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Philippines

Des mutins occupent un complexe au cœur de Manille

Quelques heures avant l’occupation d’un complexe résidentiel et commercial du quartier des affaires de Manille par quelque 200 militaires philippins, la présidente, Gloria Aroyo, dénonçait un complot d’officiers subalternes. «Sur mes ordres, les forces armées et la police nationale mènent la chasse pour arrêter un petit groupe d’officiers subalternes et de soldats félons qui ont déserté leur poste et emmené illégalement des armes avec eux», annonçait-elle dans un communiqué diffusé à la radio. «Nous avons le plein contrôle de la situation», précisait-elle également. Quelques heures plus tard, Gloria Aroyo revenait sur ces affirmations, décrétant notamment l’état de rébellion et autorisant le chef d’état major, le général Narciso Abaya à faire usage de la force pour mettre fin à la rébellion.
Le quartier des affaires de Manille a pris depuis la nuit de samedi à dimanche des allures de camp retranché. Quelque 200 mutins ont pris le contrôle du Ayala center, un complexe résidentiel et commercial du quartier de Makati, situé à quelques dizaines de mètres à peine de la Bourse. Les militaires, portant des tenues de camouflage et des brassards rouges, ont posté des tireurs sur les toits et placé des explosifs autour de la zone. Les immeubles ont en outre été piégés par des mines dont les fils courent le long des façades. Le centre, composé d’un hôtel cinq étoiles, de deux grands magasins et d’un complexe immobilier de luxe ou vivaient de nombreux étrangers a peu à peu été évacué. Six heures après son occupation les insurgés, qui ont démenti vouloir retenir des otages, ont en effet laissé sortir les quelque 300 habitants qui ont pu quitter le quartier à bord de cinq bus. Un ressortissant vénézuélien a même affirmé que les soldats rebelles «étaient très gentils et qu’ils ne leur avait fait rien de mal».

Dans un enregistrement vidéo diffusé sur la chaîne ABS-CBN les insurgés réclament la démission du gouvernement de Gloria Aroyo qu’ils accusent de corruption, de soutien aux rébellions communiste et islamiste et de vouloir décréter la loi martiale afin de rester au pouvoir à l’expiration de son mandat en 2004. Un des porte-parole des mutins, le lieutenant de marine Antonio Trillanes –un des dix officiers clairement identifiés dans la tentative de coup d’Etat dénoncée samedi après-midi par la présidente philippine qui avait ordonné leur arrestation– a estimé à 2 000 le nombre de militaires soutenant leur action. Mais ce nombre a très vite été contesté par le ministre de la Défense Angelo Reyes qui a évalué à tout au plus 200 hommes le nombre total des rebelles, la plupart participant selon lui à l’occupation du Ayala Center.

Deux ultimatums rejetés

Dans une déclaration diffusée à la télévision et à la radio, la présidente Aroyo a fixé dimanche matin un premier ultimatum pour 17h00 (9h00 GMT) aux mutins pour qu’ils se rendent, remettent leurs armes et rentrent dans leur casernes. «En cas de refus, a-t-elle menacé, l’armée sera autorisée à faire un usage raisonnable de la force pour déloger votre groupe rapidement et efficacement». Moins de deux heures avant l’expiration de cet ultimatum, un groupe d’une cinquantaine d’insurgés s’est rendu aux forces armées qui avait bouclé dans la nuit le secteur à l’aide de véhicules blindés et de camions militaires. Les soldats sont descendus en milieu d’après-midi d’un appartement situé à un étage élevé d’une résidence de luxe et ont marché sous la pluie jusqu’à un emplacement de parking où ils ont déposé leurs armes.

A l’expiration de ce premier ultimatum, les autorités philippines ont annoncé que les mutins avaient encore deux heures pour se rendre. Parallèlement, elles ont dépêché des négociateurs pour tenter de convaincre les militaires rebelles de regagner leurs casernes. Ces derniers, qui ont démenti vouloir prendre le pouvoir, ont refusé de rendre les armes mais ont toutefois accepté de discuter avec les émissaire de la présidente Aroyo. A l’expiration du second ultimatum, le chef de l’Etat philippin a renoncé à déclencher un assaut, préférant s’en remettre aux négociateurs.

L’occupation du Ayala center a été unanimement condamnée par la communauté internationale, avec en tête les Etats-Unis, proches alliés des Philippines. Un porte-parole du département d’Etat a ainsi affirmé qu’il ne devait y avoir aucun doute sur le soutien total de Washington à la présidente Aroyo. «Un coup d’Etat militaire aurait des conséquences négatives immédiates», a-t-il en outre souligné.



par Mounia  Daoudi

Article publié le 27/07/2003