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Politique française

La canicule avive les exigences des Français

La canicule est désormais un dossier urgent pour le gouvernement Raffarin, attaqué pour sa «passivité» et son manque de prévisions des conséquences de la vague de chaleur. Derrière les critiques politiciennes se profilent des problèmes réels tels l’organisation des services publics face aux crises et les attentes croissantes des citoyens à leur égard.
Les premiers à être sortis de leur réserve ont été les pompiers. Harassés par des jours de lutte contre les violents feux de forêts dans le sud-est de la France en raison des températures exceptionnellement élevées certains responsables ont dénoncé la pénurie en moyens et en hommes pour parvenir à se rendre maîtres des incendies. Ensuite, la chaleur persistant, l’augmentation du nombre de décès de personnes âgées, touchées par la déshydratation, a déclenché la polémique sur l’incapacité des services de santé et tout particulièrement des services d’urgence, débordés, à affronter la situation. Enfin, les difficultés de fonctionnement des centrales nucléaires et le risque de pénurie d’énergie ainsi que les pics de pollution enregistrés dans certaines régions ont été pris comme exemple, par l’opposition politique, des carences du gouvernement dans la gestion d’une situation inattendue.

S’engouffrant dans la brèche ouverte par les professionnels du feu et de la santé le premier secrétaire du parti socialiste, François Hollande, a eu beau jeu de relever qu’il «y a eu un défaut de réaction du gouvernement, pas de cellule de crise, pas de décision forte et pas de ministre présent». Il est vrai que la chaleur a atteint son maximum précisément dans la période où le gouvernement s’est accordé quelques jours de congés. Comme c’est de bonne guerre, le porte-parole du gouvernement, Jean-François Copé, a dénoncé la critique politicienne. Il a même reçu le renfort de Bernard Kouchner, ancien ministre socialiste de la Santé, selon lequel le gouvernement ne peut changer le climat.

Des difficultés encore aggravées

Il n’en demeure pas moins que le débat sur le fonctionnement des hôpitaux en France, notamment le manque de personnel médical et infirmier, est récurrent depuis des mois. Une situation déjà difficile a encore été aggravée par les départs en vacances du mois d’août. La ville de Marseille est l’exemple que la surmortalité due à la chaleur n’est pas une fatalité. Après les 500 morts de l’année 1983, particulièrement chaude, les autorités sanitaires de la ville ont pris les mesures de préventions et d’organisation nécessaires. Résultat, il n’y a pas, comme en région parisienne, d’affluence aux urgences des hôpitaux.

De même, l’organisation de la sécurité civile fait l’objet de critiques à chaque événement imprévu ou catastrophe naturelle : inondations, marée noire. On a même vu il y a quelques mois, alors que la France connaissait un hiver relativement rigoureux, des automobilistes en colère s’en prendre à la société d’autoroute qui n’avait pas su réagir à un gel brutal qui les avait bloqués sur place.

A des carences, parfois réelles, révélées lorsque des événements inhabituels se produisent, s’ajoute l’attente de plus en plus forte des citoyens-consommateurs envers les services publics, ou jugés tels. Personne ne rend Jean-Pierre Raffarin responsable de la canicule mais chacun exige que ses conséquences soient prises en charge par la puissance publique. Une sorte de culture du «risque zéro» aux mains de l’Etat-providence. Sans pour autant que soit clairement envisagé le coût pour la collectivité d’une telle réduction des risques. Un éditorialiste faisait remarquer que la France ne peut guère, pour parer à toute éventualité, entretenir à la fois un parc de chasse-neiges digne de la Finlande et autant de climatiseurs que l’Arabie saoudite. Le phénomène est d’ailleurs le même dans la plupart des pays européens : le gouvernement allemand avait été pris à partie il y a un an pour sa gestion des inondations du Danube, tandis que le Premier ministre espagnol José Maria Aznar a connu une crise politique liée à son «absence» pendant le marée noire du Prestige.

Les risques de pénurie en électricité illustrent bien le dilemme du gouvernement. Comment satisfaire une demande énergétique de haut niveau alors que les centrales hydrauliques tournent au ralenti en raison de la baisse des niveaux d’eau et que les centrales nucléaires souffrent de surchauffe ? Le gouvernement a décidé d’autoriser EDF à rejeter dans les rivières une eau plus chaude que la norme afin de refroidir les réacteurs nucléaires. Aussitôt les écologistes ont dénoncé l’atteinte à la faune et la flore et la dépendance excessive de la France au nucléaire. Le vert Noël Mamère rappelle au passage que l’entreprise publique en voie de privatisation «se bat depuis longtemps contre les énergies solaires et alternatives».

Les difficultés rencontrées cet été pour produire de l’énergie, de même que les pics de pollution à l’ozone liés à la chaleur, devraient peser sur le débat instauré par le gouvernement tout au long de l’année 2003 sur l’avenir énergétique de la France à l’horizon 2030. Rares en effet sont les Français qui pensent que la réduction de la vitesse de 20 km/h sur les limitations habituelles suffira à enrayer durablement le phénomène de la pollution atmosphérique par hydrocarbures.



par Francine  Quentin

Article publié le 12/08/2003