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Allemagne

La réforme par le consensus

L’Allemagne est parvenue, à l’issue de négociations entre la majorité et l’opposition, à un accord sur la réforme de l’assurance maladie. Confronté au même phénomène de dérapage des dépenses de santé, le gouvernement français, échaudé par les mouvements provoqués par sa réforme des retraites a choisi d’aborder avec prudence ce nouveau dossier socialement explosif.
Le gouvernement allemand, social-démocrate et vert, s’est mis d’accord avec l’opposition CDU-CSU sur un projet de réforme du système de santé. Gerhard Schröder était confronté à la double nécessité d’enrayer le dérapage des dépenses de santé tout en obtenant au Bundesrat (Chambre haute) le soutien de l’opposition qui y est majoritaire. La négociation a donc payé et le projet de loi qui sera soumis au parlement allemand dans quelques mois devrait franchir l’obstacle sans difficultés.

Un peu hâtivement mis au compte de la préférence allemande pour le consensus social sur la confrontation, cet accord politique n’en demeure pas moins exceptionnel et n’allait pas de soi. La réforme de l’assurance maladie a pour buts une baisse des cotisations afin d’alléger les charges des entreprises et des économies drastiques sur les remboursements afin d’éponger le déficit en constante augmentation. D’autant que le chômage augmente et que la croissance économique est en panne, pesant sur les rentrées de cotisations.

Comme dans tous les pays industrialisés, les dépenses d’assurance maladie ont augmenté en Allemagne du fait du vieillissement de la population, du coût croissant des techniques de plus en plus sophistiquées et du recours aux soins plus fréquent. Résultat, en 2002, l’assurance maladie a atteint 142 milliards d’euros et le déficit s’est creusé à 3 milliards d’euros. Il est vrai, aussi, que le système allemand est l’un des plus généreux du monde et, à l’exception des Américains et des Suisses, les Allemands sont ceux qui dépensent le plus pour leur système de santé. Les cotisations, réparties pour moitié entre employeur et salarié, représentent plus de 14% du salaire brut.

Des assurés moins remboursés

La réforme en cours, après le compromis politique intervenu, table sur des économies de l’ordre de 10 milliards d’euros dès l’an prochain pour atteindre progressivement 23 milliards d’euros par an d’ici 2006 ou 2007. Afin d’y parvenir les bénéficiaires de l’assurance maladie devront payer plus. D’un côté, leurs cotisations devraient baisser à 13% du salaire brut, mais de l’autre, ils seront moins remboursés de leurs dépenses. Désormais, ils devront acquitter directement jusqu’à 10 euros par visite chez le médecin, les prothèses dentaires ne seront plus couvertes, les médicaments sans ordonnance médicale seront entièrement à la charge du patient. Les congés-maladie passent entièrement à la charge des salariés, exemptant les employeurs. Toutefois la participation directe des assurés ne pourra dépasser 2% de leur revenu.

Présenté comme l’un des chantiers principaux du programme du gouvernement Schröder, la réforme de l’assurance maladie, obtenue par la négociation devrait avoir la voie à d’autres accords de réformes en profondeur comme par exemple, celle du marché du travail.

La situation est tout autre en France où le gouvernement Raffarin a été bousculé par les mouvements sociaux hostiles à sa réforme du régime des retraites. Le «passage en force» à l’Assemblée nationale où l’UMP est ultra-majoritaire, tandis que les manifestations se succédaient dans les rues, a laissé un goût amer. Désormais, le Premier ministre affiche la prudence sur la suite des réformes. Notamment celle de l’assurance maladie, renvoyée à l’automne 2005, après une période de longues négociations avec tous les partenaires de santé, fixée à un an. Pourtant, le déficit de l’assurance maladie est pire encore de ce côté du Rhin : en France, les dépenses ont atteint 95 milliards d’euros en 2002 pour un déficit de 6 milliards d’euros. En 2003, le «trou de la sécu» pourrait approcher 10 milliards d’euros.

Mais, à huit mois des élections régionales, première consultation électorale d’ampleur nationale depuis les législatives de 2002, le gouvernement ne veut pas prendre le risque d’un nouveau conflit social majeur. Le spectre des grandes manifestations de décembre 1995 qui avaient entraîné le départ du Premier ministre Alain Juppé plane encore.



par Francine  Quentin

Article publié le 22/07/2003