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Côte d''Ivoire

IB annonce son retour

C’est depuis Paris, où il réside depuis quelques jours, que le sergent-chef Ibrahim Coulibaly, dit «IB», a annoncé son retour prochain dans son pays. Il déclare (écouter son interview) vouloir bénéficier des récentes mesures adoptées en faveur des militaires déserteurs et révoqués pour retrouver les siens. Au cours de ce mois d’août, deux initiatives importantes ont été prises à cet effet par les autorités ivoiriennes.
Le 6 août, les députés ivoiriens ont adopté une loi amnistiant toutes les atteintes à la sûreté de l’Etat liées aux troubles qui ont affecté la vie politique du pays entre le 17 septembre 2000 et le 19 septembre 2002. La loi couvre «toutes les infractions contre la sûreté de l’Etat, quels qu’en soient les auteurs, coauteurs ou complices, militaires ou civils se trouvant sur le territoire national ou en exil». Les auteurs d’infractions économiques, de violations des droits de l’Homme et du droit international humanitaire sont cependant exclus du bénéfice de la loi. Cette loi d’amnistie est l’une des mesures adoptées par l’ensemble des forces politiques ivoiriennes lors de la conférence de réconciliation réunie en janvier dernier en France, à Marcoussis, en banlieue parisienne.

D’autre part, le ministre ivoirien de la Défense par intérim, Assoa Adou, a signé le 20 août un décret complétant ce texte. Selon le communiqué, «les militaires révoqués ou en instance de révocation pour désertion ou atteinte à la sûreté de l’Etat depuis le 18 septembre 2000 jusqu’au 10 août 2003 sont réintégrés dans les forces armées nationales». «Les militaires concernés prendront toutes les dispositions pour rejoindre leurs unités respectives» et «la solde de chaque intéressé sera rétablie lorsqu’il reprendra effectivement le service». On estime à plus de 200 le nombre de déserteurs de l’armée ivoirienne concernés par la loi d’amnistie et le décret ministériel. Une partie d’entre eux s’était réfugiée au Burkina voisin et sont soupçonnés d’être à l’origine de la dernière tentative de coup d’Etat du 19 septembre.

C’est notamment le cas du sergent-chef Coulibaly qui joua un rôle déterminant auprès du général Gueï dans le coup d’Etat qui destitua l’ancien président Henri Konan Bédié, en décembre 1999. Mais la fraternité des armes ne résista ni aux ambitions politiques du général, ni à la sympathie du sergent-chef pour le politicien nordiste, Alassane Ouattara, dont la question de la nationalité empoisonne la vie politique du pays et divise la classe politique ivoirienne depuis de longues années. En septembre 2000, IB finit par trouver refuge à Ouagadougou, où il est accueilli par des autorités réputées hostiles au grand voisin ivoirien et, bien qu’il le nie, Ibrahim Coulibaly est régulièrement cité comme le cerveau de la tentative de putsch du 19 septembre 2002.

L’annonce de son retour survient dans un contexte toujours très tendu. Le 19 septembre, la Côte d’Ivoire entrera donc dans sa deuxième année de crise ouverte par la tentative de coup d’Etat d’une partie de l’armée et la partition du pays qui «perpétue (…) un climat d’incertitude», souligne les Nations unies.

Le Premier ministre réclame plus de pouvoir

Le Premier ministre ivoirien, pourtant réputé pour sa modération, est même sorti de sa réserve pour constater que la mise en place de son programme de réconciliation nationale n’allait pas de soi et qu’il affrontait de fortes résistances. Le 12 août Seydou Diarra s’est, pour la première fois depuis sa nomination en janvier dernier, adressé à ses compatriotes pour réclamer du président qu’il lui accorde plus de pouvoirs, conformément aux accords de Marcoussis, pour mener à bien sa mission. Une intervention traduite par «Seydou Diarra veut tout le pouvoir», selon la presse pro-présidentiel (le Temps), ou «Seydou Diarra a montré du doigt aux ivoiriens le principal obstacle au retour de la paix véritable (…) : Laurent Gbagbo et personne d’autre» (le Jour).

Le rapport trimestriel de l’ONU sur la situation, publié le 13 septembre, dresse en effet un tableau dégradé et inquiétant de la situation. Le document de l’organisation internationale fait état «d’informations confirmées» selon lesquelles les Forces armées nationales de Côte d’Ivoire achèteraient des armes et de «soupçons» selon lesquels les Forces nouvelles en feraient de même. Le document fait état de la persistante d’une «crise humanitaire aiguë consécutive au conflit et à l’effondrement de l’économie». Selon l’ONU, le pays compte 800 000 déplacés et de 500 000 étrangers contraint de fuir «à cause de la xénophobie et des tensions ethniques». Concernant la capitale économique, le rapport souligne la «grave menace pour la sécurité et les droits de l’homme» que constitue les activités des miliciens et autres «jeunes patriotes».

Le 13 août, les Etats-Unis annonçaient qu’ils autorisaient le retour à Abidjan de leurs diplomates non-essentiels, évacués au plus fort de la crise, il y a dix mois. Toutefois ils devront obtenir une permission spéciale pour sortir de l’agglomération abidjanaise. Quant aux citoyens américains, le département d’Etat leur conseille reporter leurs voyages non indispensables vers ce pays et précise que «les citoyens américains privés qui restent ou voyagent en Côte d’Ivoire doivent éviter de se rendre dans l’intérieur du pays» en raison d’une situation jugée «volatile».

Aujourd’hui une partie de la presse ivoirienne (proche de la mouvance présidentielle et plutôt opposée à l’application des accords de Marcoussis, qui consacrent la légitimité des armes comme moyens de prise de pouvoir) s’inquiète de ce retour au pays, dans le contexte qui prévaut, du sergent-chef Coulibaly. La nécessité d’un geste de bonne volonté de la part des autorités burkinabé est évoqué dans la perspective de parvenir (enfin) à la réouverture sans cesse reportée de la frontière entre les deux pays, fermée depuis près d’un an. Les plus pessimistes agitent le spectre d’un retour du chef en vue de l’offensive finale contre le régime de Laurent Gbagbo.



par Georges  Abou

Article publié le 22/08/2003