Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

Chine

Le chef de Hong Kong est sur un siège éjectable

Sous la pression de la rue, le gouvernement de Hong Kong reporte le vote de la loi anti-subversion voulue par Pékin.
De notre correspondante à Pékin.

Jamais Hong Kong n’avait connu une telle crise depuis la rétrocession de l’île à la Chine en 1997. Suite aux pressions populaires et politiques dans l’ancienne colonie britannique, le chef de l’exécutif hongkongais, Tung Chee Hwa, a différé le vote de la loi anti-subversion prévu initialement ce mercredi. Le vote de l’article 23 de la constitution de Hong Kong qui prévoit une lutte intense contre toute tentative de sédition, de sécession, de trahison et de vole de secrets d’Etat est remis au mois d’octobre. M.Tung, lui, est sur la sellette.

Près d’un demi-million de personnes ont entamé une marche pour les libertés le 1er juillet dernier. Les observateurs étaient loin d’imaginer que cette protestation allait déclencher une véritable crise à Hong Kong . Depuis le massacre de la place Tian an men le 4 juin 1989 aucun rassemblement n’avait connu pareil succès sur l’île. En cas de vote de la loi anti-subversion au parlement local, les libertés fondamentales dont jouit Hong Kong jusqu’à présent seraient fortement remises en causes.

En dépit de ce mouvement populaire, Tung Chee Hwa, nommé à la tête de l’exécutif hongkongais par les dirigeants chinois il y a six ans, avait maintenu un vote du Conseil législatif sur le texte mercredi, conformément au calendrier initial. La pression l’avait obligé à reculer samedi sur trois des principaux points de contentieux. Une clause portant sur l’interdiction d’organisations déclarées hors la loi en Chine communiste comme la secte Falun gong, et sur des perquisitions de police sans mandat de justice avait ainsi été amendée. Malgré cette concession saluée par le Parti démocrate, la crise n’était toujours pas désamorcée. Les démocrates et les autres partis d’opposition réclamaient en plus le report de la loi.

Retournement

Mais le coup de théâtre est véritablement intervenu dimanche lorsque James Tien leader du Parti libéral et proche de Tung Chee Hwa a annoncé sa démission. Hésitant sur la position à adopter face à cette crise, les libéraux avaient confirmé qu’ils souhaitaient également un report de la loi. Proche des milieux d’affaires et des professions libérales, James Tien s’était rendu un peu plus tôt à Pékin pour faire état de la crise aux dirigeants communistes. En recevant l’aval de Pékin sur un éventuel report de la loi, M.Tien n’avait plus qu’à déposer sa démission au gouvernement. «James Tien est plutôt pro-gouvernemental et avait l’assurance de Pékin qu’il ne lui arriverait rien suite à cette décision. En tant que représentant des avocats très en pointe dans la contestation, la pression était très lourde sur ses épaules» affirme Eric Sautedé rédacteur en chef de la revue Perspectives Chinoises du Centre d’Etudes Français sur la Chine contemporaine (CEFC) à Hong Kong. La démission de M.Tien a donc contraint Tung Chee Hwa à reporter le vote de la loi qui ne serait sans doute pas passer sans les voix des libéraux au parlement.

Suite au tollé qu’a suscité le report du vote de la loi anti-subversion, Pékin est resté muet, s’en remettant au principe d’«un pays deux systèmes» en vigueur sur l’île depuis 1997. Considérant officiellement que les affaires de Hong Kong doivent être gérées par le gouvernement local, les réactions, tant dans la presse qu’au sein du gouvernement chinois ont plutôt été discrètes. La pression qui s’abat sur le gouvernement de M.Tung vient pour le moment des députés du DAB, le parti pro-Pékin à l’origine de la loi anti-subversion. Selon son président Tsang Yok-sin «il existe une possibilité» pour qu’il se retire du cabinet de M. Tung. Dans ce cas de figure, un remaniement ministériel serait inévitable étant donné le manque de soutien auquel ferait face Tung Chee Hwa.

Une démission de M.Tung ne pourrait en revanche se faire sans le consentement de Pékin, qui dans cette histoire, semble bien embarrassé. La démission du chef de l’exécutif de Hong Kong , nommé lui-même par Pékin, serait un aveu de sa défaillance. De plus, ce serait la première fois que des protestations populaires aussi fortes contraignent Pékin à débaucher un haut fonctionnaire de Hong Kong. «Il est intéressant de voir qu’une forme même limitée de démocratie, comme c’est le cas à Hong Kong, aboutisse et contraigne le gouvernement à reculer. C’est déjà un grand pas» constate Eric Sautedé du CEFC. D’après certains analystes en poste à Hong Kong , il est fort possible que M.Tung soit remplacé à l’automne prochain avant la reprise des débats à l’assemblée concernant la loi anti-subversion.

Lire aussi :
Hong Kong : Tung Chee-hwa et le «pouvoir du peuple»
Chronique Asie d'Any Bourrier



par Michaël  Sztanke

Article publié le 09/07/2003