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Santé

Tirer les leçons de la canicule

Alors que la polémique se poursuit sur les responsabilités du gouvernement face à la surmortalité des personnes âgées, les professionnels de la santé veulent recentrer le débat sur les moyens d’améliorer le système d’alerte et de prévention. Le Premier ministre semble bien vouloir les suivre sur ce terrain là.
Jean-Pierre Raffarin a pris la mesure de la polémique qui enfle depuis plusieurs jours sur l’absence de réaction du gouvernement devant les conséquences sanitaires de la vague de chaleur qui a sévi sur la France. Le Premier ministre, directement attaqué par l’opposition politique pour avoir poursuivi ses vacances, en dépit de la gravité de la situation, semble bien décidé à reprendre l’initiative. Il a demandé au ministère de la Santé d’évaluer très rapidement le système d’alerte médico-social dont la France dispose actuellement. Ce premier bilan devrait lui être communiqué avant le Conseil des ministres de rentrée, jeudi prochain, afin qu’il puisse annoncer les premières décisions, à l’issue de cette réunion. Le syndicat des médecins hospitaliers demande une «opération vérité» sur les circonstances de la crise et quelques semaines pour élaborer des propositions qui soient autre chose que des mesures d’affichage.

Dès à présent, Jean-Pierre Raffarin entend «revoir le système des urgences dont le rôle doit être revalorisé dans l’organisation de l’hôpital». Les urgences hospitalières devraient donc passer au rang de priorité gouvernementale. Voilà qui va retenir l’attention de Patrick Pelloux, président de l’association des médecins urgentistes français qui, le premier, a poussé un cri d’alarme début août. Depuis des mois les médecins et infirmiers des hôpitaux, dont au premier chef les personnels des urgences, protestaient, sans être entendus, contre les dysfonctionnements et les manques d’effectifs de ces services, de plus en plus sollicités. Les événements des dernières semaines ont apporté la preuve malheureuse de ce qu’ils avançaient. Plus largement c’est toute l’organisation de la prise en charge médico-sociale des personnes âgées qui devra être prise en compte et, dans l’immédiat, celle des personnes fragilisées par le climat des dernières semaines.

Les dangers du «flux tendu» en matière de santé

Pour l’instant, les opinions se divisent en deux camps : ceux qui pensent que le système de veille sanitaire et d’alerte n’a pas fonctionné correctement, et ceux qui défendent l’inverse. Le résultat est à peu près le même car, dans le premier cas, des améliorations sensibles sont à apporter et, dans le second, les structures sont entièrement à revoir car elles s’avèrent à l’évidence inopérantes. Le bilan des victimes de la canicule n’est pas encore précisément arrêté mais le chiffre de 5 000 morts n’est plus considéré comme exagéré.

Lucien Abenhaim, directeur général de la santé démissionnaire, plaide que les conséquences de la canicule étaient totalement imprévisibles et que le débat actuel relève de la recherche d’un «bouc émissaire». De son côté Gilles Brücker, directeur de l’Institut national de veille sanitaire, dont l’organisme a été mis en cause, reconnaît qu’il ne dispose pas d’un système permanent de collecte d’informations sur les données sanitaires liées aux variations climatiques. «Il y a là, dit-il, une carence dont nous prenons collectivement conscience maintenant».

Pour le président de la Croix-Rouge française, Marc Gentilini, la canicule a fait «exploser le système». Ce qui, selon le PRG, formation politique de l’opposition, souligne «le danger de raisonner en flux tendu en matière de santé et de réduire à tout va les effectifs». Quant au secrétaire d’Etat aux personnes âgées, Hubert Falco, il donne carrément raison aux professionnels lorsqu’ils jugent insuffisants les moyens dont ils disposent.

La parole est donc aux professionnels de santé dont certains n’hésitent plus à critiquer les politiques gouvernementales restrictives et de gestion comptable en matière de santé. Dans une contribution au quotidien Le Monde, Pierre Carli, chef du service d’aide médicale d’urgence (SAMU) de Paris et Bruno Riou, chef des urgences dans un hôpital parisien, prônent une analyse constructive du drame qui s’est déroulé. Ils rappellent qu’aux Etats-Unis des circonstances semblables se sont présentées en 1980 et 1995. C’est à la suite de ces événements que les Etats-Unis ont mis en place «une réponse désormais extrêmement efficace». Notamment les mesures préventives prises par la ville de Chicago sont considérées comme exemplaires. De même la ville de Marseille a fait la preuve, pendant la canicule, de la pertinence de son dispositif de prévention et d’accueil, élaboré au cours des dernières années.



par Francine  Quentin

Article publié le 19/08/2003