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Corse

Colère des nationalistes contre le verdict du procès Erignac

Après les lourdes condamnations prononcées contre les accusés de l’assassinat du préfet Erignac, leurs avocats ont annoncé leur intention de faire appel. Du côté des partis indépendantistes et nationalistes corses on proteste contre un verdict qualifié de «vengeance». Une manifestation nationaliste devrait avoir lieu le 19 juillet prochain. Le ministre de l’Intérieur Nicolas Sarkozy a invité les Corses à «tourner la page de la violence». Mais, dans la crainte d’attentats, des consignes de vigilance ont été données aux forces de l’ordre, en Corse, à Marseille et aussi à Paris, notamment à l’occasion des festivités du 14 juillet.
Les magistrats de la cour d’assises spéciale de Paris ont été dans le sens des réquisitions des avocats généraux dans le procès des assassins du préfet Erignac en prononçant des peines sévères à l’encontre des huit accusés. Alain Ferrandi et Pierre Alessandri ont été condamnés à la réclusion à perpétuité, Vincent Andriuzzi et Jean Castella à 30 ans, Didier Maranelli à 25 ans, Martin Ottaviani et Michel Istria à 20 ans et Joseph Versini à 15 ans. Ce verdict a provoqué la colère des nationalistes corses présents dans la salle qui ont levé le poing et entonné leur hymne en soutien aux accusés avant d’être évacués par la police.

«Votre décision est importante. Elle est espérée, redoutée, attendue. Actuellement, le droit est du côté de la famille Erignac. Descendez et descendez beaucoup par rapport aux réquisitions. Autrement, dès le 11 juillet, le droit serait de l’autre côté. Ne laissez pas la place à une terrible vendetta.» La plaidoirie de maître Vincent Stagnara, avocat de quatre des accusés du procès Erignac mais aussi ancien responsable du parti nationaliste Cuncolta, a pris le ton d’un avertissement. Il n’a pas simplement appelé les sept magistrats de la cour d’assises spéciale de Paris à la clémence, il leur a expliqué à quel point leur décision était susceptible d’entraîner des protestations et même des actions violentes en Corse. Comme pour donner plus de poids à ces déclarations, trois à quatre cents militants nationalistes ont manifesté jeudi devant l’assemblée de Corse pour affirmer leur soutien aux accusés qu’ils considèrent comme des «prisonniers politiques» qui ont fait l’objet de réquisitions «iniques».

En début de semaine, les avocats généraux avaient en effet requis les peines les plus sévères pour les huit hommes accusés d’avoir participé à l’assassinat du préfet Claude Erignac. Contre Jean Castella et Vincent Andriuzzi, soupçonnés d’être les «cerveaux» du crime, ils ont demandé la réclusion à perpétuité assortie d’une période de sûreté de 22 ans. De même que pour Alain Ferrandi qui était aux côtés du tueur au moment du crime. Contre Pierre Alessandri, qui avait assuré la couverture des assassins, ils ont requis la perpétuité simple, 25 ans contre Martin Ottaviani et Didier Maranelli et 20 ans contre Joseph Versini et Marcel Istria. Tous les quatre ont reconnu avoir participé à l’assassinat mais n’ont pas voulu révéler leurs rôles respectifs. Par contre, Jean Castella et Vincent Andriuzzi ont nié toute implication et leurs avocats ont fait valoir l’absence de preuves formelles contre eux. Ils ont d’ailleurs décidé immédiatement après l’énoncé du verdict de faire appel de leur condamnation à 30 ans de réclusion.

Un homme ou un «symbole» ?

Pour la défense, les avocats généraux n’ont pas pris en compte le «contexte politique» dans lequel a eu lieu cet assassinat. «La société corse tout entière ne fonctionnait pas… Quand rien ne fonctionne plus normalement, vient un jour où des coups de folie arrivent», a asséné maître Luc Brossolet, l’avocat de Didier Maranelli. Lors de leurs plaidoiries, les avocats des accusés ont tenté d’atténuer la responsabilité de leurs clients en expliquant les dérives d’une «guerre fratricide» au sein de la mouvance nationaliste dans laquelle s’est inscrit l’assassinat de Claude Erignac. Maître Stagnara a lié la mort de ce dernier à celle des nationalistes tués en Corse. Il a déclaré que le meurtre du préfet est «la suite terrible de ces morts chez nous dont les accusés imputent à tort ou à raison la responsabilité à l’Etat». La défense a insisté sur l’aspect «symbolique» du crime. Ce n’était pas, à écouter certains avocats, un homme qui était visé, c’était un «symbole de la République». Mais ce n’est pas un symbole qui est mort assassiné de trois balles dans la tête, c’est un homme, un père, un mari comme l’ont rappelé ses enfants lorsqu’ils ont témoigné à la barre. Et comme l’a martelé le procureur général de Paris Jean-Louis Nadal.

Les magistrats n’ont donc pas estimé que le «contexte politique» atténuait la gravité de l’acte commis par les huit hommes. Ils ont été dans le sens des réquisitions des avocats généraux. Les organisations nationalistes corses n’ont pas voulu réagir immédiatement après l’énoncé du verdict préférant «prendre le temps de la réflexion».

Ce premier verdict contre les assassins de Claude Erignac ne clôt pas l’affaire. L’homme soupçonné d’avoir tiré sur lui, Yvan Colonna, arrêté le 4 juillet après quatre ans de cavale, sera jugé séparément. Son procès devrait avoir lieu d’ici deux ans. C’est à ce moment-là peut-être que la famille du préfet assassiné aura les moyens d’arriver au bout de sa quête pour obtenir la «vérité», qui aujourd’hui ne lui a été que «partiellement donnée».



par Valérie  Gas

Article publié le 12/07/2003