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Union européenne

Le rapport qui fait scandale

Un groupe d’économistes européens se prononce pour un assouplissement du sacro-saint pacte de stabilité et de croissance qui lie les pays de la zone euro, venant ainsi à la rescousse de Jacques Chirac. Dans un rapport au président de la Commission européenne ces experts plaident également pour une réforme profonde du budget européen, réduisant drastiquement la part de l’agriculture.
Un rapport commandé il y a un an par le président de la commission européenne Romano Prodi à un groupe d’experts vient secouer la torpeur estivale dans l’Union européenne. Ces sept économistes, sous la houlette d’André Sapir, membre du groupe des conseillers politiques de la commission européenne, font des propositions qui déjà entraînent la polémique. Elles touchent à deux aspects essentiels pour la communauté : le pacte de stabilité et de croissance des douze pays de la zone euro et la réforme du budget de l’Union européenne à 25 à partir du 1er mai 2004.

Avant même sa publication, le 17 juillet à Bruxelles, ce document a été critiqué en raison de l’importance qui lui est donnée par rapport à d’autres travaux prospectifs du même genre. Il n’en faillait pas plus pour que, dans les couloirs des institutions européennes, on y voie le reflet de la position du président de la commission européenne lui-même. Le porte-parole de Romano Prodi a donc fait savoir que ce rapport n’engageait, en l’état, que ses auteurs.

Que proposent donc ces économistes pour entraîner à la fois les protestations de Michel Barnier, commissaire européen chargé de la politique régionale et les réticences du commissaire à l’agriculture Franz Fischler ?

Renationalisation

Tout d’abord, le rapport suggère qu’en ces temps de crise économique on mette davantage l’accent sur l’aspect croissance du pacte de stabilité européen. Il préconise donc un assouplissement de la règle qui limite à 3% du PIB le déficit budgétaire autorisé dans la zone euro. Il estime qu’il convient de revoir le seuil à partir duquel des conditions exceptionnelles peuvent être invoquées pour permettre aux pays de dépasser cette limite. Actuellement, il faut un recul d’au moins 2% du PIB sur une année et les experts souhaiteraient que la souplesse soit possible dès que la récession se profile et sans attendre davantage.

Voilà qui devrait mettre du baume au cœur de ceux qui tels Jacques Chirac plaident pour cet assouplissement de la règle. La France et l’Allemagne sont toutes deux confrontées à un déficit ou un endettement excessif au regard des critères du pacte dans leur tentative de relancer la croissance. En revanche, la Banque centrale européenne n’en démord pas et réitère son appel à respecter «sans faille» le pacte de stabilité.

Mais le rapport va plus loin encore dans l’audace en qualifiant le budget européen tel qu’il est actuellement conçu de «vestige historique». Il dénonce en particulier l’importance des sommes consacrées à la politique agricole commune et aux politiques régionales qui représentent à elles deux 70% d’un budget communautaire de 100 milliards d’euros. Les auteurs proposent une nouvelle définition du budget européen qui donnerait la priorité au financement de la recherche et du développement, de l’innovation, de l’éducation et des infrastructures, jugées plus favorables au retour de la croissance que le financement d’un secteur agricole «dont la signification économique décline».

Parallèlement à un allégement drastique des financements liées à l’agriculture les Etats-membres pourraient retrouver dans ce domaine des compétences qui reviennent actuellement à l’Union européenne. Quant aux fonds structurels, alloués à des régions en retard sur la moyenne européenne, ils devraient être attribués aux pays les plus en difficultés de la communauté. Cette «renationalisation» fait sortir de ses gonds le commissaire européen Michel Barnier qui la juge insensée, niant le succès et l’utilité des politiques régionales de développement. Quant au commissaire à l’Agriculture, Franz Fischler, qui vient à peine de faire adopter et non sans difficultés, sa réforme de la PAC, il invite à «y réfléchir à deux fois» avant d’envisager l’application des conclusions de ce rapport.

Ecouter également :

l'invité matin de RFI : Jean Pisani-Ferry et Philippe Aghion, tout les deux économiste et membres du groupe de travail qui a remis à Romano Prodi ce rapport.



par Francine  Quentin

Article publié le 17/07/2003