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Côte d''Ivoire

Que reste-t-il du «processus de réconciliation» ?

Les suites de l’affaire «IB» ébranlent chaque jour un peu plus le processus engagé avec les accords de Marcoussis. L’arrestation du général Coulibaly, les accusations de manipulation et les manifestations dans le nord du pays font monter la tension.
Au terme d’une semaine qui a commencé avec l’arrestation d’Ibrahim Coulibaly en France et le constat d’impasse du processus de réconciliation dressé par les Forces nouvelles, la Côte d’Ivoire paraît s’éloigner de plus en plus de la perspective d’un retour rapide à une vie politique apaisée. Les derniers événements confirment que le «processus de réconciliation» qui était en panne menace maintenant de sombrer.

Jeudi soir, le général Abdoulaye Coulibaly a été cueilli à sa descente de l’avion en provenance de Paris sur l’aéroport d’Abidjan. Le militaire, ancien numéro trois de la junte qui entourait le général Gueï lorsque ce dernier était au pouvoir, a été interpellé par un capitaine attaché à la présidence ivoirienne, si l’on en croit un témoin cité par l’AFP, et il a été emmené vers une destination inconnue.

Le général Coulibaly, après avoir participé au coup d’Etat qui a porté le général Gueï au pouvoir en décembre 1999, avait été accusé par ce dernier d’avoir tenté de le renverser en compagnie du général Palenfo en septembre 2000. Jugé puis acquitté par un tribunal militaire, le général Coulibaly a vécu en Côte d’Ivoire à l’issue du procès. Selon ses proches, il s’était rendu en France il y a un mois et demi après avoir obtenu l’autorisation du ministère de la Défense.

Les ex-rebelles qualifient les autorités françaises de «marionnettes»

Dans l’entourage du général Coulibaly, on explique qu’il avait décidé de maintenir son retour en Côte d’Ivoire malgré l’éclatement de l’affaire «IB». Il estimait qu’on l’accuserait d’être lié aux auteurs de la «tentative de déstabilisation» s’il restait en France, estiment ses proches.

En Côte d’Ivoire, les manifestations organisées pour réclamer la libération du sergent-chef Ibrahim Coulibaly dit «IB» se sont poursuivies jeudi. Plusieurs dizaines de milliers de personnes ont ainsi défilé dans les rues de Bouaké, le principal fief des Forces nouvelles (ex-rebelles).

Les relations entre Paris et les représentants des Forces nouvelles se sont rapidement dégradées. En début de semaine, on annonçait la venue à Paris de Guillaume Soro, ministre de la Communication et secrétaire général du MPCI (mouvement patriotique de Côte d’Ivoire) pour faire le point sur l’application des accords de Marcoussis. Une visite finalement «reportée» au dernier moment. Et jeudi, les ex-rebelles ont publié un communiqué traitant les autorités françaises de «marionnettes» agissant pour le compte de la présidence ivoirienne.

Sur le terrain politique, les accusations portées mercredi soir par le président du FPI (le parti du président Gbagbo) accusant le Premier ministre Seydou Diarra de complicité avec les auteurs de la «tentative de déstabilisation» n’ont pas provoqué de réaction chez le chef du gouvernement. Selon le correspondant de RFI à Abidjan, Jean Hélène, les conseillers du Premier ministre s’interrogent sur l’attitude à adopter.

Pas d’interrogation en revanche du côté d’Alassane Ouattara. Le directeur de cabinet du leader du RDR (Rassemblement des Républicains) a démenti vendredi sur RFI les accusations formulées implicitement la veille par le président du FPI. Selon Cissé Bacongo, «le RDR ne s’associera jamais à une tentative de déstabilisation». Confirmant qu’Alassane Ouattara a bien rencontré le Premier ministre Seydou Diarra au cours de la visite de ce dernier en France au début du mois d’août, Cissé Bacongo précise que le chef de fille du RDR a également rencontré Pascal Affi N’Guessan, le président du FPI, lorsque ce dernier est passé en France durant l’été.

La tension qui était perceptible à Abidjan depuis quelques semaines déjà n’a fait que se renforcer depuis l’arrestation en France du sergent-chef Ibrahim Coulibaly dit «IB». Une tension qui risque de faire le jeu des plus durs dans le camp présidentiel comme dans les rangs des ex-rebelles. De part et d’autre, les radicaux n’ont jamais véritablement cru à la possibilité de mener à bien le «processus de réconciliation».



par Philippe  Couve

Article publié le 29/08/2003