pas disparaître», écrit-elle.

Le politologue zimbabwéen Brian Raftopoulos, quant à lui, compare à un match nul la partie jouée la semaine dernière au Zimbabwe. «La grève générale a prouvé que l’opposition peut empêcher les gens d’aller au travail, a-t-il déclaré, mais le gouvernement a montré qu’il peut empêcher l’opposition d’aller dans la rue».



par Sabine  Cessou

Article publié le 09/06/2003