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Corée

Pékin fait tout pour désamorcer la crise nucléaire

Les informations qui ont filtré ces dernières semaines concernant le programme nucléaire nord-coréen ont visiblement inquiété la Chine qui depuis une quinzaine de jours a multiplié les contacts avec le régime de Pyongyang pour le convaincre de reprendre le dialogue avec les Etats-Unis et les pays de la région. Depuis le déclenchement de la crise en octobre 2002, la Corée du Nord insiste en effet pour établir des négociations bilatérales avec les Américains, ce que Washington refuse, estimant qu’il s’agit avant tout d’une crise régionale dont l’issue ne peut être trouvée sans le Japon, la Corée du Sud et la Chine. Le compromis proposé par Pékin pour la reprise des négociations pourrait toutefois été remis en cause, les dernières informations faisant état de l’existence d’une deuxième centrale nucléaire ayant brusquement fait monter la tension dans la région.
L’information a été révélée ce week-end par le New York Times. Selon le quotidien, qui cite des responsables américains et asiatiques, le régime de Pyongyang aurait construit un deuxième centre nucléaire pour la production de plutonium susceptible de renforcer son arsenal nucléaire. Des capteurs placés aux frontières de la Corée du Nord ont détecté, selon ces experts, des niveaux élevés de krypton 85, un gaz émis lors de la transformation de combustible usagé en plutonium. Ce qui préoccupe le plus les spécialistes, c’est que ces émanations de gaz ne proviennent pas du réacteur connu de Yongbyon, dont la remise en marche est à l’origine de l’actuelle crise. Des analyses par ordinateur semblent en effet indiquer que ces gaz proviennent d’une seconde centrale secrète qui pourrait être enfouie dans une zone montagneuse.

Ces révélations interviennent au lendemain de la publication d’un document du ministère sud-coréen de la défense faisant étant du déploiement par Pyongyang de nouveaux missiles à longue portée capable d’atteindre le Japon, distant de quelque 500 km. «Le Nord a déployé récemment un bataillon de missiles Rodong pour renforcer sa capacité militaire et a transféré vers des positions avancées des canons de 170 et 240 mm», indique ce document. D’après Séoul, les missiles Scud B/C du Nord ont une portée de 300 à 500 km et les missiles Rodong, dont le nombre serait en augmentation, pourraient atteindre des objectifs à 1 300 km. Quelques jours auparavant un responsable nord-coréen affirmait en outre que Pyongyang avait finalisé le 30 juin le retraitement de 8 000 barres de combustibles irradiés pour en extraire le plutonium nécessaire à la fabrication de l’arme nucléaire.

Précédant ces révélations et très préoccupé par la situation en Corée du Nord, le directeur général de l’Agence internationale pour l’énergie atomique, l’Egyptien Mohammed al-Baradeï a tiré la semaine dernière la sonnette d’alarme au sujet du programme nucléaire de Pyongyang. «A mes yeux, a-t-il notamment affirmé, la situation de la Corée du Nord constitue la menace la plus immédiate et la plus grave qui pèse sur le régime de non-prolifération». Le patron de l’AIEA a en outre trouvé regrettable que depuis l’expulsion en décembre dernier des inspecteurs en désarmement de Corée du Nord, «très peu de progrès semble avoir été réalisé sur ce dossier». «J’espère vivement, a-t-il ajouté, que la communauté internationale va concentrer ces efforts à ramener les autorités nord-coréennes au régime de non-prolifération».

Le compromis chinois en péril

Même si la Corée du Sud a tenté lundi de minimiser les informations publiées par le New York Times, ces révélations risquent de constituer une nouvelle pierre d’achoppement dans le bras de fer diplomatique qui oppose depuis des semaines Nord-Coréens et Américains. Seul soutien du régime de Kim Jong Il à qui elle fournit entre 70 et 90% du pétrole nécessaire à sa survie, La Chine, visiblement préoccupée par la nucléarisation possible de la péninsule coréenne, a mis ces dernières semaines tout son poids pour tenter de relancer les négociations entre Pyongyang et Washington. Pékin a ainsi dépêché en Corée du Nord, quatre jours durant, l’un des ses meilleurs diplomates, le vice-ministre des Affaires étrangères Dai Bingguo, porteur d’une lettre au numéro un du régime, Kim Jong Il. Cette visite a été qualifiée de «bénéfique» par la Pékin qui a souligné que les deux parties avaient eu «des échanges de vue en profondeur, en particulier sur la question nucléaire coréenne». Dai Bingguo s’est ensuite rendu dans la foulée aux Etats-Unis où il a rencontré le vice-président Dick Cheney, le secrétaire d'Etat Colin Powell et la conseillère présidentielle pour la sécurité nationale Condoleezza Rice. Ici encore les discussions ont été qualifiées d’«utiles et détaillées».

Le compromis proposé par Pékin semblait, il y a quelques jours encore, convenir aussi bien aux Américains qu’aux Coréens. Pour satisfaire Pyongyang, qui exige des négociations bilatérales avec les Etats-Unis, et Washington qui les rejette, la Chine a en effet suggéré pour sortir de l’impasse l’organisation d’une rencontre multilatérale laissant la possibilité à des contacts bilatéraux. Cette formule, satisfaisante encore pour les deux parties la semaine dernière, pourrait bien ne plus être à l’ordre du jour maintenant que des informations qualifiées d’«inquiétantes» par la Maison Blanche filtrent sur l’arsenal nucléaire nord-coréen présumé.



par Mounia  Daoudi

Article publié le 21/07/2003