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Corse

Le procès Erignac continue, sans Colonna

Jean-Louis Nadal, le procureur général de Paris, a demandé le renvoi du procès des huit hommes accusés d’avoir participé à l’assassinat du préfet Erignac, après l’arrestation du principal suspect dans cette affaire le nationaliste corse Yvan Colonna. Il n’a pas obtenu gain de cause. Le cours normal des audiences a donc repris et les avocats généraux ont requis des peines exemplaires contre les accusés. Yvan Colonna sera donc jugé plus tard et seul.
Au bout de quatre ans de traque sans effet, l’arrestation d’Yvan Colonna, le fugitif le plus recherché de l’Hexagone et assassin présumé du préfet Erignac, paraissait bien improbable. Et pourtant, la police a fini par le retrouver dans une bergerie corse le 4 juillet dernier. A quelques jours du terme du procès Erignac, l’arrestation du nationaliste, aujourd’hui chevelu et empâté, a changé une donne déjà bien compliquée.

Comment juger les complices d’un assassinat sans juger le principal suspect du crime, aujourd’hui emprisonné, et ne pas aboutir à un procès «tronqué» ? C’est cette question que le procureur général de Paris Jean-Louis Nadal a posé lorsqu’il a demandé lundi le renvoi du procès en cours pour assurer «une bonne administration de la justice» et notamment donner aux accusés «qui encourent de lourdes peines le bénéfice d’un débat contradictoire aussi large que possible incluant Yvan Colonna». Celui-ci ne peut en effet être déféré immédiatement devant les assises et depuis sa mise en examen, samedi, pour «assassinat en relation avec une entreprise terroriste» ne peut non plus être entendu en tant que témoin dans cette audience.

La stratégie du silence

La décision de dissocier les affaires remonte à 2001 lorsqu’une instruction séparée pour le cas d’Yvan Colonna, en fuite depuis mai 1999, a été ouverte. De ce fait, il n’y a aucune raison juridique pour perturber le déroulement du procès en cours. Et la requête de Jean-Louis Nadal de mener à son terme l’instruction du dossier d’Yvan Colonna pour juger ensuite tous les accusés ensemble n’a donc pas été prise en compte. D’autant que les avocats de la défense mais aussi de la partie civile ne s’y sont pas joints et ont au contraire demandé la poursuite du procès.

Maître Philippe Lemaire qui représente Dominique Erignac, la veuve du préfet assassiné, a avancé que face à la stratégie du silence appliquée consciencieusement par les accusés à laquelle s’associera vraisemblablement Yvan Colonna qui se dit «totalement étranger à l’affaire», il n’y a aucun intérêt à attendre encore de longs mois ou années pour obtenir un verdict que la famille espère déjà depuis longtemps. Les magistrats de la cour d’assises spéciale chargés de trancher ont suivi cet avis. Ils ont aussi estimé que cette affaire doit être jugée dans «un délai raisonnable». Dans le cas d’un renvoi du procès, les avocats pourraient en effet demandé la libération des accusés qui ont déjà passé quatre ans en détention provisoire.

Yvan Colonna sera donc jugé seul au terme d’une instruction séparée. Il a déjà été entendu par les juges antiterroristes Jean-Louis Bruguière et Gilbert Thiel, dès son arrivée à Paris samedi. Mais une audition sur le fond de l’affaire est prévue pour le 16 juillet. D’ici-là, le «premier» procès Erignac devrait être terminé. Le parquet a requis la réclusion à perpétuité pour quatre accusés : les deux «inspirateurs» du groupe Vincent Andriuzzi et Jean Castella, et les deux complices du crime soupçonnés d’avoir été présents Alain Ferrandi et Pierre Alessandri. Pour les quatre autres, les peines requises vont de 15 à 25 ans de réclusion.

Le verdict est attendu pour vendredi. Dans le cas où les accusés feraient appel, une hypothèse très vraisemblable, les condamnations ne pourront devenir définitives avant l’épuisement de tous les recours. Ce qui pourrait prendre plusieurs années. Durant cette période, les juges chargés de l’instruction du dossier d’Yvan Colonna vont devoir faire face à un nouvel obstacle juridique puisqu’ils ne seront pas autorisés à confronter tous les protagonistes en cours de jugement avec le nationaliste corse. Une situation qui, en l’absence de preuve matérielle, pourrait profiter à l’homme soupçonné d’avoir exécuté le préfet Erignac en lui tirant trois balles dans la tête, qui ne cesse de clamer son innocence.



par Valérie  Gas

Article publié le 08/07/2003