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Corse

Quand le gouvernement fait campagne pour le référendum

Le référendum sur la modification de l’organisation institutionnelle de la Corse doit se dérouler le 6 juillet. Les 191 000 électeurs de l’île sont appelés à se prononcer sur une réforme qui prévoit notamment la création d’une collectivité territoriale unique et la disparition des deux départements de Corse du Sud et de Haute Corse. Ce scrutin représente un enjeu important pour le gouvernement et surtout pour Nicolas Sarkozy, le principal promoteur du texte, qui n’a pas hésité à déclarer qu’une victoire du non serait pour lui «un échec».
Le Premier ministre Jean-Pierre Raffarin et le ministre de l’Intérieur Nicolas Sarkozy se souviendront longtemps de leur dernière visite en Corse avant le référendum, le 21 juin. Chahutés, obligés de monter sur des sièges en plastique pour haranguer une foule nettement moins importante que prévue réunie dans un hangar, ils ont eu bien du mal à faire passer leur message pour appeler à répondre oui à la réforme institutionnelle de la Corse. Cette dernière visite avant le scrutin a tourné au fiasco… Au moment même où les sondages montrent que les électeurs sont de plus en plus indécis.

Des enquêtes réalisées la semaine dernière ont constaté une baisse des intentions de vote en faveur de la réforme. L’institut Louis Harris a annoncé le score le plus serré avec 51 % pour le oui. Quant à la Sofres et à Ipsos, ils ont obtenu des résultats qui donnent le camp des partisans du nouveau statut plus largement vainqueur avec 55 %. Mais les précédentes enquêtes étaient beaucoup plus encourageantes pour les défenseurs du oui qui obtenaient entre 54 et 62 %. Reste malgré tout une grande inconnue : la participation. Il n’est pas sûr que les électeurs se déplacent massivement pour se prononcer sur le texte proposé par le gouvernement. Nombre d’entre eux ne sont, semble-t-il, pas vraiment convaincus de l’impact de cette réforme institutionnelle. Le sondage réalisé par Ipsos indique, par exemple, que 47 % des habitants de l’île croient que le nouveau statut ne permettra pas «d’améliorer la situation de la Corse».


Les nationalistes brouillent les cartes

Il est vrai que le scrutin du 6 juillet va se dérouler dans un contexte troublé par plusieurs dossiers délicats. Tout d’abord, le procès des assassins du préfet Erignac qui se déroule actuellement, et sur lequel plane l’ombre d’Yvan Colonna, le nationaliste suspecté d’y avoir participé mais qui n’a jamais été appréhendé. Cette affaire ramène le problème de la violence si traditionnelle dans l’île et de l’incapacité des forces de l’ordre à y mettre un terme au cœur du débat. D’autre part, le mouvement social contre la réforme des retraites qui a fortement touché la Corse où plus de la moitié des actifs sont fonctionnaires, fait peser le risque de voir les électeurs profiter de ce scrutin pour sanctionner le gouvernement.

C’est donc certainement pour convaincre les sceptiques et essayer de lever les ambiguïtés que le président de la République s’est lancé lui aussi dans la bataille électorale par le biais d’une interview accordée au quotidien régional Corse-Matin. Jacques Chirac n’a pas hésité à faire vibrer la fibre républicaine des insulaires en leur demandant de voter «oui» pour affirmer leur «attachement à la France et à la République». Il a dénoncé la violence, «le cancer de la Corse», et affirmé que face à elle l’Etat assumera «ses responsabilités». Et surtout, le président a voulu mettre un terme au débat autour de l’appel des nationalistes à voter oui au référendum qui empoisonne la campagne électorale et fait craindre à ceux qui les combattent de leur ouvrir une porte en entérinant la réforme institutionnelle. «Se déterminer à partir de ce que font les séparatistes, dire non parce que certains d’entre eux disent oui cela n’a pas de sens. Ce serait en réalité les rendre maîtres du jeu».

Il n’empêche que c’est bien là l’un des principaux arguments des opposants au changement de statut de la Corse qui estiment que certaines mesures comme la disparition des départements ou l’introduction d’un mode de scrutin à la proportionnelle pour élire l’assemblée territoriale, vont permettre aux nationalistes de marquer des points. Le maire radical de gauche de Bastia, Emile Zuccarelli, a déclaré que pour lui «le non est un acte de résistance». Et le divers droite Jérôme Polvérini a renchéri en affirmant que l’objectif de cette réforme est de «satisfaire l’une des revendications des nationalistes : la suppression des départements». Le socialiste Jean-Luc Mélenchon, qui s’est désolidarisé de la position officielle de son parti qui a appelé à voter oui, a lui estimé que «la Corse n’a pas besoin d’un énième rafistolage institutionnel» dont l’objectif est de «calmer l’attitude des séparatistes».

Face aux sceptiques, les enthousiastes, Jean-Pierre Raffarin et Nicolas Sarkozy en tête, font valoir au contraire que la réforme est une chance pour la Corse de faire un bond en avant vers un développement tant attendu. Le ministre de l’Intérieur qui a fait huit fois le déplacement sur l’île a beaucoup investi sur le dossier de la réforme institutionnelle et sortirait politiquement, et personnellement, affaibli si le non l’emportait au référendum. De même que le Premier ministre qui est allé trois fois en Corse, n’a pas économisé ses forces pour convaincre les électeurs et pour lequel cette consultation fait figure de test dans le cadre du projet de décentralisation. Durant sa dernière visite, Jean-Pierre Raffarin a même été jusqu’à pousser la chansonnette pour rendre hommage à l’Ile de Beauté [O Corsica que je t’aime] et a fait miroiter à ses habitants un avenir radieux en déclarant : «Le 6 juillet n’est pas un aboutissement. C’est un nouveau départ pour la Corse».




par Valérie  Gas

Article publié le 04/07/2003