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Six pays au chevet de la crise nord-coréenne

Pour parvenir à réunir autour d’une même table Américains et Nord-Coréens, la Chine a dû peser de tout son poids diplomatique. Pékin accueille en effet à partir de mercredi des pourparlers, auxquels doivent également participer des délégations russe, japonaise et sud-coréenne, destinés à tenter de résoudre la crise née de la reprise il y a bientôt un an par Pyongyang de son programme d’armement nucléaire. Si sur le plan international on applaudit l’initiative chinoise, de nombreux experts doutent toutefois que ces négociations à six débouchent sur un quelconque accord tant les positions américaine et nord-coréenne semblent tranchées. Mais le fait d’avoir réussi à organiser une telle rencontre est d’ores et déjà une victoire diplomatique pour Pékin.
Jusqu’à il y a encore quelques semaines, Pyongyang refusait catégoriquement toute négociation qui ne soit pas bilatérale avec les Etats-Unis pour dénouer la crise née de ses ambitions nucléaires. L’administration américaine, une fois n’est pas coutume, mettait elle sa légendaire politique unilatérale de côté, insistant pour que tous les pays de la région concernés par le dossier soient admis dans les discussions. La Chine, qui n’a pas ménagé ses efforts ces dernières semaines, a finalement réussi à concilier ces deux positions. Pékin accueillera donc des négociations à six en marge desquelles les deux parties pourront se rencontrer en tête-à-tête pour tenter de résoudre cette crise qui depuis bientôt un an a fait considérablement monter la tension dans la région et que l'actualité irakienne a largement contribué à rendre incontournable.

La rencontre prévue pour durer trois jours n’aura toutefois pas été possible sans un minimum de bonne volonté émanant des deux parties. Certes les discours sont toujours aussi fermes à Washington et Pyongyang mais Américains et Nord-Coréens ont tout de même fait quelques concessions, notamment sur le choix des chefs de délégation. L’administration américaine a ainsi dépêché à Pékin l’adjoint au secrétaire d’Etat, James Kelly, alors que John Bolton qui avait pourtant travaillé activement sur ce dossier a été écarté des négociations. Ce faucon de l’équipe Bush avait en effet usé d’un langage fort peu diplomatique qualifiant la vie en Corée du Nord de «cauchemar infernal» et le numéro 1 du pays, Kim Jong-il de «dictateur tyrannique». Le régime de Pyongyang, qui s’était empressé de l’affubler du qualificatif de «déchet humain», avait déclaré début août qu’il était toujours d’accord pour participer à des négociations multilatérales à la seule condition que John Bolton n’y participe pas.

Côté nord-coréen, la délégation sera conduite par l’un des huit vice-ministres des Affaires étrangères, Kim Yong-il. Il serait, dit-on, moins aguerri que ses collègues. En choisissant ce responsable moins connu des Américains et qui semble entretenir d’excellentes relations avec Pékin, Pyongyang pourrait chercher à rapprocher sa position de son allié traditionnel. La Chine, qui a mis tout son poids dans la balance pour tenter de trouver une solution au dossier nord-coréen, est très agacé par le comportement de son turbulent voisin qui en jouant l’escalade avec Washington a déclenché une course aux armements dans la région favorisant dans le même temps une présence américaine plus importante en Asie.

Peu d’espoir de dénouer la crise

La crise entre les Etats-Unis et la Corée du Nord a débuté en octobre dernier lorsque James Kelly a révélé que le régime stalinien avait admis devant des responsables américains qu’il poursuivait le développement d’un programme d’armement nucléaire en violation d’un accord bilatéral conclu en 1994. Quelques semaines plus tard Washington obtenait du Japon, de l’Union européenne et de la Corée du Sud la suspension, en représailles, des livraisons de pétrole à la Corée du Nord. Poursuivant l’escalade Pyongyang a renvoyé les inspecteurs de l’Agence internationale de l’énergie atomique avant de se retirer du Traité de non-prolifération nucléaire. Depuis soufflant le chaud et le froid, le régime nord-coréen se montre tantôt menaçant tantôt conciliant dans l’espoir d’obtenir une aide économique dont il a le plus grand besoin.

Alors que les Américains, qui ne font pas mystère de leur aversion pour le pouvoir nord-coréen, ont laissé entendre qu’ils pourraient se monter plus flexibles lors des pourparlers de Pékin, Pyongyang a une nouvelle fois haussé le ton, fustigeant notamment «la politique hostile des Etats-Unis». Refusant toute inspection à brève échéance de ses installations nucléaires, la Corée du Nord a ainsi affirmé qu’elle n’abandonnerait pas «la force nucléaire de dissuasion» à moins que Washington satisfasse son exigence d’un traité de non-agression. Elle exige en effet que les discussions de la capitale chinoise aboutissent à la signature d’un accord qui «garantirait strictement et légalement qu’aucune des deux parties n’attaquera l’autre». Le secrétaire d’Etat américain a certes réitéré l’opposition de Washington à un tel traité mais il a toutefois laissé entendre que le Congrès pourrait accepter une formule de garantie moins contraignante. Signe s’il en était besoin du fléchissement de la position jusque-là adoptée par l’administration américaine, qui a le plus grand mal à se sortir du bourbier irakien.

Mais malgré la volonté affichée par le président Bush de trouver «une solution pacifique» à l’épineux dossier nord-coréen, il semble peu probable que des progrès spectaculaires soient obtenus lors de ces discussions de Pékin. Les Américains, aussi intransigeants que peuvent l’être les autorités de Pyongyang, ne sont en effet pas prêts à renoncer à leur exigence principale qui est la fin complète, vérifiable et irréversible, des ambitions nucléaires de la Corée du Nord.

La rencontre de Pékin n’en demeure pas un succès de taille pour la diplomatie chinoise qui doit désormais travailler à ce que le dialogue amorcé entre les deux parties se poursuive.

Ecouter également:

Thérèse Delpech, directrice des Affaires stratégiques au Commissariat à l'énergie atomique

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La chronique Asie d'Any Bourrier



par Mounia  Daoudi

Article publié le 26/08/2003