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Union européenne

Les routiers taxés au poids

La Commission européenne travaille à une nouvelle directive sur la taxation des poids lourds qui prendrait mieux en compte les coûts réels du transport routier. Une harmonisation dans l’Union s’impose au moment où certain pays prennent, sans concertation, des mesures nationales.
Un camion qui emprunte une autoroute européenne n’utilise pas seulement une infrastructure onéreuse à construire et à entretenir. Il génère aussi des coûts indirects liés aux accidents, à la pollution atmosphérique, au bruit et à l’encombrement du réseau routier. Désormais, un consensus semble établi sur la nécessité de faire payer aux camions ces coûts supplémentaires imposés à la collectivité. Mais, pour l’instant, le plus grand désordre règne dans l’Union européenne qui compte 50 000 km d’autoroutes et plus de 10 milliards de tonnes de marchandises transportées chaque année par la route.

Certains pays comme la France imposent un péage aux usagers des autoroutes, mais dans ce cas la législation européenne ne les autorise pas à prendre en compte plus que le prix des infrastructures. D’autres pays comme la Belgique, les Pays-Bas, le Luxembourg ou le Danemark ont instauré le système de l’eurovignette ou redevance annuelle en fonction de la taille ou de l’émission polluante du véhicule. Il s’agit donc d’une taxation fixe sans lien avec la distance parcourue et donc l’usure réelle des autoroutes. Enfin d’autres pays ne prélèvent aucune redevance. La charge moyenne supportée par un poids lourd parcourant 100 km en Europe varie de 12 à 24 euros dont à peine plus de 8 euros de redevance d’infrastructure.

La diversité menace de s’aggraver encore en Europe avec l’instauration par l’Allemagne à partir du 1er août d’une redevance pour les poids lourds limitée aux étrangers car remboursée aux Allemands. La Commission européenne a d’ailleurs annoncé l’ouverture d’une enquête sur la légalité de cette mesure au regard de la concurrence. De son côté la France dont la situation géographique fait un lieu de passage quasi obligatoire entre le nord et le sud de l’Europe envisage sérieusement une disposition du même type. L’Autriche attribue des «écopoints» aux poids lourds qui empruntent ses autoroutes en fonction de leur degré de pollution.

Modulation et harmonisation

La Commission européenne prépare donc une directive ou loi européenne qui définirait une tarification de l’usage des infrastructures intégrant l’ensemble des coûts y compris environnementaux. Il s’agirait d’une grille commune de fixation des tarifs laissant tout de même une marge de manœuvre à chaque Etat membre. Dans un livre blanc publié en 2001 sur la politique des transports en Europe à l’horizon 2010 la Commission européenne estimait que ce n’est pas tant le niveau global des taxes qui doit changer que leur répartition en fonction de facteurs objectifs comme les performances environnementales, le chargement, la période de la journée, de la semaine ou de n’année et la localisation urbaine on non, autoroute, route nationale ou voie urbaine.

Les propositions de la Commission qui devront être soumises aux ministres des Transports des Quinze puis au Parlement européen vont se heurter aux réticences des pays situés aux pourtour de l’Union européenne, comme l’Italie, l’Espagne ou l’Irlande qui craignent de voir leurs transporteurs pénalisés lourdement lors de leur passage dans les pays de transit. Ces pays de transit au contraire, France, Allemagne et Autriche, devraient y être favorables. Toutefois, la Commission souhaite que les recettes de la taxation soit affectées à des fonds spécifiques et non aux recettes générales de l’Etat afin de financer des mesures favorables à l’environnement ou la construction de mode de transports alternatifs à la route. Cette nuance est d’importance au moment où les ministres des Transports de l’Union se penchent sur un vaste programme de relance des infrastructures qu’un groupe d’experts évalue à 250 milliards d’euros d’ici 2020.

En attendant, les entrepreneurs du transport routier protestent contre les risques de renchérissement de leur activité commerciale. Et les syndicats de routiers tels la fédération générale des transports CFDT dénoncent au contraire le manque de rééquilibrage entre les différents modes de transports. Ils soulignent aussi que les conducteurs peuvent être les premières victimes de la modulation des tarifs, craignant tout particulièrement un recours accru au travail de nuit si la taxe y est moins chère.



par Francine  Quentin

Article publié le 23/07/2003