Politique française
Le gouvernement ébranlé par la polémique
Tout en dénonçant une «polémique sordide», le gouvernement a infléchi son discours et reconnaît aujourd’hui 5 000 décès dus à la canicule.
Ce lundi matin 18 août, sur une radio française, le ministre de la Santé Jean-François Mattei reconnaissait que le nombre de 5 000 morts de la canicule était «plausible». Une semaine plus tôt, le ministre, alors en vacances, avait contesté le nombre de 50 morts avancé par les médecins urgentistes. Entre-temps, alors que grimpaient les chiffres des décès au fil de la semaine, la polémique enflait également sur les raisons pour lesquelles les moyens suffisants n’avaient pas été mis en œuvre. Le Parti socialiste a d’ores et déjà demandé une commission d’enquête parlementaire.
Le premier secrétaire du Parti socialiste, François Hollande, a eu le verbe incisif en mettant en cause non pas «les vacances des ministres» mais «la vacance du gouvernement». Ulcérés, les ministres concernés ont interrompu leurs vacances, multipliant les visites aux hôpitaux et aux maisons de retraite tout en dénonçant des «polémiques politiciennes». Le porte-parole du gouvernement, Jean-François Copé, a mis en cause le passage aux 35 heures décidé par le précédent gouvernement socialiste comme l’une des causes de l’incapacité des hôpitaux à faire face aux besoins, ajoutant que les critiques de l’opposition étaient une insulte indirecte aux personnels hospitaliers. Le porte-parole du PS Julien Dray a répondu de façon cinglante que la véritable «insulte faite aux personnels hospitaliers revient à ceux qui depuis des mois ont réduit les budgets et ont refusé d’embaucher».
Le quotidien Libération, particulièrement en pointe sur ce dossier, dénonce ce lundi l’«hypocrisie» de Jean-Pierre Raffarin qui appelle les Français à mieux s’occuper des personnes âgées alors que depuis un an, tous les budgets en leur faveur ont été revus à la baisse, notamment l’allocation-dépendance.
Cafouillages de communication
Le gouvernement est manifestement déstabilisé par cette crise pour plusieurs raisons :
- L’ampleur même de la catastrophe dépasse tout ce que l’on pouvait craindre, et les chiffres définitifs ne seront pas connus avant plusieurs semaines ;
- La vigueur des attaques de l’opposition, que l’on disait atone et divisée au début de l’été ;
- La colère des professionnels de la santé laisse prévoir une rentrée sociale encore plus difficile que prévu, et le gouvernement s’attendait déjà à une rentrée difficile. Ce n’est sans doute pas la prime exceptionnelle promise par le gouvernement qui suffira à désamorcer cette colère.
Les cafouillages de la communication gouvernementale en sont l’illustration. Tardant à interrompre leurs vacances, les ministres sont finalement rentrés dare-dare, mais en variant sur ce qu’il fallait dire. Les premiers jours, le ministre de la santé a semblé sous-estimer l’ampleur de la crise, puis il a affirmé qu’en ce qui le concernait, il n’avait rien à se reprocher. Aujourd’hui, il reconnaît que les systèmes d’alertes sanitaires ont été défectueux. Le directeur général de la santé, le professeur Lucien Abdenhaïm, en a tiré les conséquences en présentant sa démission. Mais il n'était pas le seul à être sur la sellette: le savoir-faire dans la tourmente du ministre de la Santé a été abondamment comparé aux performances de Luc Ferry face au malaise des enseignants.
Jean-Pierre Raffarin lui-même est écorné. Le grand communicateur a été pris en défaut de stratégie de communication. Et la réunion interministérielle consacrée à la canicule en fin de semaine qui devait illustrer la maîtrise du gouvernement a tourné au fiasco lorsque les caméras de télévision ont montré le Premier ministre et le ministre de la Santé fuyant les journalistes, refusant de répondre à leurs questions. La situation s’est encore aggravée lorsque l’on a appris que le service de presse de Matignon avait fait part de la colère du Premier ministre après la diffusion de ces images, comme s’il appartenait au pouvoir exécutif de décider la politique rédactionnelle de France 2 et France 3.
Plus généralement, de même que les Américains s’interrogent aujourd’hui sur l’inadaptation de leur réseau électrique, les Français découvrent que leur système de santé, inlassablement présenté comme l’un des meilleurs du monde, a lamentablement failli face à la vague de chaleur que nos voisins européens, confrontés au même problème, ont traversé avec infiniment moins de dommages, qu’il s’agisse de l’Espagne, du Portugal, de l’Italie, de la Suisse ou de l’Allemagne. La mort, occultée de notre société et des écrans de télévision, a également fait son irruption avec la multiplication des reportages sur les morgues de fortune et les cadavres laissés à domicile près de dix jours, faute de chambres froides en nombre suffisant.
