Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

Union africaine

La continuité dans le changement

Après la phase probatoire et de présidence intérimaire, l’Union africaine engage à Maputo l’installation des organes qui animeront la vie de la nouvelle institution. L’ancien président du Mali, Alpha Oumar Konaré est la cheville ouvrière élue de l’organisation, en tant que président de la Commission.
L’Union africaine est considérée, par de nombreux hommes politiques et par les chefs d’Etat africains, comme un événement majeur dans l’évolution institutionnelle du continent. La mise en place de cette nouvelle organisation répond à un besoin de modernisation des structures de l’OUA, qui visiblement n’étaient plus adaptées au processus d’intégration du continent dans l’économie mondiale, et dans le règlement des problèmes sociaux, culturels, économiques et politiques. C’est pourquoi une transition plus ou moins longue a été choisie pour effectuer un passage de l’OUA à l’UA. Une session extraordinaire de la conférence des chefs d’État en septembre 1999 à Syrte en Libye avait abouti une déclaration adoptant le principe de la création de l’union africaine. Un an plus tard à Lomé, l’acte constitutif de l’Union a été adopté. En 2001, le sommet de Lusaka valide le programme de mise en place de l’Union africaine. Puis, en 2002 le sommet de Durban lance effectivement l’Union africaine par une conférence inaugurale des chefs d’État et de gouvernement de l’Union.

Pendant toute cette période, la tâche d’installation des organes de l’Union a été confiée à Amara Essy, le président par intérim de la Commission. Dans son allocution d’ouverture il a insisté sur la mise en place effective des différents organes qui n’attendent que la nomination «des commissaires, hommes et femmes compétents et dévoués qui prendront en main les destinées de la Commission et de ses programmes. Ceci afin de permettre à cet important organe de notre Union de jouer son rôle de locomotive africain». Les principaux organes sont, bien entendu, la Commission, le Conseil exécutif, la Conférence des chefs d’État et de gouvernement et le Comité des représentants permanents, mais de nombreux organes spécialisés sont aussi en cours d’installation. Ils ont, pour la plupart, changé d’appellation et ne sont ni plus ni moins qu’un héritage de la défunte OUA.

Le Mécanisme pour la prévention, la gestion et le règlement des conflits, adopté en 1993 pour «promouvoir la paix, la sécurité et la stabilité sur le continent», s’est mué en Conseil de paix et de sécurité. Apportera-t-il une approche nouvelle dans la prévention et la gestion des conflits ? Rien n’est moins sûr, puisque les conflits en Afrique, ont quasiment tous été des confrontations internes avant d’avoir des implications extérieures. L’immixtion de quelque organe que ce soit a souvent été évitée pour échapper aux accusations d’ingérence dans des affaires intérieures d’un pays. Les solutions ont, la plupart du temps, été régionales à travers des structures qui n’avaient même pas cette vocation au départ. C’est le cas de la CEDEAO (Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest) qui intervient, par exemple, en Côte d’Ivoire. Mais quel organe aurait pu prévenir le conflit civil ivoirien sans écorcher la souveraineté du pays et la légitimité de ses élus ? Principes auxquels l’UA est attachée. Les récents cas de Madagascar et de la Centrafrique qui ont trouvé des dénouements opposés aux options de l’Union africaine sont assez révélateurs des nobles intentions mais à mille lieux des réalités sociales et politiques des pays.

La limite des compétences

Mais les optimistes pourront trouver du grain à moudre au Conseil de paix et de sécurité en le faisant travailler sur la coordination des différents mécanismes régionaux, sans oublier les liens avec les programmes d’assistance militaire bilatéraux et multilatéraux conclus entre des les pays africains et certaines puissances étrangères : le renforcement des capacités africaines de maintien de la paix (Recamp) avec la France, l’African center for security studies (ACCS) avec les États-Unis et le British military advorsory and training team (BMATT) avec la Grande-Bretagne.

Parmi les organes essentiels de l’UA figurent la Cour de justice et aussi le Parlement panafricain. Ce parlement «est un organe qui vise à assurer la pleine participation des peuples africains à la gouvernance, au développement et à l’intégration économique du continent», selon la présentation qu’en fait l’UA. Alors que légiférer est la mission première de tout parlement, l’écrivain panafricaniste Doumbi Fakoly (auteur de plusieurs livres sur l’intégration des peuples et l’histoire du panafircanisme) s’interroge sur le «sens même de la création d’une telle institution, alors la gestion des assemblées nationales laissent encore à désirer». Il faut aussi s’interroger sur la valeur de ses lois, alors que les seuls points de convergences des politiques africaines ne sont que des lieux communs que tout bon sens ne pourrait rejeter.

En 1999, la «Décision d’Alger» avait été adoptée sur les changements anticonstitutionnels de gouvernement, puis la «Déclaration de Lomé» sur le cadre pour une réaction face aux changements anticonstitutionnels de gouvernement a été adoptée en 2000. Malgré ce dispositif approuvé par tous les membres de l’UA à Lomé, le gouvernement togolais ne s’est pas privé de procéder en décembre 2002, à une transformation du code électoral et de la constitution pour empêcher un candidat de se présenter et pour permettre, par ailleurs, au chef de l’État de se porter candidat alors que les textes de la République ne l’autorisaient plus à briguer un nouveau mandat. Cette opération cousue de fil rouge à la veille du scrutin présidentiel a été présentée par ses partisans comme un appel pour un nouveau sacrifice du président sortant à la tête de l’État, après 36 ans de pouvoir ! L’Union européenne a refusé d’envoyer des observateurs, en condamnant l’opacité des méthodes, mais l’Union africaine avait, quant à elle, dépêché des observateurs.

Le manque de transparence ou l’inefficacité de certains organes de l’UA peut discréditer l’organisation ne pourront pas constituer des éléments de blocage et de fonctionnement. À la tête de l’UA se trouve l’instance supérieure qui est la Conférence (Sommet des chefs d'Etat sous l’OUA), composée des Chefs d’Etat et de gouvernement où de leurs représentants. Elle est suivie du Conseil exécutif (Conférence des ministres sous l’OUA) composé des ministres ou autorités désignées par les gouvernements. Le Conseil exécutif est responsable devant la Conférence. Enfin la Commission (secrétariat général sous l’OUA) est composée d’un président, d’un vice-président, de huit commissaires assistés des membres du personnel. Chaque commissaire a en charge un portefeuille, Paix et sécurité, Affaires politiques, Infrastructures et énergie, Affaires sociales, Ressources humaines, Sciences et technologie, Commerce et industrie, Economie rurale et agriculture, Affaires économiques. À la lecture de toutes les dispositions, n’apparaît aucune originalité ni spécificité, le mimétisme de l’Union européenne est total.



par Didier  Samson

Article publié le 14/07/2003 Dernière mise à jour le 27/01/2005 à 14:29 TU