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Entreprises

L’actionnaire se rebiffe

Illégale selon la COB, illégitime selon Vivendi Universal, l’indemnité de départ de Jean-Marie Messier, chiffrée à 20,6 millions d’euros, relance la polémique sur les «parachutes en or » des dirigeants d’entreprises évincés pour mauvais résultats. Le débat s’étend désormais à leurs rémunérations, en augmentation rapide.
La Commission des opérations de bourse (COB) a obtenu de la justice française la mise sous séquestre des 20,6 millions d’euros d’indemnités exigés par l’ex-PDG de Vivendi Universal (VU) pour prix de son éviction de l’entreprise, il y a un an. Selon le gendarme de la bourse de Paris la convention octroyant ce «parachute en or» à Jean-Marie Messier n’a pas été autorisée par le conseil d’administration de l’entreprise. L’ex-patron de VU pourra toucher cette somme, confirmée par un tribunal américain début juillet, lorsque l’assemblée générale des actionnaires se sera prononcée. Cela risque de prendre un certain temps car les successeurs de Jean-Marie Messier à la tête du groupe jugent cette indemnité illégitime au regard du gouffre financier laissé par J2M au moment où il a été acculé à la démission.

De la même façon, l’Association pour la défense des actionnaires minoritaires (Adam) s’oppose au versement d’une quelconque indemnité et menace de porter elle aussi l’affaire devant les tribunaux. Le cas particulièrement emblématique de Jean-Marie Messier n’est cependant pas isolé et, dans une conjoncture économique et boursière défavorable, l’actionnaire qui s’estime grugé rejette le qualificatif réducteur de «petit porteur» et commence à se rebiffer. La mésaventure est arrivée à Pierre Bilger contre lequel les actionnaires du groupe Alstom se sont violemment rebellés lors de la dernière assemblée générale, exigeant l’annulation d’une prime de départ en retraite de 5 millions d’euros pour l’ancien PDG, alors que le prix de l’action à été divisé par dix en cinq ans. Le phénomène n’est pas seulement français. Une campagne est en cours en Grande-Bretagne sur le même thème, la lutte contre les «chats gras », les «fat cats».

Risques de tensions sociales

Les actionnaires, mais aussi les salariés, d’entreprises en difficultés acceptent de plus en plus mal de laisser des plumes dans des opérations hasardeuses dont les vrais responsables, qui justifient d’ailleurs leurs hautes rémunérations par ces responsabilités mêmes, ne supportent en fait aucune conséquence. Outre les «parachutes en or» ce sont désormais les salaires et rémunérations des dirigeants qui sont en question. En 2002 les entreprises qui constituent l’indice boursier du CAC 40 ont perdu 20 milliards d’euros alors que, dans le même temps, la moitié des patrons de ces entreprises se sont augmentés. La rémunération totale des patrons du CAC 40 est passée à plus de 2 millions d’euros en 2002 contre 1,8 million en 2001.

Cela a pris une telle ampleur que la commission des lois de l’Assemblée nationale, sur l’initiative du groupe UMP majoritaire, a créé une mission d’information sur les rémunérations des dirigeants des grandes entreprises. Les patrons français sont devenus les mieux payés d’Europe alors que les résultats ne le justifient pas toujours. Les députés, agitant la menace implicite de légiférer sur cette question en cas de nécessité, demandent donc au Medef, l’organisation du patronat français, de mettre de l’ordre dans des rémunérations «scandaleuses», primes de départ et stock-options, qui risquent d’alimenter des tensions sociales. Ernest-Antoine Seillière, président du Medef, a rétorqué que la rémunération des patrons est l’affaire des seuls actionnaires, conseils d’administrations et directions.

Cette attitude pourrait changer car le vent commence aussi à tourner outre-Atlantique où la question des hautes rémunérations des dirigeants n’a jamais été taboue. Une entreprise symbolique du système, Microsoft a annoncé qu’à compter de septembre prochain les stock-options disparaîtraient comme forme d’intéressement et de rémunération indirecte du personnel. Microsoft prend ainsi en compte et anticipe les nouvelles règles comptables américaines nées de l’éclatement de la bulle boursière et des scandales financiers récents tels Enron et WorldCom.



par Francine  Quentin

Article publié le 10/07/2003