La température est retombée, mais le débat promet de rester chaud dans les semaines à venir.
Le premier secrétaire du Parti socialiste, François Hollande, a eu le verbe incisif en mettant en cause non pas «les vacances des ministres» mais «la vacance du gouvernement». Ulcérés, les ministres concernés ont interrompu leurs vacances, multipliant les visites aux hôpitaux et aux maisons de retraite tout en dénonçant des «polémiques politiciennes». Le porte-parole du gouvernement, Jean-François Copé, a mis en cause le passage aux 35 heures décidé par le précédent gouvernement socialiste comme l’une des causes de l’incapacité des hôpitaux à faire face aux besoins, ajoutant que les critiques de l’opposition étaient une insulte indirecte aux personnels hospitaliers. Le porte-parole du PS Julien Dray a répondu de façon cinglante que la véritable «insulte faite aux personnels hospitaliers revient à ceux qui depuis des mois ont réduit les budgets et ont refusé d’embaucher».
Le quotidien Libération, particulièrement en pointe sur ce dossier, dénonce ce lundi l’«hypocrisie» de Jean-Pierre Raffarin qui appelle les Français à mieux s’occuper des personnes âgées alors que depuis un an, tous les budgets en leur faveur ont été revus à la baisse, notamment l’allocation-dépendance.
Cafouillages de communication
Le gouvernement est manifestement déstabilisé par cette crise pour plusieurs raisons :
- L’ampleur même de la catastrophe dépasse tout ce que l’on pouvait craindre, et les chiffres définitifs ne seront pas connus avant plusieurs semaines ;
- La vigueur des attaques de l’opposition, que l’on disait atone et divisée au début de l’été ;
- La colère des professionnels de la santé laisse prévoir une rentrée sociale encore plus difficile que prévu, et le gouvernement s’attendait déjà à une rentrée difficile. Ce n’est sans doute pas la prime exceptionnelle promise par le gouvernement qui suffira à désamorcer cette colère.
Les cafouillages de la communication gouvernementale en sont l’illustration. Tardant à interrompre leurs vacances, les ministres sont finalement rentrés dare-dare, mais en variant sur ce qu’il fallait dire. Les premiers jours, le ministre de la santé a semblé sous-estimer l’ampleur de la crise, puis il a affirmé qu’en ce qui le concernait, il n’avait rien à se reprocher. Aujourd’hui, il reconnaît que les systèmes d’alertes sanitaires ont été défectueux. Le directeur général de la santé, le professeur Lucien Abdenhaïm, en a tiré les conséquences en présentant sa démission. Mais il n'était pas le seul à être sur la sellette: le savoir-faire dans la tourmente du ministre de la Santé a été abondamment comparé aux performances de Luc Ferry face au malaise des enseignants.
Jean-Pierre Raffarin lui-même est écorné. Le grand communicateur a été pris en défaut de stratégie de communication. Et la réunion interministérielle consacrée à la canicule en fin de semaine qui devait illustrer la maîtrise du gouvernement a tourné au fiasco lorsque les caméras de télévision ont montré le Premier ministre et le ministre de la Santé fuyant les journalistes, refusant de répondre à leurs questions. La situation s’est encore aggravée lorsque l’on a appris que le service de presse de Matignon avait fait part de la colère du Premier ministre après la diffusion de ces images, comme s’il appartenait au pouvoir exécutif de décider la politique rédactionnelle de France 2 et France 3.
Plus généralement, de même que les Américains s’interrogent aujourd’hui sur l’inadaptation de leur réseau électrique, les Français découvrent que leur système de santé, inlassablement présenté comme l’un des meilleurs du monde, a lamentablement failli face à la vague de chaleur que nos voisins européens, confrontés au même problème, ont traversé avec infiniment moins de dommages, qu’il s’agisse de l’Espagne, du Portugal, de l’Italie, de la Suisse ou de l’Allemagne. La mort, occultée de notre société et des écrans de télévision, a également fait son irruption avec la multiplication des reportages sur les morgues de fortune et les cadavres laissés à domicile près de dix jours, faute de chambres froides en nombre suffisant.
La température est retombée, mais le débat promet de rester chaud dans les semaines à venir.
par Olivier Da Lage
Article publié le 18/08/2003